GENDRON, PHILOMÈNE (baptisée Hermine-Philomène), religieuse hospitalière de Saint-Joseph, économe de l’Hôtel-Dieu de Montréal, fondatrice et directrice de l’Hôtel-Dieu de Campbellton, Nouveau-Brunswick, née le 17 juillet 1840 à Sainte-Rosalie, Bas-Canada, fille de Pierre Gendron, cultivateur, et d’Hermine Hébert ; décédée le 20 octobre 1921 à l’Hôtel-Dieu de Montréal.

N’ayant pu entreprendre d’études secondaires à cause de certaines obligations familiales, Philomène Gendron reçoit en revanche des leçons particulières de son oncle Pierre-Samuel Gendron*, instituteur et notaire. Le 9 février 1863, elle entre au noviciat des Religieuses hospitalières de Saint-Joseph de l’Hôtel-Dieu de Montréal, où elle fait profession le 18 juillet 1865. Elle devient alors aide à la procure de l’hôpital, puis, dès 1871, économe de l’Hôtel-Dieu, poste qu’elle occupe jusqu’en 1881 (avec une interruption en 1877–1878). De 1881 à 1887, elle exerce la même fonction pour la communauté. À ce titre, elle est responsable des finances, de l’organisation matérielle et de la gestion des biens.

Sœur Gendron a vu plusieurs de ses compagnes partir pour des fondations au Nouveau-Brunswick : à Tracadie en 1868 [V. Amanda Viger*], à Chatham en 1869, et à Saint-Basile en 1873. En 1884, un autre essaim s’envole vers Arthabaskaville (Victoriaville), dans la province de Québec. En 1888, la congrégation reçoit deux nouvelles demandes de fondations : une à Windsor, en Ontario, et une à Campbellton.

Sœur Gendron se croit sincèrement inapte au rôle de fondatrice. C’est elle, cependant, que l’on nomme supérieure de cette mission au Nouveau-Brunswick. Le curé de la paroisse qui invite les Religieuses hospitalières de Saint-Joseph, l’abbé John Lawson McDonald, demande des sœurs pour l’enseignement d’abord, et pour diriger plus tard un hôpital. Les sœurs acceptent à la condition d’être remplacées quand une congrégation enseignante pourra prendre la relève, ce qui arrivera en 1922. Deux religieuses enseignantes de l’Hôtel-Dieu de Chatham fourniront ce service au départ.

Le 13 août 1888, sœur Gendron et ses trois compagnes montent à bord de l’Intercolonial. À Campbellton, une maison quelque peu délabrée leur tient lieu de résidence, d’école et d’hôpital. Une religieuse donne des cours de musique à neuf élèves au prix de 2 $ par mois. C’est là le seul revenu des sœurs, qui, au cours des premières années, souffrent du froid, de l’exiguïté des locaux et de la faim. Il faut donc beaucoup d’ingéniosité et de courage, de la part de sœur Gendron, pour arriver avec si peu de moyens. Heureusement, de généreux bienfaiteurs leur viennent en aide. On se hâte d’ajouter un hangar pour pouvoir accueillir une cinquantaine d’élèves, pour la plupart anglophones, dès le 24 octobre 1888. Le même jour, un premier patient arrive, souffrant d’engelures aux orteils. La nuit, il dort sur la table de la cuisine ; ce n’est qu’aux vacances de Noël qu’un médecin l’ampute dans la salle de classe, qui sert aussi de salle d’opération.

Une telle situation de gêne ne peut durer et la construction d’un immeuble plus approprié devient prioritaire. Il faut cependant l’approbation de l’évêque, Mgr James Rogers*, qui doit aussi décider du lieu et du plan du bâtiment. Or, ses vues ne concordent pas toujours avec celles de sœur Gendron. Si l’évêque se résigne à ce que la construction s’élève là où la supérieure le désire, il obtient qu’on remette à plus tard l’installation de l’eau courante, qu’il n’y ait pas plus de 11 lits dans la partie de l’hôpital, et que les escaliers soient tout d’un trait. Les travaux de construction se poursuivent de juillet à décembre 1890. Grâce à cet édifice de trois étages, qui mesure 140 pieds sur 200, les religieuses peuvent accueillir 11 malades, 90 élèves (dont des pensionnaires), ainsi que des postulantes.

Après avoir été supérieure pendant deux mandats consécutifs de trois ans (le maximum permis), sœur Gendron devient maîtresse des novices jusqu’en 1897, année où elle est rappelée à l’Hôtel-Dieu de Montréal. À titre d’hospitalière en chef de cet hôpital, elle voit à la bonne marche de l’établissement, s’occupe de l’admission des patients et supervise les visites du médecin. Elle revient à Campbellton en 1900 pour occuper les fonctions de supérieure et d’administratrice. Au cours de son absence, le nombre de patients, d’élèves et de pensionnaires a augmenté sensiblement et l’immeuble ouvert en décembre 1890 ne suffit plus. En 1905, sœur Gendron envoie deux religieuses à Montréal pour se renseigner sur les nouvelles méthodes utilisées dans le domaine hospitalier et commence à planifier la construction d’un véritable hôpital, d’une capacité de 50 lits, qui ouvrira ses portes en 1909. En 1906, elle demande son rappel à Montréal ; la mission compte alors 14 religieuses (professes et novices), dont 12 viennent de la région. Le travail pénible et l’extrême pauvreté ont certes épuisé la supérieure, mais les chroniques de la communauté révèlent que l’ingérence du curé l’a également obligée à mener une lutte exténuante pour garder un peu d’autonomie. À 66 ans, sœur Gendron redevient économe de l’Hôtel-Dieu de Montréal. En 1910, elle apporte son aide à ses compagnes de la procure jusqu’en 1918 (elle est également économe de la communauté de 1908 à 1911). De Montréal, elle s’intéresse toujours à la mission de Campbellton et doit accepter de tristes nouvelles : l’immeuble construit en 1890 et l’hôpital inauguré en 1909 disparaissent dans l’incendie de la ville en 1910 ; huit ans plus tard, les flammes détruisent encore l’hôpital qu’on a entre-temps reconstruit. Elle a cependant la joie, avant de mourir, d’apprendre qu’un nouvel Hôtel-Dieu accueille ses premiers patients le 18 juillet 1920.

L’ère des fondations de l’Hôtel-Dieu de Montréal au Nouveau-Brunswick a pris fin avec celle de Campbellton, sous l’énergique et patiente direction de sœur Philomène Gendron, femme intelligente et habile en affaires. L’appréciation qu’en a faite Mgr Rogers en 1890 résume ses traits caractéristiques : « grande par la taille, grande par l’esprit, et grande par le cœur ».

Corinne LaPlante

ANQ-M, CE602-S25, 18 juill. 1840.— Arch. des Religieuses hospitalières de Saint-Joseph (Montréal), Vie religieuse de la communauté, annales, vol. 4–5 ; nécrologie de sœur Philomène Gendron ; procès-verbaux des vêtures et professions, 1858–1899 ; reg. des entrées, 1851–1868.— Arch. des Religieuses hospitalières de Saint-Joseph de la prov. Notre-Dame de l’Assomption (Bathurst, N.-B.), « Petite Histoire du premier curé résidant à Campbellton, John Lawson MacDonald, 1888–1903 » (1953) ; sœur Thérèse Plourde, « Fondation à Campbellton en 1888 » (texte dactylographié, 1976) ; « Soixante-dix ans d’évolution, 1888–1958 » (texte dactylographié) ; vie religieuse de la communauté, chroniques des RHSJ de l’Hôtel-Dieu de Campbellton, vol. 1–4 ; offices de l’Hôtel-Dieu de Campbellton, 1869–1921.— P.-S. Gendron, la Famille Nicolas Gendron ; dictionnaire généalogique (Saint-Hyacinthe, Québec, 1929).

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Corinne LaPlante, « GENDRON, PHILOMÈNE (baptisée Hermine-Philomène) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/gendron_philomene_15F.html.

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Auteur de l'article:    Corinne LaPlante
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
Année de la révision:    2005
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