BULGER, ANDREW H., officier, fonctionnaire et administrateur colonial, né le 30 novembre 1789 à Terre-Neuve, fils de John Bulger et de Catherine Foran ; décédé le 2 mars 1858 à Montréal.

Le 26 octobre 1804, Andrew H. Bulger fut nommé enseigne dans le Newfoundland Regiment of Fencible Infantry, formé depuis peu, et, moins de deux ans plus tard, il reçut son brevet de lieutenant. Avec son unité, qui devint le Royal Newfoundland Regiment en 1806, il servit à Terre-Neuve, en Nouvelle-Écosse et au Bas-Canada jusqu’à l’ouverture des hostilités avec les États-Unis en 1812. Il fut alors envoyé à la frontière du Niagara, dans le Haut-Canada, pour servir sous les ordres du major général Isaac Brock*. Il participa à la prise de Detroit en août 1812 et, à l’automne, il fut détaché auprès des forces navales avec lesquelles il prit part à des opérations de harcèlement contre l’ennemi, le long du haut Saint-Laurent. Il se battit au fort George (Niagara-on-the-Lake, Ontario) et à Stoney Creek [V. John Vincent*] en mai et juin 1813, ainsi qu’à Crysler’s Farm en novembre de la même année. En 1814, Bulger fit partie des renforts envoyés au fort Michillimakinac (Mackinac Island, Michigan) en qualité d’adjudant du lieutenant-colonel Robert McDouall*. Les 10 officiers et quelque 200 hommes qui composaient le détachement partirent de Kingston au début de février ; après une marche rendue pénible à cause de l’hiver et qui les conduisit au lac Simcoe, puis à la baie Géorgienne, ils continuèrent leur route en bateau jusqu’au fort qu’ils atteignirent le 18 mai. L’arrêt d’une attaque lancée par les Américains le 4 août, suivi de la capture audacieuse des schooners américains Tigress et Scorpion au début de septembre [V. Miller Worsley*], assura la suprématie britannique sur les lacs Supérieur, Michigan et Huron pour toute la durée de la guerre. Bulger se distingua au cours de ces deux engagements et fut légèrement blessé lors de l’abordage du Tigress.

En octobre, Bulger, qui détenait le grade temporaire de capitaine, fut nommé commandant du fort McKay à Prairie du Chien (Wisconsin), sur le haut Mississippi. Ce fort avait été pris aux Américains en juillet par William McKay*, commandant du corps provincial des Michigan Fencibles. La situation y était dangereuse et délicate, mais Bulger parvint, grâce à sa direction énergique, à assurer la sécurité des 200 Canadiens français qui habitaient la région et à maintenir l’allégeance des Indiens à la couronne britannique. Au début de janvier 1815, il réprima une quasi-mutinerie au sein des Michigan Fencibles, en garnison au fort, en convoquant un conseil de guerre et en faisant fouetter les trois principaux coupables, sans autre formalité.

Bulger et Robert Dickson*, agent et surintendant des Indiens de l’Ouest à Prairie du Chien, eurent des démêlés continuels à propos de leurs rapports avec les alliés indiens. Par ses instructions mêmes, Bulger avait la haute main sur la distribution des vivres et des présents aux familles indiennes, et le jeune officier refusa d’admettre que l’agent vienne empiéter sur son autorité. Dickson fut finalement rappelé à Michillimakinac au début de 1815. En dépit de cette malheureuse lutte de pouvoir, les habitants de Prairie du Chien approuvèrent le comportement général de Bulger et le remercièrent de son leadership et de sa protection, dans une adresse datée du 15 janvier 1815. McDouall se montra tout aussi élogieux à son endroit et loua sa « conduite judicieuse, virile et énergique ».

La nouvelle du traité de paix signé à Gand (Belgique) le 24 décembre 1814 parvint à Prairie du Chien en avril 1815. Bulger réussit, non sans quelque difficulté, à convaincre les alliés indiens du haut Mississippi de ratifier ce traité qui reconnaissait la souveraineté des Américains sur le territoire s’étendant au sud des Grands Lacs. Le 24 mai, après avoir distribué aux Indiens des denrées et des présents, il brûla le fort et partit, cédant les lieux aux Américains. Passant par Michillimakinac, Bulger se rendit à Québec où il apprit, à sa « déconvenue », qu’il n’avait pas été promu capitaine, grade auquel McDouall l’avait recommandé à la fin de 1814. Le Royal Newfoundland Regiment fut licencié en juin 1816, et Bulger mis à la demi-solde de lieutenant. Il passa la plus grande partie des années qui suivirent en Angleterre où il tenta d’obtenir une rétribution pour ses états de service durant la guerre, un emploi militaire et une promotion de capitaine à la demi-solde. Toutefois, bien que ses demandes répétées aient toujours été appuyées sans réserve par des officiers supérieurs des forces britanniques, ce n’est qu’en 1820 qu’il réussit à toucher une indemnité de £500 et une allocation militaire équivalente à la demi-solde de capitaine.

Au cours de l’hiver de 1821–1822, un des membres du comité de Londres de la Hudson’s Bay Company, Andrew Colvile, sur la recommandation de sir Gordon Drummond et au nom des exécuteurs testamentaires de lord Selkirk [Douglas*], offrit à Bulger, pour une période de trois ans, le poste de secrétaire et de greffier de la colonie de la Rivière-Rouge (Manitoba). En plus de ces fonctions, ce dernier devait lever et entraîner un corps de milice formé de 100 colons. Bulger accepta et, afin qu’il puisse affermir son autorité dans la colonie, on le nomma gouverneur intérimaire d’Assiniboia au traitement de £250. Il arriva à la Rivière-Rouge le 28 juin 1822 et, après quelques semaines seulement, il était si profondément désillusionné de mener une « vie d’esclave et [d’être] la cible des insultes et des menaces de quelques-unes des plus indignes créatures de Dieu, dans un des pays les plus misérables de la terre », qu’il signifia un an à l’avance son intention d’abandonner ses fonctions. Bulger déplorait en outre l’absence d’une police ou d’une force armée, ce qui le privait de l’autorité nécessaire pour faire régner l’ordre dans la colonie et la protéger contre la menace constante d’une attaque des Sioux.

John Clarke, agent principal de la Hudson’s Bay Company au fort Garry (Winnipeg), indisposa rapidement Bulger lorsqu’il lui envoya une note officielle lui interdisant de faire le commerce des fourrures. Ainsi, tout espoir de collaboration entre Bulger, gouverneur civil, et Clarke, représentant principal de la compagnie, s’évanouit. Cette situation fut un des facteurs qui contribuèrent au mauvais état de santé dont Bulger eut à souffrir pendant presque tout l’hiver de 1822–1823. Un bon nombre des difficultés qu’il dut subir dans ses fonctions d’administrateur de la colonie découlèrent des rapports mal définis entre la colonie et les trafiquants de fourrures, ainsi que de la confusion entourant les droits des colons, eu égard au monopole de la traite concédé à la Hudson’s Bay Company par sa charte. Néanmoins, ayant appris le différend qui opposait Clarke et Bulger, le comité de Londres de la Hudson’s Bay Company exonéra le gouverneur en mai 1823 et reprocha à son propre représentant de s’être montré « imprudent et indiscret », et, en certaines occasions, d’avoir eu une conduite « ridicule et inconvenante ».

En décembre 1822, Bulger avait écrit à Colvile une longue lettre dans laquelle il exposait l’état de la colonie. Il recommandait que l’on crée un système judiciaire et que l’on nomme des magistrats ; que l’on envoie des troupes dans la colonie afin de faire observer les lois et de maintenir l’ordre chez les aborigènes ; que l’on autorise les colons à se procurer auprès des Métis et des Indiens des fourrures pour se vêtir, ainsi que des provisions ; et, enfin, que l’on mette du numéraire en circulation. Il demandait aussi à Colvile de trouver un débouché pour écouler les surplus de grain de la colonie. « Si ces choses ne peuvent être faites, écrivait-il, ne dépensez plus l’argent de lord Selkirk pour la Rivière-Rouge. » On donna suite immédiatement aux recommandations touchant les vivres et le numéraire, mais la demande concernant les troupes et le débouché commercial resta lettre morte durant plusieurs années. Bulger quitta la Rivière-Rouge au mois d’août 1823 et retourna en Angleterre. Quoiqu’il se soit créé des ennemis dans la colonie et que George Simpson, gouverneur de la Hudson’s Bay Company, lui ait reproché plus tard sa prodigalité et son extravagance, il avait gagné la confiance et la loyauté des membres de son conseil, et jouissait de l’estime des colons qui lui reconnaissaient le mérite d’avoir apporté la paix et la prospérité dans la colonie. À l’été de 1825, Bulger s’embarqua pour Québec où l’attendait le poste de secrétaire principal et confidentiel du secrétaire militaire. Sa santé qui ne s’était jamais rétablie complètement se détériora, ce qui ne l’empêcha pas de se montrer toujours aussi consciencieux et diligent dans son travail auprès des divers secrétaires militaires de Québec. En 1839, il suivit le gouvernement civil à Montréal, où il continua de servir fidèlement jusqu’à sa mort survenue en mars 1858. Il semble que sa femme, Alicia, lui survécut.

Andrew H. Bulger atteignit l’apogée de sa carrière alors qu’il était encore jeune et connut une vie professionnelle plutôt sans histoire après 1823. Audacieux, dévoué et guidé par un code rigide de l’honneur et du devoir, il pouvait être aussi, à l’occasion, pompeux, susceptible et intolérant lorsqu’on portait le moindrement atteinte à son autorité. Parvenu à un âge plus avancé, Bulger était enclin à se vanter de ses hauts faits pendant la guerre de 1812, mais même lui ne semblait pas se rendre compte des grands services qu’il avait rendus à la colonie de la Rivière-Rouge dans sa lutte pour survivre.

Robert S. Allen et Carol M. Judd

Le fonds Andrew H. Bulger, comprenant des documents sur sa carrière militaire de 1810 à 1815 et sur son gouvernement à la Rivière-Rouge, est conservé aux APC, sous la cote MG 19, E5. Sa correspondance concernant les événements à Prairie du Chien pendant la guerre de 1812 est publiée dans la Wis., State Hist. Soc., Coll., 13 (1895) : 10–153 et une lettre, Last official letter from Captain Bulger to Lieutenant Colonel M’Douall (s.l.n.d.), a paru sous forme de brochure. Bulger a préparé une courte autobiographie qui a été publiée quelques années après sa mort par le 10e régiment britannique, en service en Inde, sous le titre de An autobiographical sketch of the services of the late Captain Andrew Bulger of the Royal Newfoundland Fencible Regiment (Bangalore, Inde, 1865). Ce même régiment a aussi fait paraître ses Papers referring to Red River settlement, Hudson’s Bay territories (Bangalore, 1866).

ANQ-M, CE1-81, 5 mars 1858.— PAM, HBCA, D.4/87 : fo 1.— Canadian North-West (Oliver).— Officers of British forces in Canada (Irving).— C. [M.] Livermore, Lower Fort Garry, the fur trade and the settlement at Red River (Canada, Direction des parcs et lieux hist. nationaux, Travail inédit, n° 202, Ottawa, 1976).— R. S. Allen, « The British Indian Department and the frontier in North America, 1755–1830 », Lieux hist. canadiens : cahiers d’archéologie et d’hist. (Ottawa), n° 14 (1975) : 5–125.— A. E. Bulger, « Events at Prairie du Chien previous to American occupation, 1814 », Wis., State Hist. Soc., Coll., 13 (1895) : 1–9 ; « Last days of the British at Prairie du Chien » : 154–162.— B. L. Dunnigan, « The battle of Mackinac Island », Mich. Hist. (Lansing), 59 (1975) 239–254 ; « The Michigan Fencibles », 57 (1973) 277–295.— G. F. G. Stanley, « British operations in the American North-East, 1812–15 », Soc. for Army Hist. Research, Journal (Londres), 22 (1943–1944) : 91–106.

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Robert S. Allen et Carol M. Judd, « BULGER, ANDREW H. », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/bulger_andrew_h_8F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
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