WALDRON, JOHN, chirurgien, capitaine et propriétaire de navires, marchand et fonctionnaire, né le 12 novembre 1744 à Burton Bradstock, Angleterre, fils de Joseph Waldron et d’une prénommée Martha ; le 14 janvier 1775, il épousa à Poole, Angleterre, Mary Young, et ils eurent deux fils et une fille ; décédé en 1818 ou après, probablement à Poole.
Les premières années de la vie de John Waldron demeurent quelque peu obscures, mais on possède de nombreux renseignements sur une grande partie de sa carrière de marchand terre-neuvien. À l’époque de son mariage avec la fille de l’un de ses employeurs, il demeurait à Burton Bradstock. Par la suite, il vécut surtout à Poole où il se fixa à partir de sa retraite en 1802. Pendant sa vie professionnelle active, il passa la plupart de ses étés en mer et à Terre-Neuve. Occasionnellement, il hiverna dans l’île à Harbour Breton où, pendant 38 ans environ, il fut le représentant et, plus tard, l’associé d’une compagnie qui faisait des affaires tant à Poole qu’à Terre-Neuve.
Waldron ne fut certainement pas le premier de son nom à s’intéresser aux pêcheries de Terre-Neuve et peut-être pas, non plus, le premier de sa famille. Les archives montrent que plusieurs Waldron furent capitaines de navire à Terre-Neuve au début des années 1700, et que leur base se trouvait dans les ports du sud du Devon. Les associés de Waldron, les familles Clarke et Young, étaient, eux aussi, depuis longtemps liés aux pêcheries terre-neuviennes : les Clarke, par exemple, avaient lancé une entreprise commerciale vers 1700. Avant la signature du traité préliminaire anglo-français de 1762, la firme de Samuel Clarke et de Robert Young avait établi son quartier, général à Saint-Pierre ; Waldron était venu d’Angleterre vers 1760, en tant que chirurgien de cette compagnie. Lors de la cession de Saint-Pierre à la France, en vertu du traité de 1763, les commerçants et colons anglais reçurent l’ordre de partir. Waldron, qui était devenu capitaine de navire et représentant au service de Clarke et de Young, et Samuel Clarke choisirent de se reloger dans la baie de Fortune, située tout près de là. Ils construisirent leurs principales installations à Harbour Breton. Explorant et faisant le levé hydrographique de la baie de Fortune, quelques années plus tard, James Cook* dira, au sujet de l’établissement de Clarke et de Young, qu’il était « de tous les endroits du côté nord de la baie de Fortune le mieux situé pour la pêche ».
L’année 1775 devait se révéler d’une importance particulière dans la carrière de Waldron. Par son mariage, celui-ci s’introduisit au sein de la famille Young et, après la mort de son beau-père, Robert Young, cette année-là, son nom fut attaché à la firme. Les trois principaux associés étaient dès lors Samuel Clarke, Waldron et Samuel Young (peut-être un parent de Robert). De 1785, année de la mort de Clarke, à 1794, la firme fut connue sous le nom de Waldron and Young. Mais, deux des héritiers Clarke y ayant été associés, elle reprit son ancien nom de Clarke, Waldron, and Young. Cette situation ne dura que jusqu’en 1797, année où la société fut dissoute. Réorganisée, elle devint la Clarke and Waldron. Après la retraite de Waldron, l’entreprise poursuivit son activité sous la nouvelle raison sociale de Samuel and John Clarke, et cela jusqu’à ce qu’elle fit faillite en 1819.
À titre de représentant local d’une des plus importantes compagnies commerciales de la baie de Fortune, Waldron ne se contenta pas d’assurer la gestion d’une grave et d’un banc de pêche. Il mit sur pied un commerce de ravitaillement pour les pionniers qui habitaient la baie de Fortune et les districts situés à l’ouest. De même, dans leur district respectif de Terre-Neuve, la plupart des principales firmes marchandes de Poole purent prendre bien en main les pêcheries et le commerce de ravitaillement des colons. En 1785, Waldron et Young, de même que Thomas Tremlett*, de Dartmouth, et quelques Jersiais, étaient identifiés comme les plus grands entrepreneurs « qui exploit[aient] les pêcheries et ravitaill[aient] les patrons de pêche à [la baie de Fortune] ». Plus significatif encore, les marchands maîtrisaient et orientaient les plans d’immigration et de colonisation. Aussi ne faut-il pas se surprendre qu’une grande proportion de la population établie autour de la baie de Fortune fût formée d’anciens employés et de passagers qui avaient été transportés de Poole et de Dorset à Terre-Neuve par la firme de Waldron. Devenus patrons de pêche, ces colons s’approvisionnaient à même ses magasins de Harbour Breton.
L’activité maritime de Waldron eut beaucoup à souffrir de la guerre d’Indépendance américaine et des guerres issues de la Révolution française. Dans le premier cas, des corsaires américains se servant de Saint-Pierre comme base s’emparèrent de quatre navires de la firme en deux mois, puis, en 1796 et 1797, plusieurs autres tombèrent aux mains de l’ennemi. Malgré l’importance de ces pertes, la firme poursuivit son commerce, et, en 1800, la Clarke and Waldron fut taxée à Poole pour ses exportations et ses importations évaluées à £700, et pour la propriété de cinq navires : le Navigation (112 tonneaux), le Fanny (40 tonneaux), le Calerus (66 tonneaux), le Commerce (78 tonneaux) et le Jane (102 tonneaux). Cette année-là, le taux de taxation des exportations et des importations de la firme était peu élevé, comparativement à celui d’autres marchands de Poole intéressés à ce commerce (£3 000 pour Benjamin Lester et £1 800 pour chacune des firmes de Thomas Saunders, de George Kemp et de William Spurrier). Le taux de la firme Clarke and Waldron était néanmoins plus élevé que celui de certains marchands plus petits, tels George Neave et Joseph Garland. De même, le tonnage des navires de la Clarke and Waldron (398 tonneaux) était beaucoup moindre que celui de Lester (1 743 tonneaux), de Kemp (1 166 tonneaux), de Spurrier (1 035 tonneaux) et de Saunders (706 tonneaux). Il était encore plus élevé, toutefois, que celui des firmes plus petites. Ces chiffres plaçaient la compagnie de Waldron à un rang intermédiaire parmi les sociétés marchandes de Poole.
De 1782 à sa retraite, Waldron occupa les fonctions de juge de paix et d’intendant du commerce maritime de la baie de Fortune, mais, dans les faits, sa juridiction s’étendait à toute la côte sud de Terre-Neuve, de la pointe May au cap Ray. Entre autres responsabilités, il devait faire la cueillette de statistiques sur la pêche et sur la population, qu’il remettait au surrogate lors de sa visite annuelle à la baie de Fortune. Sa longue expérience de la région de Saint-Pierre et de la baie de Fortune faisait de lui l’un des principaux experts anglais sur la question des pêches françaises dans les eaux méridionales de Terre-Neuve, et c’est pour cela qu’il fut assigné à comparaître devant le comité de la chambre des Communes nommé en 1793 pour enquêter sur la situation du commerce à Terre-Neuve. D’après son témoignage, il envoyait assez régulièrement un employé à Saint-Pierre « pour examiner privément les pêcheries et pour observer l’état général de l’île ». En août 1792, par exemple, il découvrit que les Français avaient « 40 voiles, des bricks et des navires, faisant en moyenne environ 150 tonneaux chacun [...], de 110 à 120 chaloupes de pêche, transportant chacune trois hommes, [et] environ 100 morutiers, portant en moyenne huit hommes ».
En 1802, au moment où la Grande-Bretagne et la France négociaient la paix, Waldron soumit par l’intermédiaire de son député au Parlement, George Garland, un exposé rédigé de sa main portant sur l’état des pêcheries françaises à Saint-Pierre et Miquelon. Il affirmait qu’après 1783, année où le gouvernement français accorda des primes en argent pour stimuler la pêche, celle-ci « se fit avec la plus grande avidité, [que] le nombre des aventuriers s’accrut considérablement, leurs navires pullulant sur les côtes de ces îles, et [que les] pêcheries [des Britanniques], comme il fallait s’y attendre à cause de leur proximité de la baie de Fortune, en souffrirent d’une façon très sensible ». Il ajouta que les Français se servaient des îles comme d’un « centre de commerce, pour toutes leurs manufactures européennes, avec les États-Unis », et que les pêcheurs français avaient « en l’espace de deux mois [...] détruit plus d’arbres [dans la région de la baie de Fortune] que les Anglais n’avaient fait au cours des vingt années précédentes ». Ses allusions aux relations entre les Français et les Micmacs de Terre-Neuve constituent l’une des rares sources sur ce sujet. Waldron affirmait que les Français, pour des « motifs politiques », fournissaient des munitions aux Indiens et que ces derniers visitaient régulièrement Saint-Pierre pour y recevoir « gratuitement [...] l’absolution » des prêtres catholiques qui y résidaient. Selon lui, ces relations amenaient comme conséquence, entre autres, « que les Indiens étaient fidèles aux [Français], et hostiles envers [les Britanniques] ». Au sujet du développement futur de Terre-Neuve, Waldron fit une proposition très originale qui stupéfia même Garland : il suggéra de convertir Terre-Neuve en un « refuge pour les criminels ». Il prétendait que ceux-ci pourraient être employés aux travaux agricoles et que leur établissement dans cette colonie serait beaucoup moins coûteux que leur transport en Australie. Il poursuivait en faisant des propositions relativement aux récoltes et au bétail. Garland fit parvenir cette suggestion au gouvernement, en louant la compétence remarquable de Waldron quand il s’agissait de ses observations sur les pêches françaises, mais en se dissociant de lui sur la question de faire de Terre-Neuve une colonie pénitentiaire. Une grande partie du témoignage de Waldron devant le comité des Communes, en 1793, et beaucoup de commentaires contenus dans sa lettre à Garland paraissent valables, mais il n’y a pas de doute qu’il était enclin à l’exagération sur certaines questions et qu’il était peu digne de foi sur d’autres. Ses remarques optimistes sur le potentiel agricole de Terre-Neuve, et particulièrement de sa propre région, ne représentent qu’un cas, parmi d’autres, où l’on peut s’interroger sur son jugement. On trouve un exemple plus flagrant encore de son manque de fiabilité dans le témoignage qu’il rendit, en 1793, sur le rôle du bureau des douanes de la baie de Fortune.
Les bureaux des douanes furent inaugurés à Terre-Neuve en 1764. Les marchands du sud-ouest de l’Angleterre et de Poole s’opposèrent vivement à cette initiative [V. Richard Routh]. Les marchands qui comparurent devant le comité en 1793, dont William Newman et Peter Ougier, de Dartmouth, et John Jeffrey, de Poole, affirmaient encore que l’activité des agents des douanes et les tarifs douaniers élevés nuisaient au commerce terre-neuvien. Lors de sa comparution devant le comité, Waldron déclara que son propre commerce avait souffert de l’établissement des bureaux des douanes, parce que la procédure retardait les navires. Questionné au sujet de Charles Cramer, agent des douanes et juge de paix à la baie de Fortune, Waldron prétendit qu’il avait été démis de ses fonctions de juge de paix pour négligence dans sa tâche et mauvaise conduite. Toutefois, dans son témoignage, Richard Routh fit état du point culminant des conflits et des représailles entre Cramer et Waldron : après que le premier eut retardé un navire, il fut mis aux fers pour trois mois par un représentant de Waldron.
John Waldron fut sans équivoque un homme énergique et robuste physiquement, non sans brutalité ni brusquerie, au demeurant assez bien instruit, lettré, et intelligent. Comparé avec ses contemporains, il connut dans le commerce terre-neuvien une carrière exceptionnellement longue et difficile. Peu de marchands, à part lui, attendirent plus d’une décennie avant de remettre la gestion de leurs affaires à des parents plus jeunes ou à des représentants. Waldron fit également œuvre de pionnier et joua un rôle de premier plan en établissant la frontière de l’exploitation et de la colonisation anglaises, tant au sud qu’à l’ouest de Terre-Neuve. Il passa une si grande partie de sa vie active dans l’île qu’il n’eut guère le temps de s’engager dans la politique à Poole. Néanmoins, il y fut membre de plusieurs comités de marchands, formés aux fins de défendre leurs intérêts à Terre-Neuve, et, en 1800, il appuya la candidature de George Garland au Parlement. Autant qu’on puisse en juger, ni l’un ni l’autre des deux fils de Waldron ne se lança dans le commerce terre-neuvien. Il est possible, toutefois, qu’un certain John Waldron, capitaine qui naviguait de Poole à Trinity et à Greensbond pour le compte de la firme Sleat and Read, dans les années 1820, ait été un fils ou un petit-fils de Waldron.
Dorset Record Office, D203/A4–A5 ; D365 ; P227/CW3 (Churchwardens, rates and accounts, 1783–1802) ; OV1 (Overseers of the poor, rates and accounts, 1764–1773) ; RE7 (Reg. of marriages, 1770–1786).— Hunt, Roope & Co. (Londres), Robert Newman & Co., company records (mfm aux PANL).— Maritime Hist. Group Arch., Waldron, John, name file.— Nfld. Hist. Soc. (St John’s), Keith Matthews, « The West Country merchants in Newfoundland » (communication lue devant la Nfld. Hist. Soc., 1968).— Nfld. Public Library Services, Provincial Reference Dept. (St John’s), Phillip Saunders et Pierce Sweetman, « Letter book of Saunders and Sweetman », 1788–1804.— PANL, GN 2/1, 2/2.— PRO, ADM 7/373 ; BT 6/84 ; 6/87 ; CO 194/30 ; 194/43 ; 324/7 ; PROB 11/1609/481 ; RG 4/464.— G.-B., House of Commons, Reports from committees of the House of Commons which have been printed by order of the house and are not inserted in the Journals, [1715–1801] (16 vol., Londres, [1803–1820]), 10 : 391–503, « Reports from the committee on the state of the trade to Newfoundland, severally reported in March, April, & June, 1793 ».— Derek Beamish et al., Mansions and merchants of Poole and Dorset (Poole, Angl., 1976).— C. G. Head, Eighteenth century Newfoundland : a geographer’s perspective (Toronto, 1976).
Gordon Handcock, « WALDRON, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/waldron_john_5F.html.
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Auteur de l'article: | Gordon Handcock |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
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