RYKERT, GEORGE, officier de milice, instituteur, arpenteur, homme d’affaires, juge de paix, homme politique et fonctionnaire, né le 8 août 1797 à Rhinebeck, New York, fils de Zacherius Reickert (Reichert, Rikert) et d’une prénommée Catharine ; le 31 octobre 1827, il épousa à Montréal Ann Maria Mittleberger, et ils eurent trois fils et une fille ; décédé le 1er novembre 1857 à St Catharines, Haut-Canada.
Membre d’une famille luthérienne d’origine allemande, George Rykert arriva dans le district de Niagara, au Haut-Canada, vers 1810. Au cours de la guerre de 1812, il servit dans le 1er régiment de milice de Lincoln, qui participa aux escarmouches près de St Davids, en juillet 1814. Il s’établit par la suite à St Catharines où il fut maître d’école et, le 26 novembre 1818, il prêta le serment d’allégeance à la couronne. Il reçut sa formation de Charles Kinsey Fell, arpenteur du canton de Pelham, avant d’être nommé, le 9 novembre 1821, arpenteur provincial adjoint, profession qu’il exerçait encore quelque temps avant sa mort. Il dirigea des travaux d’arpentage partout dans le district de Niagara, plus spécialement pour les colons « allemands » de la région de Jordan, et participa avec plus ou moins de succès à des projets de génie à la grandeur de la province.
En 1826, Rykert fit le tracé d’un lotissement pour St Catharines, qui commençait à s’agrandir par suite de la construction, à proximité, du canal Welland. Avec l’aide d’un ingénieur civil d’expérience, Samuel Clowes, il termina aussi cette année-là le levé et les devis d’un réseau de canaux sur le fleuve Saint-Laurent. En 1827, Rykert, James Simpson et Thomas Adams formèrent une société dans le but de construire la section de Smiths Falls du canal Rideau. Ils ne parvinrent pas à remplir leur contrat, ce qui entraîna la dissolution de l’entreprise vers 1829 et une longue bataille juridique avec l’armée britannique.
Les liens qui unissaient Rykert à la famille montréalaise des Mittleberger, laquelle s’occupait de l’approvisionnement et du financement des marchands du Haut-Canada, influencèrent probablement sa décision de se lancer en affaires après cette tentative dans le domaine de la construction de canal. En 1829, lui et son beau-frère John Mittleberger ouvrirent un magasin général et un quai dans St Catharines. Avec Mittleberger et Beacher Benham, il étendit ensuite ses activités à la distillation et à la meunerie. L’approvisionnement en marchandises à partir de Montréal et la vente de denrées à cet endroit incombaient généralement à des commissionnaires, tel Charles Mittleberger. Graduellement, les dettes de Rykert envers les hommes d’affaires montréalais, entre autres Peter McGill et Robert Armour, augmentèrent fortement. L’entreprise subit des pertes périodiques dans le commerce des céréales. Néanmoins, épaulé par la prospérité régionale que suscitait la construction du canal Welland, Rykert eut de modestes succès jusque dans le milieu des années 1830 et obtint divers postes locaux. Il fut membre fondateur et plus tard administrateur de la Grantham Academy, établie à St Catharines en 1829 ; il reçut quatre années plus tard son premier mandat de juge de paix du district de Niagara.
Appuyé par son ami de longue date William Hamilton Merritt*, homme politique et homme d’affaires influent de St Catharines, Rykert disputa le siège de la circonscription de 2nd Lincoln aux élections provinciales de 1834. Décrit par le British American Journal comme un « réformiste inébranlable (non pas un révolutionnaire à la manière de Hume) » et un opposant à la doctrine tory de « l’Église et [de] l’État », il battit le réformiste radical William Woodruff avec un programme de réforme modéré. Bien qu’il ait été membre de l’Église d’Angleterre, il reste que pendant toute sa carrière politique Rykert fut partisan de la vente des réserves du clergé du Haut-Canada et de l’utilisation des montants provenant de leur vente à des travaux publics, à l’éducation et aux besoins de toutes les confessions religieuses, y compris les tunkers et les mennonites. Réélu en 1836, il « agit généralement de concert » avec Merritt et ils « votèrent constamment dans le sens des améliorations ». Rykert fut président d’un comité parlementaire sur les affaires bancaires, qui proposa la formation de banques régionales ; lui et Merritt donnèrent leur appui à un projet de loi visant à établir une banque régionale à St Catharines, qu’ils réclamaient depuis 1831 en raison de l’« activité commerciale intense » qu’entraînaient la construction et l’exploitation du canal. Les réformistes étaient de plus en plus hostiles au projet du canal Welland et Rykert, qui avait retiré ses actions en 1825 pour « diverses raisons », nia en 1836 qu’il avait profité de l’affaire et recommanda que le canal, qu’il considérait comme une « fort bonne chose pour St Catharines et les localités environnantes », soit soumis à une vérification publique.
À partir de 1836, principalement à l’égard des questions relatives au Bas-Canada, Rykert passa d’une politique réformiste modérée au torysme du family compact, ainsi qu’à une position politiquement ruineuse, divergente de celle de Merritt. Il s’opposa avec fermeté au projet fort contesté de l’annexion de Montréal au Haut-Canada, idée que soutenait Merritt. L’union des provinces de même que l’assujettissement économique et culturel du Haut-Canada suivraient, maintenait-il, et la rébellion de 1837 ne servit qu’à confirmer cette croyance. Dans les semaines mouvementées de décembre 1837, Rykert, alléguant que la milice manquait d’officiers compétents, fit sans succès des démarches pour obtenir un grade de capitaine dans le 1er régiment de milice de Lincoln et refusa, semble-t-il, une nomination à un grade inférieur. Au début de janvier 1838, il assurait cependant le commandement d’une compagnie de cavalerie, même s’il ne participa pas au combat. Rykert avait réagit violemment en apprenant que William Lyon Mackenzie* avait proclamé l’instauration d’un gouvernement provisoire à l’île Navy, dans la rivière Niagara, mais il s’était réjoui, en décembre 1837, de la destruction du vapeur Caroline [V. sir Allan Napier MacNab*] qui avait servi aux forces rebelles à cet endroit. Au cours des tensions frontalières qui s’ensuivirent et qui furent marquées par des raids sporadiques des rebelles et des rumeurs de complicité américaine, il déplora l’empiétement du républicanisme, la réaction de tolérance du gouvernement britannique et, sur une autre frontière, la révolte des Canadiens français. « Il n’y a aucun doute dans mon esprit que la prochaine échauffourée aura lieu sur la frontière du Niagara, fit-il savoir à Christopher Alexander Hagerman*. Nous devons être prêts à affronter « la canaille de Buffalo ». J’espère que nous recevrons de l’aide venant de l’autre côté du lac [...] Je crains fort que les gens de la partie sud de notre district ne nous attaquent par derrière. »
Pendant les premiers mois de 1838, tandis que la révolte s’apaisait dans le Haut-Canada et que les débats reprenaient à l’Assemblée, Rykert craignit de plus en plus une reprise des hostilités et éprouva davantage de ressentiment envers les autorités militaires et gouvernementales. Il se lamenta sur sa présence au Parlement à Toronto. « C’est dégoûtant de voir cet équipage qui hante les corridors de l’édifice du Parlement, confia-t-il à Charles Mittleberger. N’importe quel jeune suffisant qui possède le plus petit lien avec le family compact de cette ville est qualifié de colonel ou de major. » La révolte avait convaincu Rykert que seul un plus grand nombre de représentants politiques du Haut-Canada pouvait remédier aux maux politiques, culturels et économiques qu’il entrevoyait dans l’union des provinces. « Je ne veux absolument pas être lié à vos rebelles français, disait-il carrément à Mittleberger en janvier 1838. Nous avons déjà assez à faire pour contenir nos propres vagabonds. » En 1839, à la suite de la publication du célèbre rapport de lord Durham [Lambton*], Rykert reconnut pendant quelque temps le principe de l’union mais, repris par son antipathie personnelle envers le catholicisme, la langue française et les concessions impériales depuis la Conquête, il ne tarda pas à s’opposer ouvertement à l’union et au gouvernement responsable.
Le sentiment de crise et l’extrême conservatisme de Rykert, qui étaient particulièrement aigus compte tenu de l’hostilité qui suivit la révolte dans le Haut-Canada, furent aggravés par des difficultés financières (reliées à la dépression de 1836–1837) et peut-être par la mort de sa petite fille en 1838. En 1836, il avait recherché sans succès une association commerciale avec Merritt. Il dut cesser de faire crédit aux clients du magasin en janvier 1839, par suite des « inconvénients et embarras » qu’avaient causés les pertes « en matière de farine » et l’utilisation excessive de son crédit. En août, ses associations avec Mittleberger et Benham furent dissoutes à l’intérieur d’une réorganisation complexe des affaires, qui se termina vers 1841.
Malgré son retrait des affaires, Rykert s’engagea dans la campagne électorale de 1840–1841, la première à avoir lieu sous l’Union, escomptant un appui solide dans St Catharines et dans plusieurs cantons d’importance. Contre son attente, il dut affronter l’opposition de Merritt, dont le programme réformiste modéré, favorable à l’Union et à des « améliorations commerciales et industrielles », fit ressortir le vieillissement grandissant de la position que soutenait Rykert. Son refus de l’Union et du gouvernement responsable, son opposition continue à l’égard des États-Unis et son acharnement à défendre le maintien du « lien britannique » direct au Canada (marques de commerce des groupes tories, lesquelles se trouvaient dépassées par le cours des événements politiques) donnèrent lieu à une campagne d’arrière-garde virulente et « vraiment étonnante » que les partisans de Merritt et certains journalistes tels que James H. Sears traitèrent sans ménagement. Rykert accusa Merritt d’avoir eu recours à la « corruption », ce qui entraîna rapidement des contre-accusations, selon lesquelles Rykert avait employé des bandes d’orangistes pour faire la loi dans les bureaux de vote et s’était « étalé dans le fossé de la politicaillerie ».
Face à la réalité d’une défaite politique et d’un recul commercial, Rykert tenta d’obtenir, mais sans grand succès, un certain nombre de postes de fonctionnaire de comté et de district entre 1841 et 1844. Il conserva néanmoins quelque importance dans la région à titre de commissaire chargé de régler les litiges concernant les limites des terres, commissaire chargé d’enquêter sur les pertes subies pendant la rébellion, officier de milice, membre du conseil du canton de Grantham et marguillier de l’église St George. En 1843, il se vit confier la succursale, récemment ouverte à St Catharines, de la Commercial Bank of the Midland District, nomination qu’il avait obtenue grâce à ses affinités politiques avec son président, l’inébranlable tory de Kingston, John Solomon Cartwright*.
Alors qu’on lui avait retiré toute influence politique directe, Rykert observa avec une grande rancœur partisane le progrès des négociations concernant cette « absurdité fatale » qu’était le gouvernement responsable, ainsi que l’influence qu’exerça Louis-Hippolyte La Fontaine* au Parlement en 1842–1843. « Soit par imbécillité ou quelque chose de pire », le gouverneur en chef sir Charles Bagot* avait « troqué la prérogative de la reine contre une téméraire faction française, mettant ainsi en danger [le] lien britannique ». La démission de l’exécutif et la prorogation de l’Assemblée législative à la fin de 1843 [V. Robert Baldwin] firent jaillir chez Rykert l’espoir d’une résurrection tory. Il fit ses délices d’une telle « époque mouvementée » et pressa Cartwright « d’entrer en fonction si on le lui demandait, même au prix de quelque sacrifice, plutôt que de laisser encore le gouvernement tomber entre les mains des « philistins ». Aux élections de 1844, Rykert ne put, encore une fois, déloger Merritt. Cependant, selon une notice nécrologique, il « fut par la suite pleinement convaincu du bien-fondé et de la sagesse de la décision de la majorité » en ce qui avait trait au gouvernement responsable.
L’érection en municipalité de St Catharines, en 1845, ramena l’ancien conseiller à la politique municipale. Membre du conseil de police de la ville (1845, 1848–1849), Rykert encouragea la formation d’un corps de sapeurs-pompiers, la construction d’un marché et d’un hôtel de ville et celle du Great Western Rail-Road. En simple particulier, il participa aux nouvelles entreprises et organisations favorisées par la construction du canal Welland (terminé en 1845) et par la vague de prospérité dont jouit toute la province du Canada dans les années 1850. Il occupa la présidence de la St Catharines Building Society en 1850 et, dès 1852, il agissait à titre de représentant de la Compagnie d’assurance de l’Amérique britannique contre le feu et sur la vie, de la Colonial Life Assurance Company et de la Church of England Life Assurance Company. Il fut membre du conseil d’administration (1853) et président (1854–1857) de la Port Dalhousie and Thorold Railway, dont la voie ferrée devait faire la jonction avec le Great Western, juste au sud de St Catharines. Il fut élu conseiller municipal en 1855 et, en 1856–1857, il fut président du conseil en plus d’être préfet du comté de Lincoln.
Après la fermeture de sa succursale de la Midland Bank à St Catharines en juillet 1856, par suite de la diminution des ressources financières, Rykert visita l’Angleterre, l’Irlande et le reste de l’Europe dans une futile tentative de stopper le cancer de poitrine dont il souffrait. À son retour, il reprit néanmoins ses activités bancaires à St Catharines où il trouva les « installations tout à fait inadéquates pour le commerce de l’endroit », comme il le disait avec optimisme en décembre, alors qu’il s’efforçait d’obtenir des capitaux de Merritt et d’autres personnes afin d’établir une succursale de la Banque d’Union du Canada. Le même mois, sa situation financière, qui avait probablement empiré depuis son retour, l’obligea à hypothéquer sa propriété.
En septembre 1857, la maladie débilitante de George Rykert le confina à la maison où « l’ami du fermier, du marchand et de l’artisan » mourut au début de novembre. Ses obsèques attirèrent plus de 500 personnes, dont les sapeurs-pompiers de la ville, des représentants de la Grantham Academy et un grand cortège de franc-maçons, mené par « une excellente fanfare, chose plutôt inusitée ».
AO, MS 74, packages 34, 36 ; MS 393 ; RG 1, A-I-1, 10 ; A-I-6, 11–12, 16–18, 20–22, 25 ; RG 22, sér. 235, testament de George Rykert.— APC, MG 24, E1, 11, 16, 18, 22, 26 ; I8, 28 ; 126, 15 ; RG 5, A1 : 24816, 53656, 61204–61206, 63672–63679, 65330–65336, 66389–66391, 66700–66701, 88931–88933, 96368–96376, 106975–106976, 107901–107906, 108545–108546, 112872–112878, 113122–113125, 114487–114494, 116164–116165, 118185–118188, 134135–134243 ; C1, 3, 7–9, 11–12, 39, 75, 93, 101, 131, 190 ; RG 8, I (C sér.), 45, 52, 54–55, 58, 60, 435 ; RG 9, I, B7, 21.— AUM, P 58, U, Rykert à Mittleberger, 1er, 10, 14 mars 1832, 15, 18 janv., 23, 28 févr., 27 avril, 11 juin, 27 déc. 1838 (transcriptions aux APC).— City of St Catharines Arch. (St Catharines, Ontario), Police Board and Council, minute-books, 1845–1857 (mfm aux AO).— MTL, « Reichert-Rikert-Rykert : a record of the descendants and ancestors of Zachariah Reichert [...] », S. H. Riker et Carroll Rikert, compil. (East Northfield, Mass., 1961) (copie dactylographiée).— Niagara North Land Registry Office (St Catharines), Abstract index to deeds, St Catharines, I (mfm aux AO, GS 2030) ; Deeds, St Catharines, 1847–1876 (mfm aux AO).— PRO, WO 55/865 (mfm aux APC).— QUA, J. S. Cartwright papers.— Arthur papers (Sanderson).— Junius [Seymour Phelps], St. Catharines A to Z, by Junius, 1856 ([St Catharines], 1967).— Select British docs. of War of 1812 (Wood), 3, part.
David Roberts, « RYKERT, GEORGE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/rykert_george_8F.html.
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Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
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