VAUGHAN, sir WILLIAM, érudit, écrivain, poète, promoteur d’entreprises coloniales, né en 1575, fils cadet de Walter Vaughan, de Golden Grove, dans le Carmarthenshire, et de sa femme Katherine, mort et inhumé en août 1641 à Llangyndeyrn, dans le comté de Carmarthen.

Vaughan s’inscrivit à l’université d’Oxford (Jesus College) en 1592 ; il obtint le baccalauréat ès arts en 1595 et la maîtrise deux ans plus tard. Il postula le baccalauréat en droit civil au mois de décembre 1600, mais partit pour l’étranger avant de recevoir ce grade. Il voyagea beaucoup à travers l’Europe et obtint à Vienne le grade de docteur en droit. Il rentra en Angleterre à l’été de 1603 et, en juillet 1605, il était reçu docteur en droit civil à Oxford.

Entre-temps, Vaughan s’était établi à Llangyndeyrn, était devenu juge de paix et avait épousé Elizabeth, fille de David ap Robert, de Llangyndeyrn, dont il avait eu un fils, Francis. Son enfant serait mort très jeune, et sa femme mourut, elle aussi, en 1608. Vaughan passa probablement la plus grande partie de son temps à écrire ; son premier livre fut publié en 1597, et c’est en 1600 que parut son plus célèbre ouvrage, The golden grove, Ce livre avait pour objet d’aider « tous ceux qui voudraient apprendre à se gouverner eux-mêmes ainsi que leur foyer et leur pays » ; il traitait des trois aspects de la vie de l’homme selon le concept d’Aristote, à savoir l’aspect moral, l’aspect économique et l’aspect politique.

Dans The golden grove, Vaughan révèle le souci que lui cause la situation économique du Pays de Galles, et ce fut apparemment dans le dessein de venir en aide à ses compatriotes qu’il s’intéressa aux entreprises de colonisation d’outre-mer. Vaughan était d’avis qu’une colonie permettrait de diminuer la surpopulation, la pauvreté et l’apathie qu’il constatait autour de lui. Au pays de Galles, il avait vu des hommes mourir de faim pendant que des terres restaient en friche et qu’on se désintéressait des entreprises maritimes ; et pourtant de l’autre côté de la rivière Severn, le commerce – particulièrement les pêcheries de Terre-Neuve – avait apporté la prospérité au Devonshire. Comme beaucoup de ses contemporains, Vaughan voyait dans la colonisation le remède aux maux qui affligeaient la société.

Vaughan songea d’abord à Soldana ou à Sainte-Hélène comme lieux propices à la colonisation, mais il écarta ces endroits parce qu’ils étaient trop isolés, insalubres et exposés aux attaques des Espagnols. Il se tourna ensuite vers l’Amérique ; ni les Bermudes ni la Virginie ne l’attiraient, et il choisit donc Terre-Neuve, qui était plus facile d’accès et assurait un produit de base facile à écouler : le poisson. « Je me suis rendu compte, écrivait-il plus tard dans The golden fleece, que Dieu nous avait réservé Terre-Neuve à nous, Anglais. »

En 1616, Vaughan acheta des terres à la Compagnie de Terre-Neuve, dont la création remontait à 1610. C’était la première fois, mais non la dernière, que cette compagnie, probablement pour des motifs d’ordre financier, se défaisait de terres lui appartenant. Vaughan obtint une partie de la péninsule d’Avalon sise au sud d’une ligne s’étendant de la baie de Caplin à la baie de Plaisance (Placentia, T.-N.), selon la carte établie par John Mason (1625), et comprenant les havres très fréquentés de Ferryland, de Fermeuse et de Renewse. Le nom qu’il donna à son domaine témoignait de son idéalisme peu pratique ; il baptisa du nom de Cambriol ce coin qui devait constituer, dans le Nouveau Monde, un autre pays de Galles. Un passage tiré du livre The golden fleece trahit un enthousiasme empreint d’un excès d’optimisme : « Ce sera pour nous la Colchide, où la Toison dOr croissait sur le dos des brebis de Neptune pour y être sans cesse tondue. Ce sera l’Inde de la Grande-Bretagne, contrée aux richesses inépuisables. »

Il apparut clairement, dès la première année de colonisation, que Vaughan n’était pas l’homme qu’il fallait pour transformer ces rêves en réalité. Il envoya son premier groupe de colons à Renewse en 1617. Le nombre et la trempe de ceux-ci nous sont inconnus, mais, comme pionniers d’une région ingrate, ils se révélèrent absolument incapables de faire face aux difficultés. Sans compter qu’ils n’avaient, semble-t-il, aucun chef expérimenté, car Richard Whitbourne n’assuma son poste de gouverneur qu’en 1618. Il constata dès son arrivée que les colons ne s’étaient même pas bâti d’habitation, ayant passé l’hiver dans les cabanes de pêcheurs.

Whitbourne réussit à réorganiser l’établissement, mais, dès 1619, l’entreprise s’était effondrée et les colons avaient quitté Terre-Neuve. L’année suivante, Vaughan, « trouvant le fardeau trop lourd pour mes faibles épaules », assignait une partie de sa concession à Henry Cary, plus tard Lord Falkland. À l’instigation de son frère, le comte de Carbery, Vaughan céda par la suite une partie de ses terres à Sir George Calvert (futur Lord Baltimore). Vaughan gardait les terres situées au sud d’une ligne allant de Renewse à la baie de Plaisance. Vers 1621 ou 1622, il rétablit sa colonie de la baie des Trépassés, laquelle était, dit-on, prospère en 1624 ; mais on ne sait trop quel fut le sort de cette colonie par la suite.

Vaughan continua certainement à s’intéresser à Terre-Neuve. En 1625, il publiait, dans son Cambrensium Caroleia, la carte de l’île établie par John Mason ; Vaughan avait écrit ce livre pour célébrer l’accession de Charles Ier au trône d’Angleterre. L’année suivante paraissait The golden fleece, œuvre extraordinaire et qui fait nettement contraste avec les tracts de propagande plus prosaïques et plus pratiques rédigés par Whitbourne et Mason au sujet de Terre-Neuve. Son but était plutôt simple : Vaughan voulait favoriser la colonisation de l’île. À son avis, le succès d’une telle entreprise allait alléger le problème de surpeuplement de l’Angleterre, tripler le revenu provenant des pêcheries, qu’il estimait à £20 000, et accroître le commerce de façon générale.

À ces égards, The golden fleece ne s’écarte guère des autres écrits de propagande ; c’est plutôt le mode de présentation choisi par Vaughan qui a un caractère particulier. Il imagine Apollon se prononçant sur toutes les questions : religieuses, politiques, économiques et morales. La première partie du livre est surtout une diatribe contre le catholicisme ; la deuxième traite des maux qui affligent l’État et des remèdes à ces maux, tandis que la troisième examine les moyens d’obtenir des richesses pour restaurer les finances de l’État. C’est surtout dans cette troisième partie que l’auteur parle de Terre-Neuve. Vaughan invite ceux qui se sont le plus intéressés à la colonisation de l’île, entre autres John Guy et John Mason, à apporter leur témoignage au sujet des ressources actuelles et virtuelles de Terre-Neuve ; à démontrer, de fait, que c’est là que se trouve la toison d’or. S’ils n’ont rien d’original, une bonne partie des propos de Vaughan sont sensés et pratiques ; mais ces passages sont si bien dissimulés parmi des pages de fantaisie, d’allusions classiques, bibliques et historiques, et de diatribes violentes contre le catholicisme, que le document tout entier n’a guère de valeur comme instrument de propagande.

Un certain passage du livre The golden fleece donne à entendre que Vaughan a dû suspendre son œuvre de colonisation par suite d’un manque de fonds (sign. Blv). Deux ans plus tard, en 1628, l’ancien gouverneur de la plantation de Bristol, Robert Hayman, encourageait Vaughan à reprendre ses initiatives dans ce domaine ; il ajoutait que Vaughan s’était proposé de visiter lui-même la plantation, mais que la maladie l’en avait empêché. On a prétendu que Vaughan était déjà allé à Terre-Neuve – 1622 est la date ordinairement indiquée —, qu’il y écrivit The golden fleece et qu’il rentra en Angleterre en 1625 ou en 1626 (Prowse, History of Nfld., 111 ; DNB). Cette affirmation se fonde probablement sur la page de titre du livre The golden fleece, où il est dit que cette œuvre fut « rapportée de Cambriole-Colchide, soit de la partie la plus méridionale de l’île, ordinairement appelée Terre-Neuve ». Le livre étant écrit dans le genre noble, en un style fantastique et sous le pseudonyme d’Orpheus Junior, il semble probable que ce n’est là qu’une formule poétique qu’on ne doit pas prendre au pied de la lettre. Tant dans The golden fleece que dans The Newlanders cure (1630), Vaughan parle de son activité relative à Terre-Neuve et donne une foule de renseignements autobiographiques ; or, s’il était allé à Terre-Neuve, il l’aurait sûrement mentionné. D’ailleurs, en 1624 il était impliqué dans un procès devant l’Échiquier (PRO, E. 146/113, 21 James I). Ces deux faits, joints à la déclaration de Hayman, portent à croire que Vaughan n’est pas allé à Terre-Neuve, du moins pas avant 1628.

Cette année-là, Vaughan se trouvait en Irlande, où il fut créé chevalier. Il est bien possible qu’il ait visité Terre-Neuve par la suite, car, vers cette époque, il était parvenu à intéresser un nouveau groupe d’aventuriers à son projet, et en particulier son beau-frère, Sir Henry Salusbury, de Llewenni. Salusbury avait apparemment reçu de Lord Falkland une étroite bande de terre s’étendant vers le Nord depuis Fermeuse jusqu’à la limite des domaines de Lord Baltimore. Salusbury reçut des conseils de spécialistes en matière de plantation tels que John Guy, premier gouverneur de la colonie de Cuper’s Cove (Cupids), et Nicholas Guy, colon possédant une vaste expérience. Il n’avait encore rien fait en 1630 lorsque Vaughan publia The Newlanders cure. Cet ouvrage sur la médecine à l’intention des émigrants indiquait des remèdes contre les maladies telles que le scorbut et le mal de mer ; il fut peut-être inspiré par les souffrances que connurent les colons de Baltimore en 1628. On a dit que Vaughan avait passé les années 1628 à 1630 à Terre-Neuve (DNB ; Thomas, « Iscenum [...] » 121), mais, dans The Newlanders cure, il donne l’impression qu’il espère toujours y aller.

Il est plus que probable, cependant, que Vaughan passa le reste de sa vie au pays de Galles. Il avait convolé avec Anne, fille de John Christmas, de Colchester, et elle lui avait donné six enfants. Sur la fin de sa vie, il publia deux œuvres de caractère religieux ; il mourut au mois d’août 1641. Son testament fut homologué à Carmarthen le 27 août.

Comme promoteur d’entreprises coloniales, Vaughan ne parvint pas à réaliser ses espérances. Ses établissements, d’abord à Renewse puis à la baie des Trépassés, connurent une existence précaire, d’abord parce que l’argent manquait, mais aussi parce que, Richard Whitbourne mis à part, ils ne semblent pas avoir eu de gouverneur compétent et expérimenté. Il aurait fallu en trouver un, car Vaughan lui-même manquait de sens pratique et ne possédait pas, semble-t-il, les qualités nécessaires de meneur d’hommes et d’organisateur. Ses livres révèlent que bon nombre de ses projets étaient bien conçus. Il comprit que les pêcheries ne devaient pas être le seul soutien d’une colonie ; il aurait voulu que l’industrie, l’agriculture et la pêche fussent coordonnées de manière à assurer un revenu suffisant et du travail pour toute l’année. Mais il n’avait pas la compétence voulue pour mettre ses projets à exécution.

Il faut ajouter à la décharge de Vaughan qu’il manifestait de grandes qualités de persévérance et que, d’ailleurs, peu de ses contemporains colonisateurs connurent un bien grand succès à Terre-Neuve. Nous devons en outre à Vaughan quelques-uns des premiers écrits en langue anglaise sur l’Amérique du Nord.

Gillian T. Cell

Les ouvrages de Vaughan qui ont été publiés sont : ’Eρωτoπαίγνίoν pium (London, 1597) ’Eρωτoπαίγνίoν pium : Pars secunda (London, 1598) Poematum libellus (London, 1598) ; Speculum humane condicionis (London, 1598) ; The golden grove (London, 1660 ; 2nd ed., 1608) ; Natural and artificiall directions for health (London, 1600 ; 2nd ed., 1602 ; 3rd ed., 1607) ; Approved directions for health (4th ed., 1612), Directions for health (5th ed., 1617 ; 6th ed., 1626 ; 7th ed., 1633) ; The spirit of detraction conjured and convicted in seven circles (London, 1611 ; another issue, with the title The arraignment of slander, 1630) ; Cambrensium Caroleia (London, 1625 ; another issue, 1630) ; The golden fleece [Orpheus Junior, pseudo.] (London, 1626) ; The Newlanders cure (London, 1630) ; The church militant (London, 1640) ; The soules exercise (London, 1641).

National Library of Wales, MSS 1 595 E, 5 390 D.— Nottingham University, Middleton MSS, Mi X 1/51.— PRO, E. 146/113, 21 James I.— R. Eburne, A plaine path-way to plantations (London, 1624).— R. Hayman, Quodlibets, lately come over from New Britaniola (London, 1628).

Carmarthenshire Antiq. Soc. Trans., X (1914–15) : 70.— DNB.— Dictionary of Welsh Biography down to 1940, ed. J. E. Lloyd and R. T. Jenkins (London, 1959).— J. J. Jones, The golden fleece, Nat. Library Wales J., III (1943–44) : 58–60.— Northwestern University Graduate School, Summaries of doctoral dissertations, XVII (1949) : 30–34, résumé de : W. F. Marquardt, A critical edition of Sir William Vaughan’s The golden grove.— Prowse, History of Nfld.— Register of the University of Oxford (1571–1622), ed. C. W. Boase and A. Clark (2 vol., [II en 4 parties], « Oxford Hist. Soc. », 1884–89), II : parties 1–3.— W. A, Shaw, The knights of England (2 vol., London, 1906).— D. Ll. Thomas, Iscennen and Golden Grove, Honourable Soc. of Cymmrodorion Trans., 1940, 115–129.— E. R. Williams, Cambriol, the story of a forgotten colony, Welsh Outlook, VIII (1921) : 230–233.

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Gillian T. Cell, « VAUGHAN, sir WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/vaughan_william_1F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1966
Année de la révision:    1986
Date de consultation:    28 novembre 2024