STINSON, JOSEPH, ministre méthodiste, baptisé le 1er mars 1802 à Castle Donington, Leicestershire, fils de William Stinson et de Mary Cheatle ; il épousa la fille du révérend John Chettle en 1829 ; décédé le 26 août 1862 à Toronto, Haut-Canada.
Joseph Stinson, membre instruit d’une famille méthodiste, fut recruté comme missionnaire par la Wesleyan Methodist Missionary Society et envoyé en 1823 à Melbourne, Bas-Canada. De 1823 jusqu’à sa mort, sauf durant quelques intervalles, Stinson fut un participant actif et influent au développement du méthodisme dans le Haut et le Bas-Canada ; il fut étroitement mêlé à la structuration du réseau complexe de relations entre les assemblées méthodistes du Canada et de l’Angleterre.
L’Église épiscopale méthodiste aux États-Unis fut à l’origine de l’expansion du méthodisme dans le Haut-Canada, dont elle prit la direction. Les sociétés du Bas-Canada, cependant, s’en étaient remises en 1821 à la surveillance de la Conférence anglaise et de son agence, la Missionary Society, en vue de mettre un terme à la rivalité dans les domaines communs entre les conférences américaine et anglaise. En 1828, à la suite d’une prise de conscience canadienne, la Conférence du Haut-Canada devint indépendante de l’Église américaine. Néanmoins, un conflit se développa dans le Haut-Canada par suite des efforts constants de la Conférence anglaise en vue de s’assurer une mainmise efficace sur les sociétés méthodistes canadiennes. Il existait des différences dans l’organisation de l’Église, qui furent cause de conflit, la Conférence wesleyenne d’Angleterre étant essentiellement une oligarchie cléricale, alors que l’Église méthodiste aux États-Unis s’administrait par l’intermédiaire de ses conférences, l’autorité exécutive incombant à ses évêques et ses ministres. Le problème le plus aigu fut posé par la Conférence britannique qui voyait dans le méthodisme un moyen de promouvoir et de consolider la fidélité à l’empire et à la couronne, et les Églises établies. Les missionnaires britanniques et beaucoup d’immigrants anglais regardaient les Canadiens d’origine comme des Américains et, par conséquent, mettaient leur fidélité en doute. Stinson pensait que « le caractère politique » des Canadiens était « fort répréhensible ». Les leaders méthodistes canadiens, tels que James Richardson*, au contraire, étaient d’avis qu’ils étaient fidèles à leur héritage britannique mais qu’il était capital d’interpréter et d’adapter cette tradition à la lumière des besoins et des intérêts du Haut-Canada.
Dans un effort pour collaborer harmonieusement entre elles, et à l’instigation du ministère des Colonies, les conférences canadienne et anglaise s’unirent en 1833 [V. John Ryerson*]. Stinson fut nommé surintendant des missions dans le Haut-Canada, fonction qu’il occupa jusqu’à la dissolution de l’union en 1840. Pendant ces années, Stinson participa activement à la formation des missions indiennes et, à titre de représentant permanent de la Conférence anglaise, joua un rôle prépondérant dans les relations tendues entre les deux conférences.
La Conférence canadienne, l’américaine et l’anglaise furent d’accord sur l’importance de christianiser et de civiliser les Indiens. La Conférence canadienne, stimulée particulièrement par William Case*, avait entrepris dès 1833 un travail missionnaire considérable auprès des tribus indiennes dispersées dans les régions du sud et du nord de l’Ontario. Son œuvre, partiellement financée après 1833 par des subventions gouvernementales, se caractérisa par des efforts soutenus pour convertir les Indiens aux principes et aux pratiques méthodistes et, partout où c’était possible, pour fonder des établissements modèles dans lesquels, par l’éducation et l’exemple, on les encouragerait à s’établir à demeure, à s’adonner à l’agriculture et à donner à leurs enfants la possibilité d’acquérir des rudiments de métiers et une certaine instruction. Ce faisant, les méthodistes furent amenés à entretenir des relations fréquentes, parfois irritantes, avec les gouvernements colonial et impérial, qui subissaient les pressions exercées par des groupes humanitaires dans le but d’accorder aux Indiens un titre incontestable sur leurs terres et qui devaient tenir compte de l’expansion du peuplement qui menaçait les communautés indiennes.
Comme surintendant des missions, Stinson visita les missions indiennes et recruta des missionnaires en Angleterre ; il apporta à son travail une énergie inlassable, un réalisme pondéré et une attention consciencieuse. Les renseignements qu’il accumula sur les établissements indiens justifièrent la continuation de l’aide financière de l’Église wesleyenne aux missions et furent utilisés par la Missionary Society et l’Aborigines’ Protection Society, une organisation humanitaire interconfessionnelle, dans leurs efforts pour assurer un traitement équitable aux Indiens face à l’avidité des colons et aux projets de relocalisation mis de l’avant par sir Francis Bond Head* [V. Jean-Baptiste Assiginack]. Le développement de la colonisation ne fut pas arrêté, mais les missions furent séparées des « circuits » réguliers et se consolidèrent. La Hudson’s Bay Company incita la Missionary Society à étendre ses activités aux territoires dépendant de la compagnie. Avec James Evans* comme surintendant et grâce aux encouragements de Stinson, ces efforts missionnaires furent poursuivis par l’Église méthodiste wesleyenne du Canada après 1847. Ainsi, la dernière conférence que donna Stinson en 1862 s’intitulait « les Aborigènes du Canada ».
Dès le début, cependant, Stinson s’intéressa non seulement aux missions mais à l’œuvre plus large de l’établissement de relations de travail efficaces entre les conférences canadienne et anglaise, et aux genres de méthodisme qu’elles représentaient respectivement. Dans une large mesure, il partagea la conviction de ses frères anglais à savoir que « ce serait une noble tâche d’amener l’ensemble du méthodisme dans l’empire britannique réellement sous la direction de la Conférence britannique et ne faire qu’un avec elle en esprit et en intérêts ». Pour atteindre cet objectif, il était nécessaire que les méthodistes canadiens acceptent la juridiction des méthodistes anglais et, ce qui était plus important, le principe de l’Église établie. Les Canadiens devaient éviter d’intervenir en politique, et prendre une position ferme contre le républicanisme, qui était perçu comme une menace à l’ordre politique établi au Haut-Canada. Stinson qualifia le soulèvement survenu en décembre 1837 de « rébellion sans principes, la plus ignoble qui ait jamais déshonoré un pays ». Dans la période qui suivit immédiatement la rébellion, quand Adolphus Egerton Ryerson* critiqua les prétentions de l’Église d’Angleterre à devenir l’Église établie et à posséder les « réserves » du clergé, Stinson l’avertit du danger contenu dans ses doléances et soutint que la majorité de la population « aimerait mieux [une Église établie] et le maintien des relations avec la Grande-Bretagne que le républicanisme ».
À titre de surintendant des missions et de président de la Conférence canadienne en 1839 et 1840, Stinson servit de médiateur entre les défenseurs des positions wesleyennes et canadiennes, mais la controverse le « dégoûta ». La dissolution de l’union entre les deux conférences, en 1840, le frustra momentanément de ses espoirs en faveur de l’unité. Il demeura au Canada jusqu’en juin 1842 comme président de la Conférence britannique du district de l’ouest du Canada, mais il essaya privément de convaincre ses collègues anglais qu’ils avaient « été trop susceptibles au sujet du whiggisme canadien ». Il croyait aussi que le conflit entre les méthodistes était inconvenant et dangereux, particulièrement au moment où l’Église catholique connaissait un renouveau et où le mouvement d’Oxford avait des effets profonds sur l’Église d’Angleterre. Ses efforts de conciliation et ceux des Canadiens comme Anson Green* furent récompensés par la réunion des deux conférences en 1847 ; l’union se maintint amicalement jusqu’à la fondation de l’Église méthodiste du Canada en 1874.
En Angleterre après 1842, Stinson fut envoyé sur des « circuits » réguliers, mais il ne perdit pas de vue la situation dans le Haut-Canada. Parce que ses frères canadiens le tenaient en haute estime, il fut nommé président de leur conférence en 1858. Il quitta volontiers l’Angleterre, afin de pouvoir « vivre et mourir au Canada ». De 1858 à 1861, alors que sa santé commençait à décliner, il fut continuellement sur la route, faisant des sermons et donnant des conférences pour aider les missions et promouvoir le progrès général du méthodisme. Dans l’exercice de ses fonctions, il fut « universellement estimé par les membres de la Conférence ».
Stinson ne laissa aucune œuvre écrite d’importance et ne s’identifia à aucune grande réalisation ecclésiastique. Les méthodistes devaient se souvenir de lui comme d’un artisan tolérant, généreux et ardent dans le développement du méthodisme canadien et capable d’atténuer la tension entre les communautés canadienne et anglaise. L’unification éventuelle des deux groupes laissa la Conférence canadienne plus ouverte aux influences d’outre-mer et hâta sa consolidation comme institution. Dans la dernière partie du xixe siècle, le méthodisme canadien eut ainsi une influence moins forte sur la société qu’il aurait pu avoir. Cela mis à part, Stinson a droit à la reconnaissance pour avoir réorganisé les missions méthodistes chez les Indiens, à un moment critique de leur développement. La préoccupation des méthodistes pour le bien-être des peuples indigènes eut pour effet d’aider à maintenir l’intérêt politique dans la redoutable question de leur assimilation à la culture de l’homme blanc.
Methodist Missionary Soc. Archives (Londres), Wesleyan Methodist Missionary Soc. correspondence (copies aux UCA).— Anson Green, The life and tunes of the Rev. Anson Green, D.D. [...] (Toronto, 1877).— Wesleyan Methodist Church, Minutes of the conferences (Londres), 1819–1824.— Wesleyan Methodist Church in Can., Minutes (Toronto), 1863.— Christian Guardian, 1833–1840, 3 sept. 1862.— Carroll, Case and his cotemporaries.— G. G. Findlay et W. W. Holdsworth, History of the Wesleyan Methodist Missionary Society (5 vol., Londres, 1921–1924), I.— Sissons, Ryerson.
G. S. French, « STINSON, JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/stinson_joseph_9F.html.
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Auteur de l'article: | G. S. French |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1977 |
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