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SCOTT, BENJAMIN ALEXANDER, commis, entrepreneur forestier, homme d’affaires, homme politique et officier de milice, né le 30 septembre 1859 à Québec, fils de James George Scott et de Mary Ann Green ; le 1er juin 1886, il épousa à la cathédrale Notre-Dame de Québec Joséphine Shehyn, fille de Joseph Shehyn*, trésorier du gouvernement de la province de Québec de 1887 à 1891, et ils eurent cinq fils ; décédé le 14 décembre 1928 à Montréal.
Presbytérien d’ascendance écossaise, le grand-père paternel de Benjamin Alexander Scott naquit à Terre-Neuve et se fixa à Québec vers 1820. Après des études secondaires à la Quebec High School, le jeune Benjamin Alexander assista son père à titre de commis comptable aux scieries de la Price Brothers and Company, à Chicoutimi, de l’automne de 1875 au décès de ce dernier le 14 mars 1885. Son père y dirigeait les deux moulins, dont le plus important, situé à l’embouchure de la rivière Chicoutimi, employait 300 hommes et sciait 100 000 billots en 1881, ce qui en faisait le plus grand établissement du genre dans la région à ce moment-là. Scott y travailla jusqu’en septembre 1887.
En 1888, l’ouverture du chemin de fer de Québec et du lac Saint-Jean, dont le terminus était à Roberval, permit de relier la région aux autres marchés et donna la chance à Scott de mettre en valeur l’expérience qu’il avait acquise à la scierie des Price. En association avec l’entrepreneur de ce chemin de fer, Horace Jansen Beemer*, il chercha à tirer parti du potentiel touristique et des ressources forestières de la région. Dès 1888, les deux hommes firent bâtir à Roberval, sur la rive sud-ouest du lac Saint-Jean, l’hôtel Roberval, qui ne tarda pas à accueillir des touristes du monde entier attirés, entre autres, par la pêche à la ouananiche. Agrandi en 1891, l’établissement comptait 257 chambres luxueuses et spacieuses et offrait une multitude de services. La venue du chemin de fer permit aussi d’expédier du bois vers les marchés européens et américains, où il était en forte demande. C’est ainsi qu’en 1888 Scott se joignit à la Ross, Beemer and Company, mise sur pied par James Gibb Ross* et Beemer pour exploiter les ressources forestières de la région. Scott y agissait surtout à titre d’entrepreneur forestier. Dès l’automne, une immense scierie de 120 pieds de long par 40 pieds de large sur deux étages fonctionnait à la pointe de la rivière Ouiatchouaniche, tout près de l’hôtel Roberval. En 1889, plus de 11 millions de pieds de bois, en planches et en madriers, furent envoyés en Angleterre. Pour approvisionner la scierie, Scott acquit, à l’instar de Ross et Beemer, d’importants territoires de coupe le long des rivières Mistassini et Péribonka. De 1887 à 1893, plus de 30 millions de pieds de bois sortirent de ses chantiers. À la fin du xixe siècle, son immense domaine forestier, qui comptait près de 1 500 milles carrés, fournissait du travail à 600 hommes dans les chantiers tandis que 250 autres s’affairaient au flottage du bois, au sciage au moulin et à l’expédition. En 1901, Scott acquit les droits de propriété de la scierie de Francis Ross*, frère et héritier de James Gibb Ross. Dès 1888, il avait obtenu de la municipalité de la paroisse de Roberval un dégrèvement fiscal de 20 ans pour la scierie et de 10 ans pour l’hôtel Roberval.
Même si la production de bois de sciage diminua dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean au début du xxe siècle, Scott et ses associés trouvèrent de nouveaux débouchés auprès des usines de pâte à papier, qui approvisionnaient le marché grandissant de la presse écrite. En 1908, malgré un incendie survenu trois ans plus tôt, la scierie occupait le premier rang des établissements du genre dans la région. Elle avait une capacité de production de 30 millions de pieds de bois tandis que la deuxième en importance, la scierie de la Price Brothers and Company Limited, ne pouvait en fournir que 11 millions. Pour transporter le bois, les colons et les touristes, Scott et Beemer mirent sur pied un réseau de navigation relié au chemin de fer. Quatre bateaux à vapeur furent construits entre 1888 et 1894. En collaboration avec la Compagnie du chemin de fer de Québec et du lac Saint-Jean, Scott fut l’un des fondateurs, en 1897, de la Société de colonisation et de rapatriement du lac Saint-Jean, qui parvint à amener 1 000 personnes, chaque année, à s’établir au Lac-Saint-Jean de 1898 à 1905. Pour les besoins de ses entreprises forestières ainsi que pour favoriser l’établissement des nouveaux colons, Scott acquit deux fermes : la première, à Péribonka en 1888, d’une superficie de 800 acres et la deuxième, à Mistassini, d’une superficie de 1 500 acres, qu’il loua en 1897 et acheta six ans plus tard.
La fin des années 1900 devait toutefois marquer l’arrêt de l’essor touristique dans la région du Lac-Saint-Jean à la suite de l’incendie, en 1907, d’un des bateaux à vapeur de Scott et Beemer, de l’hôtel Roberval en 1908 et, en 1909, de l’Island House, chalet d’une trentaine de chambres pour les pêcheurs construit par Beemer. Par ailleurs, la scierie dut être fermée en 1910 à cause des coûts prohibitifs de transport par voie d’eau ; de plus, le caractère saisonnier de la navigation rendait le transport des billots non rentable. Il fallut donc songer à établir un réseau de communication qui ferait le tour du lac Saint-Jean et se relierait au chemin de fer de Québec et du lac Saint-Jean. Dans ce but, Scott s’associa en 1911 à des hommes d’affaires de la région, sous la direction de Julien-Édouard-Alfred Dubuc*, pour fonder la Compagnie du chemin de fer Roberval-Saguenay. L’année suivante, une deuxième entreprise, la Compagnie du chemin de fer Alma et Jonquière, fut mise sur pied pour prolonger le réseau. Finalement, le chemin de fer ne ceintura pas le lac. Il atteignit Saint-Félicien en 1917 puis Dolbeau en 1927.
L’intérêt de Scott pour le développement de Roberval l’avait aussi amené à jouer un rôle important sur la scène municipale. Maire de la municipalité de la paroisse de Roberval de 1893 à 1906, au moment où celle-ci connaissait un accroissement important, il forma des comités en vue d’améliorer ou de créer de nouvelles structures municipales (rues, aqueduc, éclairage des rues à l’électricité) et de mettre en vigueur des mesures qui favoriseraient l’implantation d’industries. Il présida à la fusion de la municipalité de paroisse et de la municipalité de village qui donna naissance à la ville de Roberval en 1903. Il en fut maire en 1906 et en 1907. Pendant cette période, il assura un surplus budgétaire et fit adopter le projet de construction d’un hôtel de ville. Parallèlement, Scott travailla à la coordination et à la concertation des activités des autres municipalités du comté de Lac-Saint-Jean en tant que préfet du conseil de comté de 1896 à 1899 et de 1903 à 1905. Il participa aussi à la mise sur pied de la Compagnie électrique de Roberval en 1897, fut le cofondateur de la Compagnie de téléphone de Roberval en 1898 et propriétaire de l’hebdomadaire le Lac Saint-Jean (Roberval), de 1907 à 1917. L’un des fondateurs de la Chambre de commerce du Saguenay en 1907, il y défendit les projets qui lui tenaient à cœur, notamment la construction d’un barrage à La Grande Décharge du lac Saint-Jean afin de maintenir le niveau des eaux du lac et de faciliter ainsi la navigation, mais aussi de favoriser ses propres projets.
En effet, conscient du potentiel hydraulique que recelait l’endroit où le lac Saint-Jean se jette dans la rivière Saguenay, Scott, grâce à des relations dans le milieu politique, s’était fait concéder par le gouvernement de la province de Québec, le 22 juin 1900, pour la somme de 6 000 $, les droits d’exploitation d’une partie de La Grande Décharge, de l’île Maligne à Chute-à-Caron. Une autre concession, en aval de la chute, avait été accordée à l’entrepreneur ontarien Thomas Leopold Willson* tandis que le financier américain Louis Terah Haggin avait obtenu la partie entre l’île et le lac Saint-Jean. Puisque l’exploitation de ces ressources énergétiques requérait une importante masse de capitaux, Scott forma, en 1901, une association avec Haggin et son père. Ceux-ci visaient des développements industriels importants, mais il leur fallait d’abord s’assurer d’avoir des acheteurs pour l’électricité générée. En 1913, le magnat américain du tabac, James Buchanan Duke, qui recherchait de nouvelles sources d’énergie pour ses usines, convainquit les Haggin et Willson de lui vendre leur concession tandis qu’il négociait avec Scott une entente sur les droits que ce dernier possédait. Scott reçut alors 25 % des actions de la nouvelle Quebec Development Company Limited, reconnue juridiquement en octobre 1913 et dans laquelle Duke et son frère Benjamin Newton étaient ses associés. En contrepartie, il devait obtenir du gouvernement provincial le droit de rehausser le niveau du lac Saint-Jean par la construction de barrages, droit qui lui fut accordé en avril à condition que les travaux soient effectués dans un délai de cinq ans et que Scott y investisse au moins un million de dollars durant cette période. Le manque d’acheteurs d’électricité et la Première Guerre mondiale mirent toutefois fin aux travaux de construction. Ils furent repris dans les années 1920, mais Duke décida alors de s’associer à sir William Price et chercha à racheter les actions de Scott. Comme ce dernier refusait, il s’ensuivit un long litige en Cour supérieure au terme duquel Scott n’obtint pas la compensation qui lui revenait, compte tenu de sa contribution.
Parallèlement à sa carrière d’industriel et de marchand de bois, Scott s’était intéressé, dès l’âge de 24 ans, à la milice. Il avait obtenu un diplôme de la Royal School of Artillery le 12 juin 1885 puis était devenu major le 12 juin 1895. Un deuxième diplôme en cavalerie lui avait été conféré le 4 juin 1899. Comme il n’existait pas de régiment pour la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, Scott, avec l’aide de deux autres officiers, mit sur pied le 18e bataillon d’infanterie du Saguenay, reconnu officiellement le 1er février 1900. Formé de 32 officiers et de 342 sous-officiers et soldats ainsi que d’une fanfare de 24 musiciens, le nouveau régiment était commandé par Scott, qui reçut alors le titre de lieutenant-colonel ; il en assura la direction jusqu’en 1903. Le 1er mai 1907, il se vit confier le commandement de la 10e brigade, qui comprenait, outre le 18e régiment du Saguenay, le 4e régiment de milice (Chasseurs canadiens), le 17e régiment de Lévis et le 55e régiment de Mégantic. Plusieurs membres de la brigade furent appelés à servir dans le Corps expéditionnaire canadien au moment de la Première Guerre mondiale, mais non Scott. Ce dernier se retira officiellement de la milice le 31 janvier 1924 ; il était alors malade. Il passa ses dernières années à Montréal. Selon ses volontés, ses cendres furent jetées dans le lac Saint-Jean.
Pendant 35 ans, Benjamin Alexander Scott fut la figure de proue du développement du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Entrepreneur visionnaire, il avait saisi tout le potentiel économique des ressources hydrauliques du Saguenay et du lac Saint-Jean et il s’employa à les mettre en valeur avec l’ardeur d’un pionnier. Les centrales hydroélectriques de L’Isle-Maligne (Alma) et de Chute-à-Caron témoignent encore aujourd’hui de la justesse de ses vues : elles ont donné lieu à la construction d’usines papetières et d’une importante aluminerie qui ont entraîné la naissance de villes et accrut la taille d’autres. C’est à juste titre que Scott peut être considéré comme le « père » de l’industrialisation du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Une montagne fut nommée en son honneur par la Commission de toponymie du Québec le 22 août 2001.
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Carl Beaulieu, « SCOTT, BENJAMIN ALEXANDER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/scott_benjamin_alexander_15F.html.
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Auteur de l'article: | Carl Beaulieu |
Titre de l'article: | SCOTT, BENJAMIN ALEXANDER |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |