ROBERTS, BENJAMIN, officier et fonctionnaire du département des Affaires indiennes ; circa 1758–1775.

Ayant reçu une commission d’enseigne dans le 46e d’infanterie, le 23 juillet 1758, Benjamin Roberts servit en Amérique du Nord pendant la guerre de Sept Ans. Présent aux sièges du fort Carillon (Ticonderoga, New York), du fort Niagara (près de Youngstown, New York) et de La Havane, à Cuba, il paraît avoir été en garnison au fort Ontario (Oswego, New York) en 1765. Le 12 septembre 1762, Roberts avait reçu le grade de lieutenant, mais en 1766 il obtint par permutation un poste d’officier à la demi-solde, et sir William Johnson le nomma commissaire au département des Affaires indiennes.

Les années d’après-guerre furent trépidantes au département des Affaires des Indiens du Nord, d’autant que sa juridiction s’étendait maintenant au Canada. Une série de soulèvements liés à Pondiac* se produisirent parmi les Indiens, et des rumeurs coururent à propos d’intrigues de la part des Français et d’unions de tous les Indiens. Les courses des traiteurs indépendants, trafiquant surtout du whisky, et les maux accompagnant ce commerce compliquèrent encore la situation délicate dans les territoires de l’Ouest. Le gouvernement britannique, sur l’avis de Johnson, réagit en imposant de nouveaux règlements concernant le commerce avec les Indiens. Après 1764, les trafiquants de race blanche durent se munir d’un permis, on limita la traite à certains postes déterminés et on apporta des restrictions nouvelles au trafic de l’alcool. Ces changements vinrent accroître le rôle du département des Affaires indiennes. Il avait la responsabilité de la surveillance de la traite dans les postes, et Johnson plaça, dans les forts situés le long du périmètre des Grands Lacs, des commissaires qui y auraient, écrit-il, « la direction unique de la traite et des affaires indiennes ». Les relations de ces commissaires avec les commandants des postes n’étaient pas faciles, à cause de l’imprécision des limites de leurs juridictions respectives. De surcroît, certains commissaires, officiers à la demi-solde, ne pouvaient s’empêcher d’afficher leur autorité semi-indépendante devant des militaires d’un grade supérieur au leur. Benjamin Roberts, semble-t-il, donna prise à cette sorte de vanité de fonctionnaire.

Connu pour son caractère égocentrique, Roberts eut une violente querelle, en juillet 1766, avec le capitaine Jonathan Rogers, du fort Ontario. Plus tard cette même année, il se disputa âprement avec le capitaine John Brown, du fort Niagara, où il avait été mis en poste. En mars 1767, Johnson le nomma commissaire à Michillimakinac (Mackinaw City, Michigan), le plus important poste de traite des lacs Supérieur, Michigan et Huron. Des rumeurs voulaient que le commandant de ce poste, Robert Rogers, se fût impliqué avec les Français et les Espagnols dans un coup d’État projeté des Bourbons dans l’Ouest. Gage, commandant en chef, ordonna à Johnson de faire en sorte que les interprètes et les commissaires du département des Affaires indiennes exercent sur lui une étroite surveillance.

Roberts arriva à Michillimakinac tôt à l’été de 1767 et eut bientôt une scène orageuse avec Rogers au sujet de la garde d’une certaine quantité de rhum confisquée. Il semble avoir eu raison d’agir ainsi. Selon les trafiquants Jean-Baptiste Cadot* et Alexander Henry*, l’aîné, qui écrivirent à Johnson en faveur de Roberts, Rogers « permettait que l’on sortît le rhum de cette garnison, à minuit, afin de s’adonner à la contrebande ». Un conflit au sujet des locaux à fournir au forgeron du département des Affaires indiennes se termina par un ordre de Rogers à Roberts de partir pour Détroit, au début d’octobre. Cependant, Roberts avait déjà parlé à l’ancien secrétaire de Rogers, Nathaniel Potter. Ce dernier avait descendu à Montréal à la fin d’août et y fit une déposition assermentée par laquelle il accusait Rogers de trahison. Gage fit arrêter Rogers en décembre 1767 et le fit conduire à Montréal pour y être jugé au printemps suivant ; Roberts corrobora l’accusation, mais un conseil de guerre acquitta Rogers. La vive animosité ne se dissipa point entre les deux hommes. En mai 1769, ils se croisèrent dans une rue de Montréal, et Rogers proposa une rencontre, sans témoin, en duel. « Je ne pouvais pas me fier à un tel homme, dont j’avais entendu dire qu’ils n’avait ni honneur ni courage, raconte Roberts. Il m’a dit qu’il me ferait sauter la cervelle. »

La situation de Roberts n’avait alors rien d’enviable. Aucune preuve n’avait été produite pour soutenir l’accusation contre Rogers. On avait aboli le poste de commissaire après que le gouvernement britannique eut rejeté les nouvelles structures que Johnson avait commencé de donner au département des Affaires indiennes, en raison des coûts qu’elles représentaient. À la fin de 1769, Roberts avait décidé de solliciter un poste en Grande-Bretagne. Johnson lui fit une chaude lettre de recommandation et l’un des correspondants de Johnson à Londres, John Blackburn, décida lord Hillsborough, secrétaire d’État des colonies américaines, à lui trouver une place. Mais l’expérience n’avait pas amélioré le jugement de Roberts. Il vécut d’une façon extravagante et, de 1772 à 1774 au moins, il séjourna en prison pour dettes. En juin 1775, il était en liberté et il écrivait à lord Dartmouth, successeur de lord Hillsborough. Il y avait, comme le remarquait Blackburn, « une étonnante teinte de vanité dans tout ce qu’il fit ».

Douglas Leighton

Clements Library, Thomas Gage papers, American series.— PRO, CO 5/70, ff.39–41, 125 ; CO 323/30.— G.-B., Hist. mss Commission, The manuscripts of the Earl of Dartmouth (3 vol., Londres, 1887–1896).— Johnson papers (Sullivan et al.). G.-B., WO, Army list, 1758–1775.— J. R. Cuneo, Robert Rogers of the rangers (New York, 1959), 209–211, 223, 232s., 248.— R. S. Allen, The British Indian department and the frontier in North America, 1755–1830, Lieux historiques canadiens : cahiers d’archéologie et d’histoire (Ottawa), no 14 (1975) : 5–125.

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Douglas Leighton, « ROBERTS, BENJAMIN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/roberts_benjamin_4F.html.

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Année de la publication:    1980
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