Titre original :  Peter Wesley, Stoney, at Banff, Alberta. Image courtesy of Glenbow Museum, Calgary, Alberta.

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TAOTHA (Ta Otha, Ta-Otha, Ta-o-otha, Ta’Otha, qui signifie « grand chasseur » ; né Peter Wesley), chasseur et chef stonie, né vers 1841 dans les plaines Kootenay (Alberta), fils de Gaotadohâ (qui signifie « [celui qui] marche contre le vent » ; appelé John Wesley) ; il épousa une prénommée Mary, et ils eurent plusieurs fils et filles ; décédé le 1er mai 1935 près de Nordegg, Alberta.

Peter Wesley naquit durant la décennie où le missionnaire méthodiste Robert Terrill Rundle* évangélisait les peuples autochtones des contreforts des montagnes Rocheuses. Il était le petit-fils de l’éminent chef stonie Man Who Walks against the Wind, auquel un missionnaire méthodiste – peut-être Rundle ou son converti, Benjamin Sinclair – avait donné le nom anglais de John Wesley. Selon la tradition familiale, Peter assista à des discussions sur un traité à Blackfoot Crossing en 1877 [V. John Chiniquay* ; Ozîja Thiha*], et servit de messager entre les négociateurs et le camp stonie situé trois milles en amont. En vertu du traité no 7, les bandes Bearspaw et Chiniki et la bande de Jacob furent affectées à une réserve aux environs de Morleyville (près de Morley), arpentée initialement en 1879, où leurs membres reçurent des instruments aratoires, des semences et du bétail pour qu’ils puissent devenir fermiers.

Wesley apparut pour la première fois sur la liste des membres de la bande de Jacob en 1884, avec une famille de huit personnes. À l’évidence, il s’était établi dans la réserve au début des années 1880. Il commença à y élever du bétail et des chevaux tout en continuant de chasser et de piéger. Il mérita le nom honorable de Taotha dès son jeune âge. John Lee Laurie, instituteur de Calgary et observateur bienveillant de la vie des Stonies, rapporte que, dans sa jeunesse, Wesley « était considéré comme un grand chasseur au sein d’une tribu de chasseurs chevronnés et, pour cette raison, reçut le nom de “Tueur d’orignaux” [traduction de Laurie pour Taotha]. Il ne serait pas inapproprié de dire qu’il était un “professionnel parmi les professionnels”, réputation qu’il garda jusqu’à ce que son âge avancé ne lui permette plus de voir nettement les cibles dans la mire de sa carabine. »

Pendant les années 1880 et 1890 ainsi que pendant la première décennie du xxe siècle, les Stonies connurent une période de changements radicaux, car ils furent obligés de s’adapter aux nouvelles réalités de la vie dans une réserve, sous l’autorité d’un agent des Affaires indiennes et en présence d’une population grandissante de missionnaires, d’enseignants, d’éleveurs de bétail, d’officiers de la Police à cheval du Nord-Ouest et de promoteurs commerciaux, tant dans la réserve que sur leurs terres ancestrales des contreforts. Le milieu des années 1880 amena le chemin de fer canadien du Pacifique, dont la ligne principale traversait la réserve. En outre, le parc canadien des montagnes Rocheuses (qui deviendrait le parc national Banff), créé en 1887 [V. William Pearce*], empiéta de plus en plus sur les territoires de chasse traditionnels des Stonies, en particulier après qu’il eut été considérablement agrandi en 1902.

Laurie décrit Taotha comme un « homme indépendant dans ses actes et sa pensée. Les contraintes l’ennuyaient et il devint naturellement agacé par les nombreuses tracasseries et restrictions de même que par le confinement dans la réserve, les lois de l’époque sur la chasse et l’encerclement graduel par des colons blancs. » À Morley, la réserve était petite et une grande partie des terres était impropre à la culture. Il y eut manifestement des frictions entre Taotha et le vieux chef, Ki-chi-pwot (Jacob Goodstoney ou Big Stony), et une « dispute avec l’un des superviseurs » (peut-être William Graham ou Peter Lewis Grasse, les instructeurs agricoles). À la suite de la rébellion du Nord-Ouest, en 1885 [V. Louis Riel*], le gouvernement fédéral avait commencé à mettre en vigueur un système selon lequel les autochtones devaient se procurer un laissez-passer auprès de l’agent des Affaires indiennes avant de quitter leur réserve [V. Hayter Reed]. Ce règlement représentait une menace constante pour les Stonies, qui chassaient toujours le gros gibier dans les contreforts.

Au début des années 1890, Taotha aurait dit à l’agent local : « Mes enfants ont faim ; ils pleurent la nuit. Mes jeunes hommes ont l’estomac vide et il n’y a pas de viande dans mon campement. Les miens et moi retournons donc aux plaines Kootenay. Là, nous aurons de la viande et les enfants deviendront gras et heureux. L’herbe y pousse pour nos chevaux et, l’hiver, la neige ne recouvre pas [la terre]. » Il devint le fer de lance d’un mouvement dont les membres souhaitaient revenir sur les terres ancestrales de la bande, désormais appelée la bande de Jonas, en l’honneur du chef Jonas Goodstoney, frère de Jacob, au bord de la rivière Saskatchewan-du-Nord. Vers 1894, Taotha mena un groupe d’environ 100 personnes vers le nord pour chasser. D’après les rapports des agents des Affaires indiennes, il est clair qu’à cette époque il vivait une partie de l’année à Morley où, en 1897, il possédait « un troupeau de plus de 70 bovins, outre un certain nombre de chevaux ; il a[vait] bâti une jolie maison d’un étage et demi munie de bonnes fenêtres, de portes à panneaux et d’un toit de bardeaux ». Dans le rapport de cette année-là, le fermier en chef à la réserve fait observer qu’une fois la saison des récoltes terminée, au début de septembre, les Stonies « partent pour leur chasse annuelle, qui dure de trois à cinq mois. Grâce à cette chasse, ils subviennent à leurs propres besoins pendant [qu’ils sont] à l’extérieur et, à leur retour, ils apportent des quantités de précieuses fourrures qu’ils vendront aux trafiquants en échange de vêtements, de provisions et de munitions. » Pour les membres de la bande, la migration annuelle vers le nord en vint à symboliser une évasion de la réserve, à tout le moins temporaire, et la reprise d’un mode de vie traditionnel.

Taotha continua de raffermir sa réputation de chasseur qui fournissait aux autres familles de la viande rapportée de ses expéditions. Il fut élu chef après la démission de Jonas Goodstoney et la bande fut connue sous le nom de Wesley. Il garderait cette position de 1904 jusqu’à sa mort, en 1935. Le missionnaire méthodiste John W. Niddrie commenta : « Peter était un homme d’une énergie, d’une ambition et d’un sens de l’économie indomptables. Ce fut tard dans la vie qu’il accéda au titre de chef, mais nous sommes certains qu’il fit tout [ce qui était] en son pouvoir pour aider sa bande. » On se souvient de lui comme d’un chef spirituel compatissant et digne de confiance qui nourrissait des convictions chrétiennes et traditionnelles, et observait les usages des deux religions. Son legs est important. En 1907, de concert avec le chef stonie Moses Bearspaw, il en appela au gouvernement fédéral contre une nouvelle loi provinciale sur la chasse qui limitait les chasseurs à « un orignal, un caribou, un chevreuil » et exigeait qu’ils se procurent un permis moyennant des frais. Sous la direction de Taotha, la bande Wesley adressa plusieurs pétitions aux autorités en vue d’obtenir des terres pour la réserve dans les plaines Kootenay et gagna même la sympathie du représentant des Affaires indiennes, David Laird*, en 1909. L’année suivante, le ministère de l’Intérieur accepta d’établir une réserve de 23 000 acres, mais l’arpentage en fut annulé en 1911 quand la réserve forestière des montagnes Rocheuses fut créée à partir d’un territoire qui avait été un parc [V. Frank Oliver] et incluait dans ses limites la région destinée à la réserve. Taotha joua un rôle de premier plan pour convaincre le gouvernement de réserver un territoire supplémentaire de 12 743 acres pour les Stonies au nord de Morley en vue de constituer la réserve indienne de Rabbit Lake en 1914, mais la réserve Big Horn de 5 000 acres, près de Nordegg, ne verrait le jour qu’après sa mort.

Homme à « l’allure quelque peu sévère » selon Laurie, Taotha participait chaque année aux populaires Banff Indian Days, tenus pour la première fois en 1894, pour lesquels il revêtait ses plus beaux habits de cérémonie. Il fut souvent photographié à cheval, en tête du défilé coloré qui s’ébranlait au Banff Springs Hotel et traversait la ville. Les célébrations, d’une durée d’une semaine, étaient parrainées par les commerces locaux à titre d’attraction touristique, mais elles comprenaient des activités traditionnelles, telles que des cérémonies spirituelles qui, pour la communauté stonie, reflétaient le respect de soi, la fierté et l’autonomie qu’incarnait Taotha.

Déjà avancé en âge, Taotha continua de relever de nombreux défis. Comme Laurie le relata, les parcs nationaux, réserves forestières, mines de charbon et chasseurs de gros gibier restreignaient tous la vie de son peuple. Mais la plus grande menace vint de la Loi des ressources naturelles de l’Alberta de 1930, qui transféra la mainmise des ressources naturelles à la province. Des membres de la bande craignirent alors d’être évincés de leurs terres et de ne plus pouvoir chasser ni piéger. De plus, on projetait de construire une nouvelle autoroute qui traverserait leur territoire.

Taotha avait aidé sa bande à faire face à de nombreux et profonds changements avant de mourir, bien au delà de ses 90 ans, en mai 1935. L’Edmonton Bulletin résuma son héritage comme suit : « un autre lien avec le passé a été perdu avec la mort du chef Peter Wesley […] Homme de caractère fort et énergique, il travailla toujours avec le ministère des Affaires indiennes pour le progrès de son peuple et était un fervent chrétien et un grand leader […] Peter était un Indien de l’ancienne école et n’a jamais appris à parler anglais. » Pourtant, il envoya au moins deux de ses fils à l’école. Pour son peuple, il symbolisa les efforts pour préserver le mode de vie autochtone et pour équilibrer le christianisme introduit par les missionnaires et les colons avec des valeurs spirituelles traditionnelles. Ses obsèques se déroulèrent selon l’ancienne coutume stonie et il fut inhumé dans le cimetière du groupe près de la rivière Bighorn, « avec vue sur les montagnes qu’il connaissait depuis si longtemps ». En 1994, année présumée du centième anniversaire de la première excursion de Taotha vers le nord, des membres de la communauté stonie refirent le voyage. L’école communautaire ouverte dans la réserve Big Horn en 2009 porte son nom.

En collaboration avec Ian A. L. Getty

Nous tenons à souligner la précieuse collaboration de Lloyd (Buddy) Wesley, chercheur de la Première Nation Chiniki et arrière-petit-fils de Taotha.

Les écrits de John Lee Laurie, conservés dans son fonds aux GA à Calgary, présentent le portrait le plus complet de Taotha. Laurie a rédigé une histoire du peuple stonie et a écrit de nombreux articles et récits fondés sur des témoignages oraux des aînés (M 656, files 18, 22 et 25), dont certains ont été publiés dans Canadian Cattlemen (Calgary) entre 1950 et 1958. Il a établi le profil de Taotha dans « Peter Wesley : the rebel », dans « The Stony [Stoney] Indians of Alberta » (M 4390, vol. 1 : 71–75), et dans l’article « Home on the Kootenay Plains », Canadian Cattlemen, 13 (1950), no 8 : 22–23. Plusieurs journaux de l’Alberta ont fait l’éloge de Taotha après sa mort ; la notice nécrologique la plus détaillée est « Aged Stony chief dies at Nordegg », Edmonton Bulletin, 2 mai 1935.

Albertan (Calgary), 14 juill. 1933.— Edmonton Journal, 7 août 1994.— Mountaineer (Rocky Mountain House, Alberta), 10 août 1994, 5 mai 2009.— Theodore (Ted) Binnema et Melanie Niemi, « “Let the line be drawn now” : wilderness, conservation, and the exclusion of aboriginal people from Banff National Park in Canada », Environmental Hist. (Durham, N.C.), 11 (2006) : 724–750.— Canada, Parl., Doc. de la session, 1896–1915 (rapports du dép. des Affaires indiennes, 1894–1914).— J. W. Niddrie, Niddrie of the North-West : memoirs of a pioneer Canadian missionary, J. W. et J. J. Chalmers, édit. (Edmonton, 2000), 62–63.— John Snow, These mountains are our sacred places : the story of the Stoney Indians (Toronto et Sarasota, Fla, 1977).— Treaty 7 Elders et al., The true spirit and original intent of Treaty 7 (Montréal et Kingston, Ontario, 1995).

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En collaboration avec Ian A. L. Getty, « TAOTHA (Ta Otha, Ta-Otha, Ta-o-otha, Ta'Otha) (Peter Wesley) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/taotha_16F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2017
Année de la révision:    2017
Date de consultation:    28 novembre 2024