WHITEFORD, ISABELLA (Rogerson), poétesse, née le 3 janvier 1835 à Fair Head, comté d’Antrim (Irlande du Nord), fille d’Alexander Whiteford et d’Isabella Mathers ; en 1879, elle épousa James Johnstone Rogerson, et ils n’eurent pas d’enfants ; décédée le 2 février 1905 à St John’s.
Les Whiteford étaient établis depuis longtemps à Fair Head, où le grand-père d’Isabella, Alexander, avait été parmi les premiers adeptes de l’Église d’Irlande à ouvrir ses portes au célèbre évangéliste méthodiste Gideon Ouseley. En 1850, les parents d’Isabella immigrèrent à Terre-Neuve. Ils laissaient en Ulster deux fils adultes nés d’un précédent mariage, mais emmenaient deux fils issus de leur mariage et quatre filles, Isabella étant l’avant-dernière. À St John’s, son père se consacra « tout entier au travail de l’Église méthodiste » en qualité d’économe et d’administrateur laïque de la circonscription ecclésiastique. Cependant, les témoignages qui subsistent mettent surtout l’accent sur « son chaleureux, son généreux tempérament celtique » et sur la charmante hospitalité dont il faisait preuve, tant en ville que dans sa délicieuse retraite campagnarde, Dunluce. Un vieux mémorialiste se souvenait particulièrement de la présence d’Isabella, la poétesse.
Deux poètes de Terre-Neuve – ou plus exactement deux poétesses – publièrent avant elle : Henrietta Prescott, fille du gouverneur Henry Prescott* et auteure de Poems, written in Newfoundland, paru à Londres en 1839, et M. S. Peace, auteure de The convict ship and other poems, paru en 1850 à Greenock, en Écosse. Aucune n’avait habité longtemps dans l’île. Isabella Whiteford, qui à son arrivée, à l’âge de 15 ans, composait déjà des vers, fit paraître son premier recueil en 1860 à Belfast. Ce livre, intitulé tout simplement Poems, contient quelque 120 morceaux, écrits pour la plupart dans la colonie ; la moitié ont pour cadre l’Irlande, l’autre moitié, Terre-Neuve. Leur langue et leur forme rappellent Wordsworth, et ils témoignent d’un talent authentique, sinon puissant. Ainsi, on peut lire dans « Three scenes in every-day life » :
Elle était tellement belle,
La fille du pasteur.
Toujours, sa présence évoquait
De l’été la douceur.
En 1898, Isabella Whiteford publia à Toronto un autre recueil, The Victorian triumph and other poems, où l’influence de sa contrée d’adoption se fait davantage sentir. Descriptions achevées de paysages, souvenirs d’enfance, chants sur les saisons, pastiches de ses poètes préférés, scènes bibliques et morceaux lyriques s’y trouvent, comme dans son premier ouvrage. Cependant, bon nombre de poèmes traitent des occupations qu’elle partageait avec son mari, dirigeant laïque de son Église et philanthrope. En effet, The Victorian triumph est, en partie, une œuvre d’inspiration collective qui évoque avec un charme singulier l’activité qu’elle déployait à la Church Woman’s Missionary Society, dont elle fut la présidente, et dans les réunions hebdomadaires du groupe de fidèles méthodistes qui se tinrent sous sa direction durant de nombreuses années. En outre, le recueil contient « A plea for a sailors’ home », plaidoyer en faveur d’un refuge pour marins qui vit effectivement le jour, des poèmes composés pour des anniversaires d’amis, des vers commémoratifs, des épithalames, des compositions sur des expériences ou des réflexions personnelles ainsi que des souvenirs d’Irlande, fruit des conversations qui s’étaient déroulées dans la maison que son père avait construite dans la colonie un demi-siècle auparavant.
L’œuvre d’Isabella Whiteford n’est pas facile à classer : raffinement de la poésie académique et tradition orale chère aux folkloristes s’y côtoient. À l’occasion, on y trouve même de ces vers populaires qu’affectionnaient les journaux et magazines régionaux. Sa production mérite que l’on s’y arrête. Dans la période qui coïncida avec la maturité de cette poétesse, ces genres, à Terre-Neuve, n’étaient pas compartimentés. Au moment où la colonie commençait à avoir sa propre culture littéraire et intellectuelle, « notre Isabella », comme tous l’appelaient, était une écrivaine renommée.
La préface à la collection des poèmes d’Isabella Whiteford Rogerson de 1898 a été préparée par Daniel Woodley Prowse*. Quelques-uns de ses poèmes figurent également, avec des ballades et des vers traditionnels de Terre-Neuve, dans ce qui semble être l’unique exemplaire d’un ancien recueil de chants acquis par l’auteur il y a quelques années. Il manque la couverture et la page de titre de ce volume qui porte la trace de nombreuses lectures, mais le titre courant est Coronation songster, et il a probablement été édité par James Murphy et publié à St John’s vers 1902. À propos des niveaux de l’effort poétique, l’auteur est redevable à l’étude de Pauline Greenhill, True poetry : traditional and popular verse in Ontario (Montréal, 1989). [g. m. s.]
Lit. hist. of Canada (Klinck et al. ; 1976–1990), 1 : 85.— Methodist Monthly Greeting (St John’s), sept. 1903 ; mars 1905 (notice nécrologique par le révérend Dove, et poème funèbre par sir Robert Thorburn).— The Oxford companion to Canadian literature, William Toye, édit. (Toronto, 1973), 549s.
G. M. Story, « WHITEFORD, ISABELLA (Rogerson) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/whiteford_isabella_13F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
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