AUBERT DE GASPÉ, IGNACE-PHILIPPE, officier dans les troupes de la Marine et seigneur, né à Saint-Antoine-de-Tilly (Québec) le 4 avril 1714, fils de Pierre Aubert de Gaspé et de Madeleine-Angélique Legardeur de Tilly, décédé à Saint-Jean-Port-Joli (Québec) le 26 janvier 1787.

Ignace-Philippe Aubert de Gaspé se fit avantageusement connaître tant par sa carrière militaire que par son appartenance à la lignée des Aubert, alliés aux plus grandes familles du pays. Il était le petit-fils de Charles Aubert* de La Chesnaye, commerçant, et de Charles Legardeur* de Tilly, gouverneur de Trois-Rivières. Par son mariage à Québec, le 30 juin 1745, avec Marie-Anne, fille de Nicolas-Antoine Coulon* de Villiers, il devint également le beau-frère de Joseph Coulon* de Villiers de Jumonville et de son frère Louis Coulon* de Villiers.

La carrière militaire d’Ignace-Philippe Aubert de Gaspé fut remarquable à maints égards : cet officier passa 33 ans sous les drapeaux et se distingua au cours de nombreux combats et expéditions qui marquèrent la fin du Régime français. Cadet à 13 ans, il fut promu successivement enseigne en second (1739), enseigne en pied (1745), lieutenant (1749) et capitaine (1756) ; il servit un peu partout en Nouvelle-France, de 1734 à 1760. Il participa d’abord aux expéditions destinées à réduire au silence les nations indigènes des Renards (1734–1735), à l’ouest du lac Michigan [V. Nicolas-Joseph de Noyelles* de Fleurimont], des Chicachas et des Natchez (1739), en Louisiane [V. Jean-Baptiste Le Moyne* de Bienville ; Charles Le Moyne* de Longueuil]. En 1746, après avoir tenu garnison trois ans à Michillimakinac (Mackinaw City, Michigan), il quitta l’Ouest pour se joindre à l’expédition de Jean-Baptiste-Nicolas-Roch de Ramezay mise sur pied pour aider la flotte du duc d’Anville [La Rochefoucauld*] à chasser les Britanniques de l’Acadie. Quatre ans plus tard, au moment où la France cherchait à consolider ses frontières dans cette partie du pays, il fut appelé à construire le fort Saint-Jean, sur la rivière du même nom. Devenu commandant de l’endroit, il y demeura jusqu’à son départ pour l’Ouest en 1753. À la suite d’un bref séjour à la rivière Ohio, il prit part à l’attaque du fort Necessity (près de Farmington, Pennsylvanie) destinée à venger la mort de Jumonville abattu par un détachement des troupes de la milice de Virginie dirigé par George Washington [V. Louis Coulon de Villiers]. Enfin, en 1756, après un séjour de quelques mois au fort Niagara (près de Youngstown, New York), il fut dépêché dans la région du lac Champlain, où il servit aux forts Saint-Frédéric (près de Crown Point, New York) et Carillon (Ticonderoga, New York). C’est ainsi qu’il prit part à la prise du fort George (appelé également fort William Henry ; aujourd’hui Lake George, New York), en 1757, et à la célèbre victoire de Montcalm* sur Abercromby à Carillon, en 1758. Après la chute de Québec, il participa au siège de la ville par l’armée française et combattit à Sainte-Foy, sous les ordres de Lévis.

On sait que Montcalm se montra plutôt avare de compliments à l’égard des troupes de la Marine. Néanmoins, le nom du capitaine Aubert de Gaspé figure parmi les quelques noms qu’il cita au lendemain de la déroute des troupes britanniques au fort Carillon. Son mérite fut également reconnu par Ramezay, Noyelles de Fleurimont et le roi, qui le nomma chevalier de Saint-Louis, le 24 mars 1761. On n’est pas certain que le capitaine Aubert de Gaspé ait jamais eu l’occasion de séjourner en France par la suite et d’être ainsi reçu officiellement membre de cet ordre.

À l’automne de 1760, après la capitulation de Montréal, Aubert de Gaspé trouva refuge auprès de ses censitaires de Port-Joli. Son manoir ayant été brûlé par l’envahisseur l’automne précédent, il fut contraint de s’établir temporairement dans ce qui restait du moulin seigneurial de la rivière Trois-Saumons. À l’exception des années 1775 et 1776, marquées par l’invasion américaine, les 26 années qu’Aubert de Gaspé passa sur sa seigneurie après la Conquête furent plutôt paisibles. Entre 1764 et 1766, on reconstruisit le manoir et chacune des maisons incendiées par l’armée de Wolfe*. La présence du seigneur au milieu de ses censitaires stimula si bien la colonisation que la population de la seigneurie tripla, ou presque, à cette époque. En 1779, il fut possible de construire une église, de développer la deuxième concession et de s’attaquer à la troisième.

Le capitaine Aubert de Gaspé, quatrième seigneur de Port-Joli, mourut dans son manoir à l’âge de 72 ans. Il fut inhumé dans l’église paroissiale qu’il avait contribué à construire, le 28 janvier 1787. Dix enfants étaient nés de son union avec Marie-Anne Coulon de Villiers. Pierre-Ignace*, le sixième, devint conseiller législatif et colonel de milice, et de son mariage avec Catherine Tarieu de Lanaudière naquit Philippe-Joseph*, auteur des Anciens Canadiens.

Jacques Castonguay

Æ. Fauteux*, dans les Chevaliers de Saint-Louis, pp.25s., 182s., affirme qu’Ignace-Philippe Aubert de Gaspé n’a pas séjourné en France et, par conséquent, n’a pas été reçu chevalier. Par contre, une exégèse du texte des Mémoires (Ottawa, 1866) de Philippe-Joseph Aubert de Gaspé indique qu’Ignace-Philippe aurait séjourné en France après la Conquête. Il aurait peut-être été reçu chevalier à cette occasion. C’est ce qui expliquerait qu’en 1786, il pouvait finalement ajouter après son nom : « admis à l’ordre Royal et militaire de Saint-Louis », comme le fit plus tard à deux reprises son petit-fils. De plus amples recherches s’imposent.  [j. c.]

ANQ-Q, Greffe de J.-N. Pinguet de Vaucour, 26 juin 1745.— Archives paroissiales, Notre-Dame de Québec, Registre des baptêmes, mariages et sépultures, 30 juin 1745 ; Saint-Antoine-de-Tilly (Québec), Registre des baptêmes, mariages et sépultures, 5 avril 1714 ; Saint-Jean-Port-Joli (Québec), Registre des baptêmes, mariages et sépultures, 26 janv. 1787, 19 mars 1789. ASQ, mss, 424, ff.810. P.-G. Roy, Inv. concessions, III : 170. P.[-J.] Aubert de Gaspé, Les anciens Canadiens (16e éd., Québec, 1970) ; The Canadiens of old, G. M. Pennée, traduct. (Québec, 1864). H.-R. Casgrain, Philippe Aubert de Gaspé (Québec, 1871). Jacques Castonguay, La seigneurie de Philippe Aubert de Gaspé, Saint-Jean-Port-Joli (Montréal, 1976). [François Daniel], Histoire des grandes familles françaises du Canada, on aperçu sur le chevalier Benoist, et quelques familles contemporaines (Montréal, 1867). P.-G. Roy, La famille Aubert de Gaspé (Lévis, Québec, 1907).

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Jacques Castonguay, « AUBERT DE GASPÉ, IGNACE-PHILIPPE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/aubert_de_gaspe_ignace_philippe_4F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
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