WINNIETT, JAMES, officier, fonctionnaire et juge de paix, né vers 1777 ; décédé le 13 août 1849 près de Brantford, Haut-Canada.
James Winniett était officier de carrière. Entré dans le 68th Foot en 1795, à l’âge de 18 ans, il y demeura pendant 34 années au cours desquelles il prit part à 13 engagements militaires durant la guerre d’Espagne et accéda au grade de major. On envoya le 68th Foot en Amérique du Nord britannique à la fin de l’époque de Napoléon 1er pour servir dans la garnison de l’île Drummond (Michigan) ; Winniett fut chargé des préparatifs pour la visite du gouverneur Charles Lennox*, 4e duc de Richmond et Lennox, au cours de l’été de 1819. Par la suite, on l’affecta pour des périodes variables à Kingston, à York (Toronto) et à Québec. À la fin des années 1820, le régiment faisait partie de la garnison de Montréal. En août 1829, Winniett vendit sa commission et partit pour le comté d’York, dans le Haut-Canada. Il demanda une terre en janvier 1830 et obtint ainsi la première de plusieurs concessions (à sa mort, elles allaient totaliser 900 acres).
Winniett s’installa près de Brantford en 1830 et vécut pendant les deux années qui suivirent comme un gentilhomme campagnard d’âge mûr. À l’instar de bien des militaires à la retraite, il chercha à obtenir un poste gouvernemental. Ses contacts avec le gouvernement du Haut-Canada lui avaient manifestement permis d’en espérer un. La mort soudaine, en 1832, de John Brant [Tekarihogen*], surintendant des Six-Nations, libéra un poste juste au bon moment. En novembre, le lieutenant-gouverneur sir John Colborne* nomma Winniett surintendant du département des Affaires indiennes, « avec affectation à la rivière Grand et mission de visiter occasionnellement les établissements indiens du Haut-Canada ». Il laissait entendre que la tâche ne serait pas facile. Les factions qui divisaient les Six-Nations, la mauvaise gestion des terres des Indiens et le problème des squatters blancs compromettaient les espoirs du gouvernement de mener rapidement à bien sa politique d’assimilation. Winniett reçut l’ordre de chasser les squatters, de collaborer avec les missionnaires et de renforcer les structures de son service.
La propriété des terres de l’établissement de la rivière Grand soulevait d’âpres querelles, à cause de la complexité de la concession initiale de 1784, et aussi parce que Joseph Brant [Thayendanegea*] en avait vendu ou loué de grandes parties par la suite. Les squatters, qui y vivaient sans aucune autorisation légale, étaient nombreux, et le vol de bois était chose commune. Winniett dut finalement demander des renforts afin de réduire les pertes. On nomma alors Marcus Blair, de Hamilton, premier inspecteur adjoint des forêts de la rivière Grand, et on lui donna Charles Bain comme assistant. Blair avait l’esprit contestataire ; il acceptait mal la politique du département et le fait d’employer des Indiens à titre d’agents de police. Il protesta donc auprès de Winniett : « Je ne peux certes en aucune façon accepter que le premier Indien venu puisse à son gré me prendre mon travail. » Les relations entre les deux hommes furent souvent tendues.
En 1834, Winniett était président de la Grand River Navigation Company. Sa présence à ce poste découlait de ce que les Six-Nations détenaient 25 % des actions de la compagnie. Cet investissement, décidé avec l’approbation de Colborne mais sans le consentement formel des Indiens, s’avéra une grave erreur, que la présence de Winniett au conseil d’administration ne put corriger. Les hommes qui dirigeaient réellement la compagnie, William Hamilton Merritt* et David Thompson, firent en sorte que les Indiens soient obligés de verser de plus en plus d’argent dans l’entreprise pour sauver leur mise de fonds initiale. Ils en vinrent ainsi à posséder plus de 80 % de cette entreprise peu rentable. Entre-temps, Winniett avait demandé et obtenu du département des Affaires indiennes la permission de se retirer du conseil d’administration.
La prestation de Winniett à titre de surintendant laissa parfois à désirer. Bien que les prévisions annuelles concernant les présents à distribuer aux Indiens l’autorisaient à commander de l’équipement supplémentaire, il omit de s’en prévaloir en 1836 ; il fallut que le surintendant en chef, James Givins, lui rappelle de le faire. En d’autres occasions, il lui arriva d’égarer des dossiers du département. Colborne avait laissé entendre que Winniett avait une chance de remplacer Givins, qui vieillissait, mais malheureusement pour Winniett Colborne quitta son poste avant que ce changement ne puisse se faire. Son successeur, sir Francis Bond Head*, était au courant de la situation ; toutefois, cela ne l’empêcha pas de confier le poste à Samuel Peters Jarvis* en 1837. En fait, lorsqu’on prépara un remaniement général du gouvernement, à la fin des années 1830, on inscrivit Winniett sur la liste des fonctionnaires destinés à une retraite anticipée, sans doute à cause de ses piètres qualités d’administrateur. Cette tentative d’éviction le remplit d’amertume. Seules la protestation énergique qu’il fit et la loyauté que les Six-Nations manifestèrent envers la couronne durant les troubles de 1837–1838 lui permirent de demeurer à son poste. Une commission royale, qu’institua le gouverneur sir Charles Bagot, fit enquête sur le département des Affaires indiennes de 1842 à 1844, et à la fin de celle-ci Winniett fut mis à la retraite. Au milieu de 1844, David Thorburn, de Queenstown, assuma quelques-unes de ses fonctions et, un an plus tard, il lui succéda à titre de surintendant.
Winniett continua de vivre dans la région de Brantford. Il était déjà juge de paix et receveur du droit de péage sur la rivière Grand, charges qu’il garda vraisemblablement après sa retraite. La notice parue à sa mort dans le Hamilton Spectator, and Journal of Commerce le décrit comme un homme « respecté de tout son entourage ». On sait peu de chose de sa vie familiale. On lui connaît une fille qui épousa le docteur Robert Coucher, de Brantford. Il légua £200 pour l’éducation et l’entretien de Francis Alexander Atkins, du canton de Brantford, qui était peut-être son fils illégitime.
La carrière de James Winniett ne sort guère de l’ordinaire. Il était le type même de ces militaires retraités qui détinrent des postes mineurs dans l’administration du Haut-Canada durant la période qui entoura l’union politique de 1841. Le récit de sa vie nous éclaire tout de même sur les difficultés que posait l’administration des Affaires indiennes au niveau régional, sur la nature du favoritisme politique et sur la composition des élites locales à cette époque.
AO, RG 1, A-VII ; RG 22, sér. 155.— APC, MG 9, D7, 40, vol. H, file 36 ; MG 24, A25, 2 ; RG 1, E3, 52, 102 ; L1, 33 : 116 ; L3, 148 : Canada Company : 32b-c, 41h ; 531 : W16/15 ; 541 : W6/21 ; RG 5, B9, 1–2, 4, 71 ; RG 8, I (C sér.), 142, 363, 965 ; RG 10, A1, 121–122 ; A6, 718–719 ; B8, 628 ; CI, 6, vol. 803, part. i–ii, 806.— Globe, 21 août 1849.— Hamilton Spectator, and Journal of Commerce (Hamilton, Ontario), 22 août 1849.— J. D. Leighton, « The development of federal Indian policy in Canada, 1840–1849 » (thèse de ph.d., Univ. of Western Ontario, London, 1975).— B. E. Hill, « The Grand River Navigation Company and the Six Nations Indians », OH, 63 (1971) : 31–40.
Douglas Leighton, « WINNIETT, JAMES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/winniett_james_7F.html.
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Auteur de l'article: | Douglas Leighton |
Titre de l'article: | WINNIETT, JAMES |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
Année de la révision: | 1988 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |