TOURANGEAU (Guillet, dit Tourangeau), ADOLPHE (baptisé Adolphe-Elzéar), notaire, homme politique, homme d’affaires et fonctionnaire, né le 15 janvier 1831 à Québec, fils de Jean Guillet, dit Tourangeau, et d’Adélaïde Bernier ; le 28 octobre 1861, il épousa au même endroit Victoire-Adélaïde Jourdain ; décédé le 9 octobre 1894 dans sa ville natale.

On connaît peu de chose sur la jeunesse d’Adolphe Tourangeau. Il étudia au petit séminaire de Québec de 1841 à 1850, puis à la Quebec High School. Il fit ensuite son stage de clerc chez le notaire Louis Panet et, à l’âge de 24 ans, sortit de l’université Laval avec une formation en droit. On l’admit à la pratique du notariat le 5 novembre 1855. Sur le plan professionnel, il concilia le notariat et le domaine des assurances. Au début de sa carrière, il ouvrit un bureau dans la basse ville de Québec puis, en 1878, il s’installa rue Saint-Jean. De 1862 à 1883, il fut agent d’assurances, notamment pour la Compagnie provinciale d’assurance du Canada, l’Aetna Fire Insurance of Dublin et la Reliance Life Insurance Company of London.

Tourangeau s’aventura également dans les secteurs des brasseries, des finances et des transports, mais il eut peu de succès. En 1865, avec un associé, il mit sur pied la brasserie Tourangeau, Lloyd and Company, mais il l’abandonna l’année suivante, sans doute à cause d’une trop forte concurrence dans ce domaine. Administrateur par intérim à la Banque de Stadacona, l’un des administrateurs du chemin de fer de la rive nord, il fut également l’un de ceux du chemin de fer de Québec à Gosford, qui deviendra en 1875 le chemin de fer de Québec et du lac Saint-Jean.

Tourangeau devait surtout se faire connaître sur la scène politique municipale. D’abord conseiller du quartier Saint-Roch du 20 janvier au 3 juillet 1863, il fut désigné par ses collègues pour remplacer le maire Thomas Pope, mort en juin de cette année-là. Il remplit cette fonction jusqu’au 12 juillet 1866. Pendant son mandat, il s’attarda à réduire la dette municipale et à modifier le système de taxation. À l’instar de ce qui se faisait dans les villes de New York et de Boston, il espérait répartir les charges sur tous les biens meubles et immeubles et ensuite sur le revenu qui provenait du commerce. Ainsi les taxes ne seraient plus réglementées seulement en fonction de la propriété.

Sous Tourangeau, on mit sur pied un service régulier de traversiers entre Québec et Lévis et, contrairement à la pratique, on céda le contrat à un seul soumissionnaire. Le service de police fit également l’objet de modifications. Ainsi, dès 1864, le comité de police de Québec distinguait les pompiers des policiers. Ce comité, avec Tourangeau, changea les règlements du service afin de rendre plus efficace la protection des biens meubles au cours d’incendies et il augmenta le salaire des sapeurs.

En 1863, en voulant faire élargir toutes les portes de la ville, Tourangeau s’était attiré la contestation. Joseph-Édouard Cauchon*, entre autres, protesta dans le Journal de Québec, et la Scie illustrée présenta même une caricature du maire et de la porte Saint-Jean. C’est en réalité celle-ci qu’on allait modifier, ce qui amènerait du même coup l’élargissement de la rue Saint-Jean. Deux ans plus tard, Tourangeau reçut la permission de démolir la porte Saint-Jean et d’en construire une nouvelle avec quatre ouvertures, deux pour les voitures et deux pour les piétons.

Tourangeau chercha à améliorer le port de Québec en participant à la Commission du havre de Québec. En premier lieu, on prévoyait acheter certains quais afin de mieux recevoir les vapeurs transatlantiques. En second lieu, on projetait de construire un quai à l’est de l’entrée de la rivière Saint-Charles, en plus d’aménager un bassin pour le radoub. Tourangeau appuya aussi un projet d’amendement aux lois des banques, afin que ces sociétés puissent aider financièrement la construction navale. L’enjeu économique était essentiellement de répondre aux besoins des marchés de l’Ouest et des pays étrangers.

Le 10 janvier 1870, Tourangeau amorça un deuxième mandat à la mairie de Québec, qui allait se terminer le 2 mai suivant. Peu après son entrée en fonction, un projet de loi présenté à l’Assemblée législative de la province de Québec et qui visait à modifier les règlements du conseil municipal était accepté et mis en vigueur. Tourangeau devait donc briguer de nouveau les suffrages avec ses conseillers, en conformité avec cette nouvelle loi, mais contrairement aux années précédentes il appartenait désormais aux conseillers de choisir le maire. Tourangeau refusa d’abord, au début d’avril 1870, de signer les listes électorales sous prétexte qu’elles n’avaient pas été révisées. Il se présenta ensuite dans le quartier Saint-Roch, fut élu conseiller puis, subrepticement, au moment de la proclamation des élus le 2 mai, il prit possession de l’hôtel de ville avec quelques conseillers en alléguant que l’élection était nulle.

Tourangeau occupa l’hôtel de ville jusqu’au 4 mai. Le nouveau maire désigné le 2 mai, Pierre Garneau*, fit surveiller l’édifice par des policiers et demanda à Tourangeau de se rendre, mais en vain. Le 4 mai, Garneau fit venir deux compagnies du 69th Foot sous la direction du capitaine Pyke. Surpris de cette manœuvre, Tourangeau continua jusqu’au dénouement du drame à se croire « la seule personne investie par la loi avec tous les pouvoirs et privilèges [...] de maire de la ville et, par conséquent, son premier magistrat jusqu’à l’élection légale d’un successeur ». Après qu’on leur eut coupé les vivres puis qu’une bande de jeunes eurent forcé les portes de l’hôtel de ville, Tourangeau et ses collègues s’avouèrent vaincus. L’événement fut marquant. L’Opinion publique illustra même le siège de l’hôtel de ville dans son édition du 26 mai.

Résolu alors à quitter la scène municipale, Adolphe Tourangeau ne perdit pas pour autant son image publique. Il se tourna vers la politique fédérale qu’il avait déjà goûtée. Il s’était en effet présenté en 1863 sous la bannière libérale dans Montmorency contre Joseph-Édouard Cauchon, et encore en 1864, mais il n’avait pas été élu. Ses convictions politiques en avaient été ébranlées, et c’est comme candidat conservateur indépendant qu’il apparut dans Québec-Est à l’élection complémentaire des 14 et 15 juillet 1870. Son adversaire, Pierre-Vincent Valin, conservateur également, était secondé par Cauchon, François Evanturel, le Journal de Québec et le Canadien. Tourangeau, qui avait l’appui de l’organisation d’Hector Fabre* et de l’Événement, l’emporta par 175 voix. Aux élections générales de 1872, il fut le seul candidat de la circonscription ; sa victoire fut donc facile. Il siégea à la chambre des Communes de juillet 1870 jusqu’en janvier 1874. Cette année-là, il refusa de se présenter à cause du scandale du Pacifique [V. sir John Alexander Macdonald ; sir Hugh Allan*]. À l’élection complémentaire de 1877, Tourangeau possédait de nouveau une solide équipe : Hector-Louis Langevin*, Macdonald, Pierre Garneau, Joseph-Adolphe Chapleau. Mais, contre Wilfrid Laurier*, qu’entouraient Joseph Shehyn*, Henri-Gustave Joly*, Charles Langelier* et Honoré Mercier, Tourangeau dut s’incliner. Sans doute déçu par la politique, il retourna alors à son étude. Il y demeura jusqu’en 1883. Cette année-là, il devint maître de poste, fonction qu’il occupa jusqu’à sa mort survenue le 9 octobre 1894 à Québec.

Yves Hébert

AC, Québec, État civil, Catholiques, Saint-Roch, 12 oct. 1894 ; Minutiers, Adolphe Tourangeau, 1856–1893.— ANQ-Q, CE1-1, 28 oct. 1861 ; CE1-22, 15 janv. 1831.— ASQ, Fichier des anciens.— AVQ, Aqueduc, comité de l’aqueduc, procès-verbaux, 1857–1865 ; Police, comité de Police, procès-verbaux, 1859–1866 ; P17.— Comptes du trésorier de la cité et autres documents de la corporation de Québec pour l’année 1863 (Québec, 1864).— Le Journal de Québec, 9 juin 1863.— L’Opinion publique, 26 mai 1870.— Canadian directory of parl. (Johnson), 575.— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth), 2 : 477–478.— C. E. Goad, Insurance plan of the city of Quebec [...] (Québec, 1910).— Quebec directory, 1861–1890.— L.-M. Côté et al., les Maires de la vieille capitale.— J. [E.] Hare et al., Histoire de la ville de Québec, 1608–1871 (Montréal, 1987).— J.-C. McGee, Laurier, Lapointe, Saint-Laurent : histoire politique de Québec-Est (Québec, [1948]).— « Les Maires de la cité de Québec », BRH, 38 (1932) : 647–658.

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Yves Hébert, « TOURANGEAU (Guillet, dit Tourangeau), ADOLPHE (baptisé Adolphe-Elzéar) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/tourangeau_adolphe_12F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
Année de la révision:    1990
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