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BERGIN, DARBY, médecin, officier de milice, éleveur de bétail, fonctionnaire, homme politique et entrepreneur ferroviaire, né le 7 septembre 1826 à York (Toronto), fils aîné de William Bergin et de Mary Flanagan ; décédé célibataire le 22 octobre 1896 à Cornwall, Ontario.
Darby Bergin était le fils d’un immigrant irlando-catholique qui s’était établi comme marchand à York en 1820. Il fit ses études à l’Upper Canada College puis, probablement en 1844, entra au McGill College de Montréal ; au moment de son inscription, il déclara résider à Cornwall. Après avoir reçu son doctorat en médecine au cours d’une cérémonie spéciale de remise des diplômes en septembre 1847, soit peu après son vingt-et-unième anniversaire, il ouvrit un cabinet à Cornwall, qui demeura son principal lieu de résidence jusqu’à la fin de sa vie. En 1848, il administra les baraquements installés dans cette ville pour les victimes du typhus, et quelques années plus tard, pendant une épidémie de variole, il soigna les Indiens de Saint-Régis (Akwesasne), au Bas-Canada. On n’en sait guère plus sur sa carrière médicale, sinon qu’il avait un « long circuit de visites et une pratique lucrative », selon une source biographique de l’époque. Il prit part également à l’organisation de la profession médicale. Président fondateur de l’Eastern District Medical Association et président de la St Lawrence and Eastern District Medical Association, il remplit la fonction d’examinateur d’obstétrique et d’anatomie chirurgicale pour le College of Physicians and Surgeons of Ontario. En 1880–1881, il occupa la vice-présidence du conseil de ce regroupement (principal organisme de contrôle de la profession médicale dans la province) ; en 1881–1882, puis en 1885–1886, il en fut le président.
Bergin, avec son frère John, avocat, exploitait dans la région de Cornwall la Stormont Stock Farm. L’élevage de trotteurs et de bétail à cornes courtes était l’une de leurs principales activités. Vers 1880, ils étaient propriétaires de deux étalons renommés, Ringwood et Midway. Bergin prenait également part aux affaires municipales, à titre de commissaire de la grammar school et de membre du conseil municipal. En 1872, il fut élu sans opposition député libéral de la circonscription de Cornwall aux Communes. L’année suivante, c’est Alexander Mackenzie qui prit le pouvoir, et Bergin espéra obtenir un poste au cabinet ; on l’écarta cependant au profit d’un autre catholique de la région de Cornwall-Glengarry, Donald Alexander Macdonald. Le fait qu’Alexander Francis Macdonald, frère de Donald Alexander et partisan du gouvernement Mackenzie, fit campagne contre Bergin dans Cornwall aux élections de 1874 et remporta la victoire aggrava le conflit de ce dernier avec la famille Macdonald et la scission entre les libéraux. Lorsque Bergin reconquit son siège, en 1878, il était devenu un conservateur avoué. En décembre de l’année suivante, on annula son élection par suite d’une contestation devant la Cour du banc de la reine de l’Ontario. Plusieurs personnes furent alors trouvées coupables de « pratiques de corruption » pendant l’élection, mais le juge prit soin de noter que Bergin n’avait rien su de ces manigances et qu’il ne les avait pas approuvées. Réélu le 27 janvier 1880, il conserva son siège jusqu’à sa mort.
Bergin, dit-on, était un parlementaire doué et un bon orateur. Les lois relatives à la santé publique et au transport retenaient particulièrement son attention. Pour lui, s’occuper de l’hygiène publique voulait notamment dire veiller à la santé des animaux de ferme. En 1879, il aborda en chambre la question des maladies du bétail, et cinq ans plus tard, à titre de membre du comité des finances, il approuva l’affectation de crédits par le gouvernement à la mise en quarantaine. Son intérêt pour ces questions devait rehausser sa popularité auprès de ses électeurs, dont bon nombre étaient fermiers. Il s’opposa à l’Acte de tempérance du Canada adopté en 1878 [V. sir Richard William Scott*]. En 1887, aux Communes, il prononça un discours énergique dans lequel il relevait les effets désastreux que la loi (qui en fait encourageait la prohibition, non la tempérance) avait eus sur la moralité publique à Cornwall. En ce lieu où l’ivrognerie n’existait pas auparavant, disait-il, il y avait de « 100 à 150 débits illégaux où l’on vend[ait] du poison matin, midi et soir, le jour du Seigneur comme les jours de semaine ».
Bergin apporta aussi une contribution importante dans les domaines de la main-d’œuvre et de l’hygiène industrielle. De 1879 à 1886, peut-être à cause des conditions qui régnaient dans l’industrie textile de Cornwall, il présenta une série de projets de loi d’intérêt privé qui visaient à réglementer le travail des enfants et des femmes dans les manufactures. Le premier de ces projets prohibait l’embauche d’enfants de moins de 12 ans, stipulait qu’aucun enfant et aucune femme ne devaient travailler plus de 10 heures par jour, et prescrivait des normes de propreté et de sécurité dont l’application serait surveillée par des inspecteurs du gouvernement ; il ne dépassa pas l’étape de la première lecture. Le deuxième, révisé et augmenté au point de contenir quelque 200 articles, fut présenté à la session de 1880–1881 ; toutefois, on reporta le débat et l’on institua une commission d’enquête. Puis, en 1882 et 1883, le gouvernement présenta ses propres projets de loi sur les manufactures. Les Communes en débattirent mais, malgré l’appui du ministre du Revenu intérieur, James Cox Aikins*, et du ministre de la Justice, sir Alexander Campbell, on finit par les retirer parce que des détracteurs, dont le sénateur Robert Barry Dickey, soutenaient que la réglementation du travail ne relevait pas de la compétence du dominion. Bergin continua de présenter des projets de loi privés en les formulant de telle sorte qu’ils n’empiètent pas sur les pouvoirs des assemblées provinciales, mais les querelles partisanes et les conflits de juridiction eurent encore une fois raison de ceux-là. Même si les projets de loi sur les manufactures présentés au Parlement du dominion ne furent pas adoptés, bon nombre de leurs articles servirent de base à d’importantes lois provinciales, tel l’Ontario Factories Act de 1884. En outre, le gouvernement fédéral institua en 1886 la Commission royale d’enquête sur les relations entre le capital et le travail [V. James Sherrard Armstrong*].
La façon dont Bergin s’intéressait au transport dénote une certaine ambivalence qui s’enracinait peut-être dans la politique de parti. Il critiqua âprement les dépenses ferroviaires des libéraux vers 1875, et pourtant il ne put résister au gigantesque mouvement d’expansion que connaissait la construction des chemins de fer. Principal promoteur de l’Ontario Pacific Railway Company, qui devait construire une ligne de Cornwall à Ottawa, il présenta en 1882, en vue de la constitution juridique de cette compagnie, un projet de loi qui reçut la sanction royale le 17 mai. Il était président de cette société en 1886 et le demeura jusqu’à sa mort en 1896, après quoi son frère John lui succéda. Le fait que Bergin était membre du comité spécial permanent des chemins de fer, canaux et lignes télégraphiques était loin de nuire à la compagnie ; au contraire, elle obtint des fonds publics. En 1884 par exemple, elle toucha une subvention de 262 400 $ pour la construction d’un embranchement qui irait de Cornwall à Perth. Selon la loi qui octroyait ces crédits, les travaux devaient commencer dans un délai de deux ans et se terminer dans un délai de quatre. Toutefois, c’est seulement après la mort de Bergin, 12 ans plus tard, que la New York Central Railroad Company termina la construction d’un chemin de fer qui passait par Cornwall. Par ailleurs, Bergin était favorable à l’agrandissement du canal de Cornwall, sujet sur lequel il prononça en 1889 l’un de ses discours parlementaires les plus importants. Il réclama alors la formation d’une commission royale pour examiner les plans, qui avaient soulevé beaucoup de désaccords entre divers ingénieurs.
Il semble que la carrière de milicien de Bergin débuta au moment de l’affaire du Trent, en novembre 1861 [V. sir Charles Hastings Doyle*], avec la levée de la lst Volunteer Militia Rifle Company of Cornwall. Cet incident, qui montra qu’une guerre contre les États-Unis était possible et que, sans l’appui d’une milice, la défense du pays reviendrait à une poignée de soldats de l’armée régulière britannique, amena bien des Canadiens à manifester leur patriotisme de manière semblable. Bergin allait demeurer associé à la force armée canadienne jusqu’à la fin de sa vie. En 1866, pendant les raids féniens, il devint major de sa compagnie ; le 3 juillet 1868, on organisa le 59th (Stormont and Glengarry) Battalion of Infantry et Bergin fut nommé lieutenant-colonel.
La principale fonction militaire de Bergin fut toutefois celle de médecin général de l’expédition que l’on envoya dans le Nord-Ouest en 1885, sous le commandement de Frederick Dobson Middleton, afin de réprimer les troupes de Louis Riel*. La plupart des unités de milice avaient leur propre médecin mais, jusque-là, la planification et l’organisation générales du service de santé revenaient pour une bonne part à l’armée britannique. En outre, la formation médicale était souvent négligeable dans la milice : le gouvernement s’entêtait à faire la sourde oreille à tous ceux qui recommandaient des réformes et réclamaient des instruments et des médicaments afin de remplacer ceux que des années d’entreposage avaient rendus périmés. Lorsque la rébellion éclata, en mars, le ministre de la Milice et de la Défense, Adolphe-Philippe Caron*, fit d’abord appel au docteur Campbell Mellis Douglas, titulaire de la croix de Victoria. Douglas entreprit une réorganisation, mais il la croyait impossible sans aide et estimait nécessaire de recourir aux Américains. Caron, lui, croyait le Canada capable de s’occuper de ses propres affaires ; le 1er avril, ayant peut-être perdu confiance en Douglas, il demanda à Bergin de le remplacer. Celui-ci accepta, même s’il était député. Un tel cumul de fonctions n’était pas inhabituel, ce qui n’empêcha pourtant pas des libéraux de critiquer au Parlement le mois suivant. Ils étaient inquiets de ce que Bergin reçoive deux salaires qui venaient des fonds publics. Cependant, Caron loua son travail et déclara qu’il était payé comme n’importe quel officier en service actif.
Entre-temps, Bergin tentait de créer un service de santé. La situation était chaotique, comme il l’écrivit dans son rapport du 13 mai 1886 : « Il n’y avait aucun service de santé départemental constitué, aucun hôpital de campagne ni service d’ambulance, aucune association d’infirmières organisée, aucune méthode déterminée pour reconnaître des sociétés comme la St John’s Hospital Aid Society, la Croix-Rouge et autres organismes de bienfaisance du genre. » Quatre jours après son entrée en fonction, il nomma un état-major dans lequel le sénateur Michael Sullivan, médecin, occupait la fonction de fournisseur général, et le docteur Thomas George Roddick*, celle de médecin général adjoint. Il organisa deux hôpitaux de campagne où il affecta des volontaires, étudiants en médecine venus de l’Ontario et du Québec, et il en confia la direction à Douglas et au docteur Henri-Raymond Casgrain. Grâce à l’énergie et à l’autorité de Bergin, le médecin général adjoint et son unité étaient à Winnipeg dès le 12 avril, seulement 13 jours après que Douglas eut admis son incapacité de structurer le service sans aide extérieure. Bergin, lui, poursuivait son travail d’organisation à Ottawa.
Le personnel médical eut la bonne fortune de se rendre dans le Nord-Ouest par les États-Unis ; ainsi il évita l’inconfort et les risques du voyage par le chemin de fer canadien du Pacifique, qui n’était pas terminé. Douglas n’avait pas réussi à doter la milice d’un service de santé, mais il ne manquait ni de courage hi de détermination. Après avoir franchi seul, en canot et par voie de terre, plus de 200 milles en cinq jours, il aida à soigner les blessés au ruisseau Fish (Saskatchewan). Il allait servir loyalement sous les ordres de Bergin et de Roddick. Toutefois, plusieurs médecins régimentaires refusèrent d’accompagner leur bataillon ; on les remplaça par des volontaires, qui ne manquaient pas. Le grand nombre de ces volontaires issus des écoles de médecine engendrait ses propres problèmes ; afin qu’ils ne se découragent pas, Bergin eut la sagesse de les rémunérer. Outre les médecins et les étudiants, le service comptait au moins une douzaine d’infirmières, dont L. Miller, infirmière en chef du Winnipeg General Hospital, qui s’occupait des nombreux blessés envoyés à Saskatoon.
Administrer le service de santé n’était pas chose facile. D’abord, Bergin n’avait pas de précédents canadiens sur lesquels s’appuyer pour guider le travail des équipes médicales. L’approvisionnement de l’armée posait un problème aigu dans cette région où la population était clairsemée et où manquaient les fournitures en tous genres, y compris les médicaments. Les Manitobains rivalisèrent avec la Hudson’s Bay Company pour récolter les richesses que, croyaient-ils, l’État distribuerait généreusement à ceux qui fourniraient de la nourriture, des vêtements et autres biens de première nécessité. On commanda les médicaments, instruments et appareils à Montréal et à New York, et il fallut les faire venir dans le Nord-Ouest par un trajet tortueux. Même si la rébellion ne dura pas longtemps, les blessés furent assez nombreux pour mettre à l’épreuve le service de santé. Il semble qu’il s’acquitta bien de la tâche ; un blessé le loua publiquement en disant que les soins et – ce qui surprendra peut-être – la nourriture étaient fort bons. Fait plus révélateur encore, on ne trouve pas trace de critiques sérieuses dans la presse. On doit donc conclure que les efforts de Bergin furent couronnés de succès. C’était la première fois qu’un service de santé canadien s’occupait des blessés d’une importante force militaire canadienne en campagne.
Cependant, une fois l’urgence passée, le service fut dispersé. Bergin tenta en vain de persuader le gouvernement de mettre en place un service de santé permanent afin d’éviter de se trouver dans un chaos semblable à celui du printemps de 1885. Il avait défini un programme d’études pour les officiers affectés au service et proposé que les futurs médecins militaires soient tenus de démontrer leur compétence en campagne. Mais, comme il l’avait prévu, le gouvernement recula devant le coût de son projet. Les changements que Bergin souhaitait ne se firent que bien des années plus tard : trois ans après sa mort, George Ansel Sterling Ryerson*, qui avait été l’un de ses médecins de campagne en 1885, réclama à son tour que l’on dote la milice canadienne d’un service de santé. À compter de 1898, Frederick William Borden*, ministre de la Milice et de la Défense, aiderait à instituer plusieurs réformes et, en 1904, le service de santé de l’armée royale canadienne verrait enfin le jour.
Après la rébellion, Darby Bergin était retourné à ses fonctions parlementaires et avait recommencé à faire partie de diverses associations médicales. Promu colonel en 1886, il mourut dix ans plus tard, d’âne maladie que l’on n’a pas identifiée. Le 14 octobre 1896, dans une lettre à Wilfrid Laurier*, un ami disait que Bergin se remettait « lentement mais sûrement ». Il se trompait : Bergin s’éteignit huit jours plus tard. Resté célibataire, il légua tous ses biens à son frère John. Après que son testament fut homologué, on découvrit que ses actions de l’Ontario Pacific Railway ne valaient rien. On estima alors sa succession à moins de 7 000 $, ce qui n’était guère impressionnant pour quelqu’un qui avait eu une « pratique lucrative », servi l’État et fait de la spéculation ferroviaire. Cependant, Bergin avait été aimé et admiré par ses contemporains. En 1892, l’écrivain Graeme Mercer Adam* lui avait rendu cet hommage : « Il a une nature des plus sympathiques et aimables, et ses nombreuses qualités estimables lui assurent le respect et la considération de tous. »
Le rapport qu’a rédigé Darby Bergin en qualité de médecin général de la milice durant la rébellion du Nord-Ouest a paru dans Canada, Parl., Doc. de la session, 1886, no 6a, app. 5, et a été réimprimé dans The medical and surgical history of the Canadian North-West rebellion of 1885, as told by members of the hospital staff corps (Montréal, 1886). Un discours qu’il a prononcé à la chambre des Communes a été publié sous le titre de The Cornwall canal ; its location and construction, breaks and present condition [...] ([Ottawa], 1889).
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Charles G. Roland, « BERGIN, DARBY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/bergin_darby_12F.html.
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Auteur de l'article: | Charles G. Roland |
Titre de l'article: | BERGIN, DARBY |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
Année de la révision: | 1990 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |