SAVOIE, ROMAIN (il signait parfois Savoy), fonctionnaire, juge de paix et homme politique, né le 25 octobre 1847 à Neguac, Nouveau-Brunswick, fils de Théotime Savoie et de Sara Robichaud ; le 6 octobre 1873, il épousa au même endroit Elizabeth Breau, et cinq fils et quatre filles lui survécurent ; décédé le 18 janvier 1914 à Neguac.
Arrière-petit-fils d’Otho Robichaux*, chef de file des Acadiens de Neguac après la Déportation, Romain Savoie hérita de son ancêtre d’évidentes qualités de leadership. À l’âge de 24 ans, il fut choisi comme agent chargé du recensement de 1871 dans la paroisse civile d’Alnwick, devenant ainsi le premier Acadien de cette paroisse à faire le dénombrement de ses concitoyens de langue française.
Savoie, qui avait reçu une assez bonne éducation, en anglais surtout mais avec de bonnes notions du français écrit, fut nommé juge de paix le 15 janvier 1879, et devint aussi commissaire de la cour de la municipalité de paroisse. Il demeurerait à ces postes jusqu’à son décès en 1914. Dans l’exercice de sa fonction de juge de paix, il se fit remarquer par sa patience et ses efforts pour inciter les adversaires à se réconcilier. Il exerça également de nombreuses autres fonctions ou responsabilités d’ordre public au cours de sa vie. Dans sa paroisse, il fut constable vers 1873 et cotiseur en 1874–1875. Le 1er décembre 1878, il devint maître de poste à Rivière-des-Caches, petite localité près de Neguac, et remplissait encore cette fonction au moment de sa mort. Savoie occupa aussi le poste de commissaire des terres de la couronne pendant 30 ans. À ce titre, il encouragea fortement la colonisation dans les régions limitrophes de Neguac, empêchant ainsi le dépeuplement par l’émigration aux États-Unis ou ailleurs. Inspecteur des chemins, coroner et secrétaire des syndics de Neguac, Savoie fut également secrétaire de la commission scolaire de Rivière-des-Caches à partir de 1885, et de celle de Barryville, à compter de 1886, et ce, jusqu’à la fin de sa vie.
À Romain Savoie revient l’honneur d’avoir été le premier Acadien du comté de Northumberland à briguer les suffrages pour une fonction publique et à y être élu. Ainsi, en 1876, il devint conseiller de la municipalité de paroisse d’Alnwick, poste qu’il occupa jusqu’en 1884, puis de nouveau en 1886, 1891, 1894–1895 et en 1900–1901. La politique, tant municipale que provinciale, fut pour lui un moyen de travailler à la reconnaissance des droits des Acadiens. Ses concitoyens l’avaient encouragé à se présenter comme candidat dans la circonscription de Northumberland à l’occasion des élections provinciales de 1908, mais il préféra proposer quelqu’un de plus jeune, soit Guillaume-L. (Louis-Guillaume) Allain, professeur. L’élection de ce dernier le combla de joie et de fierté. « C’est une des plus grandes victoires pour nous, Acadiens, qui n’a jamais arrivé dans notre Histoire », écrivait-il à son ami Placide Gaudet*, le 26 mars 1908. Pour les Acadiens de Northumberland, en situation de minoritaires, c’était, en effet, une grande victoire.
Historien amateur à ses heures, Savoie recueillit des anciens de Neguac une riche tradition orale qu’il conserva par écrit ; il copia aussi les premiers registres de sa paroisse. William Francis Ganong* devait reconnaître la compétence de Savoie dans ce domaine : « M. Romain Savoy, de Rivière du Cache, bien connu comme une autorité en tout ce qui concerne cette région, m’a donné beaucoup [...] d’informations précieuses. »
Placide Gaudet, généalogiste acadien, avait, lui aussi, obtenu de Savoie de nombreux renseignements sur l’histoire et la généalogie de la région de Neguac, comme en fait foi leur correspondance. Avide de se renseigner, Savoie recevait régulièrement le Rapport des Archives publiques du Canada, le Rapport du département de la Marine et des Pêcheries ainsi que celui du vérificateur général. Malheureusement, l’incendie qui détruisit sa demeure après sa mort fit disparaître tous les anciens documents qu’il avait accumulés.
Grand patriote, Romain Savoie avait particulièrement à cœur le succès du journal le Moniteur acadien. « [C’est] le premier Journal Français qui a défendu nos droits comme acadiens [...] J’espère que vous Receverez assez D’encouragement parmi nos vrais acadiens », écrivait-il à Ferdinand Robidoux, propriétaire du journal, le 8 mai 1892. Savoie soutint aussi activement le journal l’Évangéline quand il commença de paraître [V. Valentin Landry]. La Société l’Assomption, société d’entraide mutuelle chez les Acadiens, le compta parmi ses membres les plus dévoués ; il fut également président de la section locale de l’Association catholique de bienfaisance mutuelle du Canada. Savoie mourut à l’âge de 66 ans, le 18 janvier 1914, après une vie remplie au service de ses concitoyens de Neguac et du comté de Northumberland.
Une photographie de Romain Savoie et de sa femme Elizabeth Breau figure dans le Dictionnaire biographique du nord-est du Nouveau-Brunswick (6 cahiers parus, [Bertrand ; Shippagan, Nouveau-Brunswick], 1983– ), 3e cahier : 57.— APNB, RS1137/6-35.— Arch. de l’évêché de Bathurst, N.-B., Neguac, RBMS (copies conservées au Centre d’études acadiennes, univ. de Moncton, N.-B.).— Centre d’études acadiennes, Fonds Placide Gaudet, 1.71-2, 18 ; Fonds F.-J. Robidoux, 4.1-2.— AN, RG 31, C1, 1851, 1861, 1871, 1881, Alnwick, N.-B. (mfm aux APNB et à la Soc. hist. Nicolas-Denys, Centre de documentation, Shippagan).— Soc. hist. Nicolas-Denys, Centre de documentation, index des mariages de Neguac, 1807–1920.— L’Évangéline (Moncton), 28 janv. 1914.— W. F. Ganong, « History of Neguac and Burnt Church », Acadiensis (Saint-Jean, N.-B.), 8 (1908) : 278.
Corinne LaPlante, « SAVOIE (Savoy), ROMAIN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/savoie_romain_14F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
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