SWITZER, MARTIN, fermier, forgeron et rebelle, né le 9 janvier 1778 à Newpark Farm, paroisse de Kilcooly, comté de Tipperary (république d’Irlande), sixième enfant de John Switzer et de sa deuxième femme, Anne Ryan ; le 22 février 1803, il épousa Mary Maurice, et ils eurent trois filles et quatre fils ; décédé le 26 février 1852 à St Charles, Illinois.

En juillet 1804, Martin Switzer et sa famille partirent de Dublin à bord de l’Atlantic, à destination de Boston ; la liste des passagers le décrivait comme un travailleur de 28 ans, blond, mesurant cinq pieds dix pouces. La famille s’établit d’abord dans le Maine, puis, en 1808, elle alla se fixer dans le New Jersey, où Martin exerça son métier de forgeron. Le sentiment antibritannique qui suivit la guerre de 1812 amena la famille à se joindre à un groupe d’immigrants irlandais, déçus eux aussi de la république américaine, et qui allaient s’installer dans le Haut-Canada. Le 21 avril 1819, les chefs du groupe envoyèrent à sir Peregrine Maitland une pétition pour obtenir des terres, et, le 18 septembre, on concédait à Switzer la partie ouest du lot 11 du rang 5 ouest, près de Streetsville (Mississauga). En plus de défricher sa terre et de la cultiver, Switzer tint une forge. Il devint aussi un meneur qui faisait de l’agitation en vue d’obtenir des améliorations dans la région ; en 1832, puis de nouveau en 1835, son nom se trouva en tête des pétitions demandant à la chambre d’Assemblée du Haut-Canada de l’argent pour des routes. Lorsqu’il se plaignit à des fonctionnaires d’York (Toronto) que les colons ne recevaient presque aucun service en retour de l’argent des impôts perçus, on lui répondit que de tels propos étaient séditieux.

En politique, Switzer appuyait les réformistes. Au cours des élections de 1834, William Lyon Mackenzie, candidat dans la circonscription de 2nd York qui comprenait Streetsville, demeura à titre d’invité dans la maison des Switzer au moment du scrutin. Deux ans plus tard, Mackenzie se porta de nouveau candidat dans cette circonscription, et, le jour de la mise en candidature, une rangée d’orangistes bloqua le passage du chef réformiste pour l’empêcher de faire enregistrer sa candidature. Switzer, le forgeron musclé, ouvrit alors le chemin à coups d’épaule au chef radical qui était de très petite taille. Cet incident et son amitié pour Mackenzie valurent à Switzer l’hostilité de ses voisins tories.

En 1837, comme les nouvelles de l’insurrection à Toronto se répandaient, Switzer, qui craignait pour sa sécurité, quitta sa maison à quatre heures, le matin du 7 décembre, et se dirigea vers la frontière du Niagara et le territoire américain. Au cours d’une rencontre à l’hôtel de Caleb Hopkins*, à Nelson (Burlington, Ontario), avec Charles Morrison Durand, celui-ci émit l’opinion que Mackenzie disposait de plus de 4 000 hommes et avait probablement pris Toronto, ce qui amena Switzer à changer de direction et de but. Il décida de se rendre à cheval dans le canton de Yarmouth, pour y rencontrer une communauté de quakers américains où les hommes, durant les semaines précédentes, avaient fait montre d’activisme en portant des armes lors de rassemblements politiques. Switzer voulait fomenter un soulèvement armé en faveur des rebelles de Toronto. Il arriva dans le village de Sparta le soir du samedi 9 décembre et trouva le climat propice à la rébellion. Au cours des quelques jours qui suivirent, il prit la parole lors de deux assemblées publiques et exhorta les jeunes gens à se joindre aux patriotes du docteur Charles Duncombe*, à Scotland. Il affirma que Toronto pourrait bien être tombé aux mains de Mackenzie et qu’il y aurait peu ou pas de combats, ajoutant que les hommes de la région devaient sortir pour manifester leur solidarité et pour assurer la rébellion. Il prévint aussi ses auditeurs que les tories pourraient bien inciter les Indiens à attaquer les colons sans défense, et il les invita à lui « mettre la tête sur le billot et à la lui couper », s’ils pensaient qu’il les avait trompés.

À midi, le 12 décembre, 56 « Spartan Rangers » se mirent en marche sous le commandement du capitaine David Anderson et du lieutenant Joshua Gwillen Doan*. La compagnie comprenait, en plus de Doan, plusieurs autres quakers qui avaient choisi de passer outre aux préceptes pacifiques de leur religion. Les rangers passèrent la nuit à Richmond (Bayham), où deux hommes vinrent à cheval du canton de Yarmouth les avertir qu’une compagnie de cavalerie loyaliste de St Thomas pourrait être à leur poursuite. Partis tôt, ils évitèrent de justesse d’être pris par surprise sur la route Talbot par des miliciens qui avaient marché toute la nuit à partir de Port Burwell. La compagnie arriva au campement de Duncombe le 13 décembre, quelque temps après Switzer et peu avant que le docteur apprenne la défaite de Mackenzie six jours plus tôt et ordonne la retraite. La plupart des rangers furent capturés en traversant le ruisseau Big Otter, près de Richmond, et 23 d’entre eux furent accusés de haute trahison. Un jeune prisonnier déclara que n’eût été du « vieux Switzer [...] pas un homme ne serait parti de Yarmouth ».

Dans l’intervalle, Switzer retourna chez lui à la faveur de la nuit et constata que des membres du comité de surveillance avaient détruit une partie de sa maison et chassé son bétail. Il s’enfuit de nouveau, cette fois-ci pendant trois semaines, et resta ensuite caché à la maison jusqu’en avril ; la nouvelle que Samuel Lount* et Peler Matthews* avaient été pendus à Toronto lui inspira une telle frayeur qu’il s’enfuit aux États-Unis, où il acheta une ferme dans l’Illinois.

À la mi-août, quand Switzer réapparut pour vendre sa ferme de Streetsville, le colonel William Chisholm ordonna son arrestation pour trahison. Emmené à la prison de Toronto, Switzer consulta George Ridout* sur la meilleure façon de se disculper de cette accusation. Le 5 septembre, Switzer, ne tenant pas compte de Ridout qui lui conseillait de passer en jugement, adressa à sir George Arthur un appel à la clémence accompagné d’un récit destiné à se faire passer pour un réfugié politique qui, à son arrivée dans le canton de Yarmouth, avait été beaucoup plus un observateur qu’un fauteur de rébellion. Le procureur général, Christopher Alexander Hagerman*, recommanda son bannissement. Le Conseil exécutif était convaincu que le prisonnier s’était rendu coupable d’actes de trahison, mais il se sentit contraint de suivre la tendance de lord Durham [Lambton*] à se montrer clément dans les causes politiques. Gracié à la condition de verser une caution de 4 000 $ pour ne pas troubler l’ordre public pendant trois ans, Switzer fut remis en liberté le 28 septembre.

Mary Switzer avait déjà commencé le long voyage vers l’Illinois avec trois chariots et un troupeau de vaches laitières, qui servirent de base à ce qui allait devenir une prospère entreprise laitière et fromagère. Le 7 décembre 1838, en exil, Martin Switzer écrivit à son ami Mackenzie : « Nous avons commencé la partie au Canada. Nous avons fait un mauvais début, mais je m’attends à une fin heureuse et ce, avant longtemps. »

Bruce Peel

AO, MS 516, Martin Switzer à W. L. Mackenzie, 7 déc. 1838, 4 nov. 1839, 19 févr. 1840.— APC, RG 1, E3, 84 : 206–212 ; RG 5, A1 : 98959–106686, 113188–113193 ; B36, 1–2.— Guillet, Lives and limes of Patriots.— Read, Rising in western U.C.

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Bruce Peel, « SWITZER, MARTIN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/switzer_martin_8F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
Année de la révision:    1985
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