TESSIER, FRANÇOIS-XAVIER, médecin, apothicaire, aide-chirurgien, officier de milice, propriétaire d’un journal, rédacteur en chef, traducteur, fonctionnaire, homme politique et professeur, né le 15 septembre 1799 à Québec, fils de Michel Tessier, maître sellier et marchand, et de Josephte Huot Saint-Laurent ; décédé célibataire le 24 décembre 1835 à Québec.
Vers l’âge de 16 ans, François-Xavier Tessier commence ses études médicales. En mars 1820, après quatre ans d’apprentissage, il demande aux examinateurs en médecine du district de Québec l’autorisation de pratiquer comme chirurgien. Ceux-ci le jugent apte à le faire mais, un an et demi plus tard, tout en reconnaissant qu’il a fait des progrès considérables, ces mêmes examinateurs lui recommandent, afin qu’il soit admis à titre de médecin, de poursuivre ses études dans une université. Comme il n’existe pas de tels établissements dans le Bas-Canada à cette époque, Tessier se rend à New York où il se perfectionne pendant presque deux ans.
De retour au pays, Tessier est reçu médecin. En avril 1823, il devient apothicaire de l’hôpital des Émigrants à Québec, fonction qui lui donne la responsabilité de l’établissement en plus de lui assurer le gîte, la nourriture et un salaire de £50 pendant la saison de la navigation. Le jeune diplômé fait preuve de fermeté dans son administration. De fait, il reproche au très respectable docteur François Blanchet et à son confrère Joseph Parant* de ne pas observer les règlements de l’hôpital. Il chasse l’intendant et sa femme trouvés en état d’ébriété. Peut-être à cause de cette sévérité jugée excessive par certains, son engagement n’est pas renouvelé la saison suivante. Il est alors nommé aide-chirurgien du 1er bataillon de milice de la ville de Québec.
En janvier 1826, Tessier fait paraître à Québec le premier numéro du Journal de médecine de Québec. Ce jeune audacieux espère faire de son bimensuel le lien par excellence du corps médical au Bas-Canada. Il veut également fournir à ses confrères le moyen de « communiquer avec les maîtres de l’art » dans les deux hémisphères. Enfin, il souhaite détruire parmi la population les préjugés « qui paralysent sans cesse le zèle du Médecin Canadien ». Mais, faute d’encouragement, le journal cesse de paraître en octobre 1827.
L’année suivante, Tessier retourne à New York et y demeure jusqu’au printemps de 1830. Pendant son séjour, il collabore à un journal new-yorkais et publie une traduction anglaise de Thérapeutique, de Louis-Jacques Bégin, qu’il augmente de nombreuses notes. À la même époque, il publie un prospectus annonçant la parution du Journal des sciences naturelles de l’Amérique du Nord, qui devrait être considéré, écrit-il, comme la suite du Journal de médecine de Québec. Il traitera de botanique, d’histoire naturelle, de chimie, de minéralogie, de pharmacie et bien entendu de médecine et de chirurgie. Publié à New York, il s’adressera à « l’immense population Française disséminée sur tous les points de l’Amérique ». Contrairement au Journal de médecine de Québec qui était bilingue, cette publication sera entièrement française, « cette langue [étant] la seule parmi les [langues] modernes qui [soit] appropriée à toutes les sciences, il est évident qu’aucune d’elles, surtout la langue Anglaise, n’est propre à devenir son interprète ». Assuré de la réussite de son projet, Tessier ne craint pas d’annoncer la parution de volumes de 300 pages tous les 3 mois. Son succès n’est toutefois pas à la mesure de sa témérité, car le journal ne voit jamais le jour. Cette tentative prouve cependant la détermination de Tessier, surtout après l’échec de sa première expérience dans le domaine du journalisme médical.
De retour au Bas-Canada, Tessier est nommé par le gouverneur, le 7 juillet 1830, sur la recommandation de Louis-Joseph Papineau* diront certains, officier de santé du port de Québec. Le même été, il devient administrateur du nouvel hôpital pour les « fiévreux » établi à Pointe-Lévy (Lauzon et Lévis). Il exerce ces deux fonctions dans des conditions extrêmement difficiles, créées par l’arrivée de dizaines de milliers d’immigrants victimes de la faim et de maladies contagieuses. En octobre 1831, au moment où l’on redoute une épidémie de choléra, Tessier, à la demande de la chambre d’Assemblée, retourne à New York afin de se renseigner sur l’organisation d’un service de santé et de quarantaine dans un grand port.
Malgré les mesures prises, le choléra se déclare à Québec en juin 1832 et se répand rapidement dans tout le pays. Le bureau de santé est très vite dépassé par la violence du fléau. Les récriminations pleuvent. Le bureau de santé reporte le blâme sur Tessier qui n’aurait pas respecté les directives qu’il recevait. Au mois d’octobre, il est suspendu et finalement destitué de sa fonction d’officier de santé. Mais les raisons invoquées par le bureau de santé sont douteuses, et deux enquêtes instituées par la chambre d’Assemblée font ressortir leur aspect partisan. Le bureau de santé peut difficilement cacher les motifs qui l’animent. En effet, à cette époque, Tessier songe sérieusement à briguer les suffrages sous la bannière du parti patriote. Or plusieurs membres du bureau de santé appuient le parti adverse et profitent de la situation pour régler leur compte politique. Auparavant, selon le peintre Joseph Légaré*, le bureau de santé avait fermé l’hôpital de Pointe-Lévy dans le but « de persécuter le [docteur Tessier] chargé du soin de cet Hôpital ».
En juillet 1832, des élections sont annoncées dans la circonscription de Dorchester à la suite du décès du député Louis Lagueux, mort du choléra. Tessier pense s’y présenter, mais il retire bientôt sa candidature. En août de la même année, la mort de Thomas Lee ouvre la circonscription de la Basse-Ville de Québec, et Tessier se porte candidat. Il publie même une adresse aux électeurs dans le Canadien. Comme la fois précédente, il se désiste. Il dira plus tard que l’hostilité de membres du bureau de santé, qui étaient « aussi [ses] adversaires politiques », l’avait placé dans une situation si inconfortable « que c’ [était] une des principales causes qui [l’] avaient engagé à [se] retirer d’une lutte, dont [il] avai[t] tout espoir de sortir triomphant ». La raison principale de son désistement réside peut-être dans l’attitude de plusieurs députés patriotes qui lui reprochent d’être un fonctionnaire très bien rémunéré. Aussi, sa présence en tant que candidat aurait divisé le vote patriote. Un an plus tard les circonstances changent. Tessier, qui a perdu son emploi à cause de ses amitiés politiques, est maintenant considéré comme une victime du gouverneur et de son entourage. Aussi, lorsqu’une vacance se présente dans la circonscription de Saguenay, le Canadien n’hésite pas à appuyer sa candidature, le présentant sous les traits d’un patriote honnête et éclairé. Le 24 octobre 1833, Tessier est élu avec une confortable majorité.
Tessier a joué un rôle important dans le domaine médical. À la suite de la nouvelle loi médicale adoptée au début de 1831, qui modifiait le mode de nomination des membres des bureaux d’examinateurs en médecine du Bas-Canada, il est élu membre de celui de Québec où il se montre très actif. Chargé avec quatre des principaux médecins de Québec de la rédaction des règlements internes, nommé secrétaire après le décès de Charles-Norbert Perrault, mort aussi du choléra, il participe à la majorité des comités créés par le Bureau d’examinateurs, dont celui qui étudie les ravages du charlatanisme et celui chargé de visiter les boutiques d’apothicaires. En juillet 1834, le conseil de ville de Québec le choisit, sur la recommandation du Bureau d’examinateurs, comme médecin de l’hôpital de la Marine et des Émigrés. De plus, Tessier a participé à la fondation de la Société médicale de Québec en 1826. D’abord secrétaire, puis président, il y a présenté plusieurs communications dont une sur les relations entre les maladies pulmonaires et la puberté précoce. L’année suivante, il a compté parmi les fondateurs de la Société pour l’encouragement des sciences et des arts en Canada. Il en est devenu ensuite le secrétaire général et l’un de ses plus zélés propagandistes.
Malgré ses multiples activités, Tessier trouve le temps d’enseigner la médecine. Pendant l’épidémie de choléra de 1832, il offre, avec l’assistance de tous ses élèves, de soigner la moitié des malades de l’hôpital temporaire des cholériques. Une de ses préoccupations majeures est la création d’une société pour l’encouragement de la vaccination contre la variole chez les pauvres. Ses désirs ne se réalisant pas, il organise une clinique de vaccination en novembre 1833, à son domicile de la rue Saint-Joseph, avec l’aide d’étudiants en médecine.
Il est difficile de cerner les théories et les principes qui guident la pratique de Tessier. Le catalogue de sa bibliothèque, les textes qu’il a publiés dans le Journal de médecine de Québec et les notes ajoutées à sa traduction de l’ouvrage de Bégin permettent cependant de connaître ses maîtres et ses préoccupations. Dans sa bibliothèque, les principaux journaux médicaux d’Angleterre et des États-Unis voisinent avec les ouvrages des plus célèbres médecins français du temps : Marie-François-Xavier Bichat, Jacques-Mathieu Delpech et François Broussais qui, selon Tessier, ont complètement régénéré la science médicale, et Philippe Pinel, qui a humanisé le traitement des malades mentaux. Tessier déplore d’ailleurs les conditions dans lesquelles vivent ces derniers au Canada. Dans son journal, à ces illustres Français, il ajoute les noms de Guillaume Dupuytren et de François Magendie. Il considère l’Américain Benjamin Rush, qui influença beaucoup la médecine de son époque, comme l’un des plus savants médecins de son temps. Il recommande inlassablement à ses confrères d’oublier « l’esprit de système » et d’observer la nature. Il lutte contre les préjugés et « l’ancienne routine » enracinés surtout chez les paysans, qui sont des obstacles au progrès de la médecine et l’humus propice au charlatanisme.
Dans la controverse qui partage les médecins d’Occident sur la nature contagieuse du choléra, Tessier se range du côté de ceux qui croient que cette maladie ne l’est pas. Son apparition résulterait plutôt, comme pour la rougeole et la peste, « d’une condition particulière de l’atmosphère ». Il admet cependant le caractère contagieux de la variole et de la syphilis. À l’instar de la majorité de ses confrères, il explique l’origine des fièvres par la théorie des miasmes.
Tessier admirait Jean-Jacques Rousseau et croyait en la bonté originelle de l’homme. Il lisait Rabelais, Voltaire et Diderot. Comme plusieurs représentants patriotes, il semblait admirer la république voisine, guidée « par le génie de la liberté ». Il partageait avec quelques amis une grande confiance dans le progrès de l’humanité et se méfiait des interventions de l’État dans le domaine social.
Actif et ambitieux, François-Xavier Tessier aurait sans doute atteint une position très enviable si la mort, après une longue maladie, n’était venue interrompre sa brillante carrière. Papineau, qui assistait à ses funérailles, regrettait la perte de cet « homme de génie d’une ardeur sans égale ».
La traduction que François-Xavier Tessier a faite de l’ouvrage de Louis-Jacques Bégin a paru sous le titre de The French practice of medecine [...] (New York, 1829). Tessier est aussi l’auteur de : Précis d’un discours [...] le 4 janvier 1832 [...] contenant l’éloge historique de feu J. Labrie, écuïer, médecin et membre du Parlement provinciale, etc. (Québec, 1832).
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Gilles Janson, « TESSIER, FRANÇOIS-XAVIER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/tessier_francois_xavier_6F.html.
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Auteur de l'article: | Gilles Janson |
Titre de l'article: | TESSIER, FRANÇOIS-XAVIER |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
Année de la révision: | 1987 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |