Titre original :  Les religieuses fondatrices

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VIGER, AMANDA (baptisée Marie-Louise-Amanda), dite Saint-Jean-de-Goto, religieuse hospitalière de Saint-Joseph, pharmacienne, fondatrice et directrice générale de l’Hôtel-Dieu de Tracadie, Nouveau-Brunswick, née le 27 juillet 1845 à Boucherville, Bas-Canada, fille de Bonaventure Viger* et d’Eudoxie Trudel ; décédée le 8 mai 1906 à Arthabaska, Québec.

De son père, patriote de 1837, Amanda Viger avait hérité « un tempérament de feu ». La relative aisance de ses parents lui permit de terminer ses études secondaires au pensionnat de la Congrégation de Notre-Dame, à Boucherville. À peine âgée de 15 ans, elle entra chez les Religieuses hospitalières de Saint-Joseph de l’Hôtel-Dieu de Montréal, le 8 septembre 1860, et y fit profession le 2 février 1863, sous le nom de sœur Saint-Jean-de-Goto, qu’avait choisi Mgr Ignace Bourget*.

À « l’apothicairerie » de l’hôpital, sœur Saint-Jean-de-Goto s’initia à la préparation et à l’administration des remèdes. Ces connaissances allaient bientôt lui servir, mais dans un tout autre milieu. C’est à Tracadie, au Nouveau-Brunswick, que, âgée de 23 ans, elle s’en irait avec cinq autres de ses compagnes porter secours aux malheureuses victimes de la lèpre, maladie qui sévissait dans la région depuis le deuxième quart du xixe siècle [V. Charles-Marie Labillois* ; Ferdinand-Edmond Gauvreau*]. Rien ne pourrait ébranler sa décision, ni les supplications de son père, ni l’horreur de la maladie et le piteux état du lazaret qui l’attendait. Le docteur William Bayard, de Saint-Jean, de passage à Montréal, essaya de souligner à cette « jeune femme très belle, éduquée et raffinée [...] la nature repoussante de la maladie et la terrible pression que cela pouvait exercer sur une femme sensible et délicate ». « Je crois que c’est là mon devoir », aurait-elle répondu.

Dès son arrivée à Tracadie, en septembre 1868, sœur Saint-Jean-de-Goto organisa une petite pharmacie pour desservir non seulement le lazaret mais aussi les malades de Tracadie et des villages avoisinants. Pendant de nombreuses années, elle essaierait, en vain, de trouver un remède contre la lèpre. Élue supérieure de la communauté de Tracadie en 1875, à l’âge de 30 ans, sœur Saint-Jean-de-Goto rêvait de bâtir un hôpital pour accueillir les malades, autres que les lépreux, qui affluaient à son dispensaire mais, faute de moyens financiers, le projet devrait attendre quelque 20 ans. Entre-temps, le docteur Alfred Corbett Smith, nommé médecin consultant au lazaret en 1878, était venu aider les hospitalières à traiter les lépreux. Deux ans plus tard, après une enquête menée sur place par le docteur Joseph-Charles Taché*, sous-ministre de l’Agriculture et de la Statistique à Ottawa, le lazaret passa sous la compétence du gouvernement fédéral et le docteur Smith en devint « médecin inspecteur ». Sœur Saint-Jean-de-Goto avait non seulement fourni à Taché de nombreux renseignements concernant la maladie, mais elle avait aussi agi en tant que secrétaire du sous-ministre pendant l’enquête. À la suite du rapport de Taché, un lazaret de pierre fut finalement construit par le gouvernement fédéral, et les lépreux y logèrent à compter du 8 avril 1896.

Sœur Saint-Jean-de-Goto pouvait maintenant consacrer ses efforts à la réalisation d’un hôpital-orphelinat. Depuis 1873, les hospitalières, dont elle-même, s’étaient occupées des enfants, enseignant dans une école privée attenante au lazaret. Obligées de la fermer en 1885, elles avaient cependant continué l’œuvre d’éducation en accueillant des orphelins dans les greniers du lazaret à partir de 1888. Sœur Saint-Jean-de-Goto avait hâte de leur offrir des locaux plus adéquats et, à force d’ingéniosité, elle réussit à amasser les fonds nécessaires pour commencer la construction d’un hôpital-orphelinat, qui serait achevé en 1898.

En 1899, sœur Saint-Jean-de-Goto terminait son cinquième mandat comme supérieure. Elle avait, de plus, exercé la fonction importante de maîtresse des novices pendant 16 ans et celle de pharmacienne durant 28 ans. Au cours de ses 18 ans à titre de secrétaire de la communauté de Tracadie, elle avait écrit de nombreuses et intéressantes lettres à la maison mère, qui la montrent femme sensible, intelligente, généreuse et dotée d’un sens de l’humour. La seule des fondatrices à demeurer aussi longtemps à Tracadie, soit durant 34 ans, elle avait réussi à établir sur des bases solides la jeune communauté, qui était alors composée d’Acadiennes formées par elle et prêtes à prendre la relève.

En 1902, sœur Saint-Jean-de-Goto fut élue supérieure de l’Hôtel-Dieu d’Arthabaskaville (Arthabaska), fondé en 1884. Elle s’affaira à le sortir de ses difficultés financières et, en 1903, quoique déjà atteinte de cancer, elle entreprit la construction d’une nouvelle aile de cinq étages afin de répondre aux besoins du milieu. Le 8 mai 1906, disparaissait une femme forte, courageuse et enthousiaste, une des grandes figures de la congrégation des Religieuses hospitalières de Saint-Joseph.

Corinne LaPlante

AC, Arthabaska, État civil, Catholiques, Saint-Christophe (Arthabaska), 10 mai 1906.— ANQ-M, CE1-22, 2 août 1845.— Arch. des Religieuses hospitalières de Saint-Joseph (Montréal), Vie religieuse de la communauté, corr., lettres de sœur Saint-Jean-de-Goto à la supérieure de l’Hôtel-Dieu de Montréal, 26 août, 19 déc. 1870 ; nécrologie de sœur Saint-Jean-de-Goto ; procès-verbaux des vêtures et professions, 1858–1899 ; reg. des entrées, 1851–1868.— Arch. des Religieuses hospitalières de Saint-Joseph de la province Notre-Dame de l’Assomption (Bathurst, N.-B.), Vie religieuse de la communauté, chroniques des RHSJ de l’Hôtel-Dieu de Tracadie, fondé en 1868 : 131.— St. John Daily Sun, 25 oct. 1887.— L’Hôtel-Dieu de Montréal (1642–1973) (Montréal, 1973).— F.-M. Lajat, le Lazaret de Tracadie et la Communauté des Religieuses hospitalières de Saint-Joseph (Montréal, 1938).— Corinne LaPlante, « Sœur Ama[n]da Viger : la fille d’un patriote de 1837, véritable fondatrice de l’H.-D. de Tracadie », La Rev. d’hist. de la Soc. hist. Nicolas-Denys (Bertrand, N.-B.), 12 (1984), n° 1 : 5–34.— M. J. Losier et Céline Pinet, les Enfants de Lazare : histoire du lazaret de Tracadie (Moncton, N.-B., 1987).— Claire Perreault, les 100 ans de l’Hôtel-Dieu d’Arthabaska, 1884–1984 ([Arthabaska], 1983), 141–156.

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Corinne LaPlante, « VIGER, AMANDA (baptisée Marie-Louise-Amanda), dite Saint-Jean-de-Goto », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/viger_amanda_13F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
Date de consultation:    28 novembre 2024