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VACHON DE BELMONT, FRANÇOIS, prêtre, sulpicien, missionnaire, maître d’école, curé de Ville-Marie, seigneur de l’île de Montréal, supérieur du séminaire de Saint-Sulpice de 1701 à 1732, vicaire général de l’évêque de Québec, né dans la paroisse de Saint-Hugues et Saint-Jean à Grenoble, en Dauphiné, le 3 avril 1645, décédé à Montréal le 22 mai 1732.
Son père, Ennemond de Vachon, seigneur de Belmont et de Crapanoz, fut conseiller au parlement de Grenoble. Sa mère, Honorade Prunier, était la fille du président du parlement. Le sulpicien eut trois sœurs, qui entrèrent en religion, et deux frères. L’aîné, Jean-François, succéda à son père au parlement et laissa à François une rente annuelle de 1 200# en 1707. Le cadet, Jean-Baptiste, entra dans l’ordre de Malte, puis obtint une dispense et se maria.
François Vachon de Belmont reçut une « éducation raffinée, tout à fait grand siècle ». Il apprit plusieurs langues, s’adonna au dessin et à la musique, en plus d’obtenir un baccalauréat en théologie de la Sorbonne. Passa-t-il une partie de son adolescence à la cour ? On affirme en tout cas qu’il fut page de la reine avant d’occuper un poste dans la magistrature du Dauphiné.
Il n’entra à Saint-Sulpice que le 18 octobre 1672. Huit ans plus tard, au moment de sa venue au Canada, il était encore diacre. Mgr de Saint-Vallier [La Croix] attribuait cela à sa volonté d’éviter les honneurs ecclésiastiques. En fait, le supérieur de Saint-Sulpice à Paris, M. Tronson, l’envoya étouffer l’affaire des sorciers et des visions survenue à. la mission des Indiens sédentaires de la Montagne [V. Guyotte] parce qu’il avait eu l’expérience de cas semblables à Paris.
Ordonné prêtre en 1681, à l’âge de 36 ans, Vachon de Belmont consacra une grande partie de sa vie à prêcher et à enseigner aux Iroquois chrétiens établis dans la mission près de Ville-Marie. Ses talents de dessinateur et d’architecte lui permirent d’installer un village attrayant pour les Indiens sur un domaine de 20 arpents de front sur 30 arpents de profondeur réservé à cette fin. Il construisit une chapelle dont les murailles, en façon de marbre rouge veiné de blanc, étaient revêtues d’un lambris orné « d’Urnes, de Niches, de Pilastres et de Pieds d’Estaux ». Il aménagea, en outre, une basse-cour bien garnie, un colombier, un vivier couvert de canards, d’oies et d’outardes, un verger, une vigne et une fontaine. Au bout du fort, s’alignaient les cabanes des Iroquois.
Pour assurer aux Indiens une meilleure protection contre l’eau-de-vie, le sulpicien organisa une seconde mission, en 1692, au Sault-au-Récollet. La médiocrité des résultats le força à chercher un nouveau site plus éloigné des dangers et des tentations de la ville. En 1721, il installa ses protégés dans la seigneurie du lac des Deux-Montagnes.
Cette mission, véritable réduction, visait à l’assimilation complète des Indiens ; elle différait ainsi de la politique coloniale française traditionnelle. Outre la doctrine chrétienne, le missionnaire enseigna le chant, la langue française, le mode de vie à l’européenne et divers métiers parmi les plus utiles. Certains Indiens se firent tailleurs, cordonniers ou maçons ; d’autres, sur les terres données par le sulpicien, construisirent des maisons et cultivèrent leurs champs, suivant l’exemple des Canadiens. De l’avis du gouverneur Le Febvre* de La Barre, la mission formait « de bons soldats, et de bons sujets au roi, en même temps que de bons chrétiens ».
Le sulpicien accorda beaucoup d’importance aux pratiques religieuses : catéchisme tous les jours ouvrables, messe tous les matins et prière du soir en commun. Il tenta aussi d’adapter la religion catholique romaine à la mentalité indienne et accompagna au luth le chant des saints offices en langue indigène.
Il ne réussit pourtant pas à régler le problème fondamental de l’eau-de-vie. Il prit même la plume pour s’élever contre ce fléau. Dans une Histoire de l’eau-de-vie, il décrivit le caractère bien particulier de l’attrait et de l’influence de la boisson sur l’Indien : « j’entreprends cette petite histoire pour faire voir que l’Iyvrognerie des Sauvages est une différente espèce de celle de tous les autres hommes ; et pour faire connoitre ce principe inconnu jusqu’icy, à sçavoir « qu’ils ne boivent que pour s’ennuyvrer », et qu’ils « ne s’ennyvrent que pour faire du mal ». Et il ajoute : « l’yvrognerie des sauvages est une frénésie et une fureur volontaire qui leur donnent en mesme temps le courage et l’impunité, sert d’instrument et de couverture à leurs crimes les plus énormes ».
Son réquisitoire se terminait par des projets de réglementation et par une exhortation aux Indiens. Par des raisons tirées de la foi et de la nature, il incitait ces derniers à se libérer de cette passion ; il essaya de leur en inspirer le dédain en affirmant même que les cabaretiers mêlaient de l’urine à la boisson. Son supérieur à Paris lui recommanda toutefois de ne pas dénoncer publiquement ces abus, de crainte « d’aigrir les Puissances contre les Ecclésiastiques » ; il lui suggéra une méthode plus directe : avertir individuellement les coupables et leur refuser l’absolution.
Belmont écrivit aussi une Histoire du Canada. Son manuscrit comprenait deux parties : un récit purement événementiel, composé de simples notes couvrant la période de 1608 à 1664, et un mémoire sur la guerre contre les Iroquois de 1680 à 1700. Si l’auteur vécut les années de guerre qu’il décrivit, il puisa cependant les documents de son histoire dans des sources secondaires et répéta les erreurs de ses prédécesseurs. Sur le modèle des relations des Jésuites et dans un but identique de publication et d’édification, Belmont rédigea des « Éloges de quelques personnes mortes en odeur de sainteté à Montréal en Canada ». De plus, il fit des oraisons funèbres, dont celle de Mgr de Laval et du gouverneur de Callière. Dans ses écrits, le sulpicien suivait toujours un plan bien précis, mais il utilisait une langue vieillotte.
En 1701, Vachon de Belmont fut appelé malgré lui à succéder à Dollier de Casson comme supérieur des Sulpiciens en Nouvelle-France. Le peu de recommandations de son supérieur à Paris et l’absence de conflits éclatants indiquent qu’il sut maintenir de bonnes relations parmi les prêtres du séminaire et avec les autres autorités civiles et religieuses.
Il n’en fut pas moins très actif, consacrant ses énergies, ses talents multiples et sa bourse bien garnie au service de la Compagnie de Saint-Sulpice à Montréal. Il veilla aux plans et à la construction du séminaire de la rue Notre-Dame, du fort de la Montagne, d’un moulin, de la façade de l’église Notre-Dame, de la chapelle de la congrégation des hommes et restaura les caves et le toit du séminaire. De plus, il acquitta la plupart des dépenses ainsi engagées. D’ailleurs, au dire du procureur à Paris, M. Magnien, c’est l’argent donné par Belmont qui permit à la compagnie de subsister en Nouvelle-France.
Au cours de ses 31 ans de supériorat, Vachon de Belmont géra la seigneurie de Montréal, s’occupa de l’éducation des jeunes Français, organisa les missions auprès des indigènes et contrôla les cures et le ministère des Sulpiciens dans une douzaine de paroisses de la région de Ville-Marie ; le tout, semble-t-il, avec succès. Malheureusement, la rareté des documents ne permet pas de préciser comment cet homme au caractère instable et foncièrement inquiet put faire progresser la compagnie de Saint-Sulpice au Canada.
Les écrits de Vachon de Belmont ont été publiés en français et en anglais. La « Lit. and Hist. Soc. of Quebec » a publié dans ses Historical Documents, D. 2 (1840) : Histoire du Canada et Histoire de l’eau-de-vie en Canada. Joseph P. Donnelly les a publiés en anglais dans Mid-America, XXXIV (1952 ; nouv. sér., XXIII) : 42–72, 115–147, sous le titre de Belmont’s History of Brandy et de Belmont’s History of Canada. Le RAPQ, 1920–21 : 51–59, et le RAPQ, 1929–30 : 144–189, contiennent l’ « Éloge funèbre de Mgr de Laval » et « Éloges de quelques personnes mortes en odeur de sainteté à Montréal, en Canada ».
APC, FM 17, 7/2, 1.— AQ, François Vachon de Belmont.— ASQ, Cahier 1, 20 ; Fonds Verreau, Ma Saberdache, N, 4, p.15 ; Lettres, M, 2, 23, 34 ; Paroisses, 54, 57, 59a, 59b.— ASSM, Tiroir 72, pièce 5.— Léo-Paul Desrosiers, Correspondance de M. Magnien, Cahiers des Dix, IX (1944) : 199–225.— La Potherie, Histoire (1722), I.— Saint-Vallier, Estat présent de l’Église.— Casgrain, Les Sulpiciens en Acadie.— Henri Gauthier, La Compagnie de Saint-Sulpice au Canada (Montréal, 1912) ; Sulpitiana (Montréal, 1926).— Gosselin, L’Église du Canada, I.— Olivier Maurault, Marges d’histoire (3 vol., Montréal, 1929–1930), III.— Pierre Rousseau, Saint-Sulpice et les missions catholiques (Montréal, 1930).— Pierre Saint-Ovide, Les Dauphinois au Canada. Essai de catalogue des Dauphinois qui ont pris part à l’établissement du régime français au Canada suivi d’une étude sur un Dauphinois canadien : Antoine Pécody de Contrecœur (Paris, 1936).— Le troisième centenaire de Saint-Sulpice (Montréal, 1941).— Les disparus, BRH, XXXV (1929) : 551.— Lionel Groulx, Un seigneur en soutane, RHAF, XI (1957–58) : 201–217— E.-Z. Massicotte, Maçons, entrepreneurs, architectes, BRH, XXXV (1929) : 132–142.— Olivier Maurault, Deux précieux manuscrits, Cahiers des Dix, XXVIII (1963) : 33–42 ; 1742, Cahiers des Dix, VII (1942) : 161–184 ; Les origines de l’enseignement secondaire à Montréal, Cahiers des Dix, I (1936) : 95–104 ; Quand Saint-Sulpice allait en guerre, Cahiers des Dix, V (1940) : 11–30.— Victor Morin, La date de la fondation de Montréal, BRH, XLII (1936) : 396–410.
Jacques Mathieu, « VACHON DE BELMONT, FRANÇOIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/vachon_de_belmont_francois_2F.html.
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Auteur de l'article: | Jacques Mathieu |
Titre de l'article: | VACHON DE BELMONT, FRANÇOIS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1969 |
Année de la révision: | 1991 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |