SAINT-PÈRE, JEAN DE, greffier, notaire et syndic, né à Dormelles, en Gâtinois (France), vers 1618 et décédé à Montréal en 1657. Fils d’Étienne de Saint-Père et d’Étiennette Julian, il appartenait à une respectable famille qui avait pour armes dazur à trois fusées dor, posées en fasce, lune sur lautre.

Venu à Montréal, probablement en 1643, « afin de contribuer, comme il le déclara lui-même, à la conversion des sauvages », Saint-Père fut, à partir de janvier 1648, le premier greffier et le premier notaire de Ville-Marie. Il exerça cette double fonction de janvier 1648 à juillet 1651 et d’avril 1655 jusqu’à sa mort. En 1651, il était syndic de la Communauté des Habitants de Ville-Marie et, le 29 juin 1654, il était élu « receveur des aumônes qui seraient faictes en faveur de la construction de l’église projetée de Montréal ». Ces différentes responsabilités que lui confièrent ses concitoyens montrent en quelle estime ils tenaient Jean de Saint-Père. Cette confiance et cette estime n’étaient pas moindres chez M. de Chomedey de Maisonneuve qui, lors de la signature du contrat du mariage de Saint-Père, le 18 septembre 1651, « pour le récompenser de ses bons et fidèles services rendus pendant huit ans », lui accorda une généreuse concession de terres.

Cet « homme d’une piété aussi solide, d’un esprit aussi vif et tout ensemble [...] d’un jugement aussi excellent qu’on ait vu ici [à Montréal] » connut une fin tragique, le 25 octobre 1657. Alors que la paix régnait depuis peu entre les Français et les Iroquois, un groupe d’Onneiouts ; se présenta chez Nicolas Godé, lequel était occupé avec son gendre, Jean de Saint-Père, et leur serviteur, Jacques Noël, à bâtir une maison. Les Français reçurent fort civilement les visiteurs, leur donnant même à manger. Venus sous le couvert de la paix et de l’amitié, mais nourrissant de perfides desseins, les Iroquois attendirent que leurs hôtes, remontés sur le toit, fussent à portée de leurs arquebuses pour les faire « tomber comme des moineaux ». Achevant leur œuvre, les Onneiouts scalpèrent Godé et Noël, mais coupèrent la tête de Saint-Père qu’ils emportèrent « pour avoir sa belle chevelure ».

À cet épisode se rattache une curieuse histoire, rapportée par Dollier* de Casson, Marguerite Bourgeoys et Vachon* de Belmont. Pendant que les Iroquois s’enfuyaient avec leur triste trophée, la tête de Saint-Père se mit à parler – dans un fort bon iroquois, bien que, de son vivant, Saint-Père eût toujours ignoré cette langue —, leur reprochant leur perfidie : « Tu nous tues, tu nous fais mille cruautés, tu veux anéantir les François, tu n’en viendras pas à bout, ils seront un jour vos maîtres et vous leur obéirez [...] » Les Iroquois eurent beau éloigner la tête, la voiler ou l’enfouir, la voix vengeresse continuait de se faire entendre. S’étant enfin débarrassés du crâne, mais ayant conserve la chevelure, les Iroquois n’en entendaient pas moins, du côté où ils gardaient le scalp, la voix de Saint-Père.

Ces phénomènes, assure Dollier de Casson, furent racontés par les Iroquois eux-mêmes à des personnes dignes de foi ; la sœur Bourgeoys affirme en outre que M. Cuillerier*, pour lors prisonnier des Iroquois, attesta la vérité de ce fait.

Le 25 septembre 1651, Jean de Saint-Père avait épousé à Montréal Mathurine Godé, qui lui donna deux enfants. Il fut enseveli le 25 octobre 1657, dans le même sépulcre que ses deux infortunés compagnons.

André Vachon

AJM, Greffe de Lambert Closse, 1651–56 ; Greffe de Jean de Saint-Père, 1648–51, 1655–57.— Premier registre de léglise Notre-Dame De Montréal (Montréal, 1961).— É.-Z. Massicotte, Jean de Saint-Père, BRH, XXI (1915) : 112–115 ; Les trois premiers tabellions de Montréal, MSRC, IX (1915), sect. i : 190s.— J.-E. Roy, Histoire du notariat, I : 64–66.— On trouve le récit de la mort de Saint-Père dans les sources suivantes : Dollier de Casson, Histoire du Montréal, 122s.— Écrits autographes de Sœur Bourgeoys, cités dans Faillon, Histoire de la colonie française, II : 365, note 2.— JJ (Laverdière et Casgrain), 224.— [François Vachon] de Belmont, Histoire du Canada, « Lit. and Hist. Soc. of Quebec Trans. », XVIII (1886) : 29.

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André Vachon, « SAINT-PÈRE, JEAN DE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/saint_pere_jean_de_1F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1966
Année de la révision:    1986
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