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ROYBON D’ALLONNE, MADELEINE DE, seigneuresse, née vers 1646 à Montargis (département du Loiret), fille de Jacques de Roybon d’Allonne, homme d’armes de la compagnie du roi, puis écuyer tranchant à la cour, décédée à la mi-janvier 1718, à la côte Saint-Martin, près de Montréal.
Comme bien d’autres demoiselles de petite noblesse de l’époque, Madeleine vint probablement en Nouvelle-France en quête d’un mari. Elle ne se maria jamais, mais elle doit aux amours que des historiens lui prêtent d’être passée à la postérité. S’il y eut une femme dans la vie de René-Robert Cavelier* de La Salle, on suppose que ce fut elle, car son nom apparaît dans les archives en relation étroite avec celui du découvreur et elle était la seule célibataire de son rang à habiter le fort Frontenac.
Le prêt de 2 141# qu’elle consentit à l’explorateur, le 24 août 1681, à Cataracoui (fort Frontenac), constitue la première preuve de la présence de Mlle d’Allonne dans la colonie ; c’est peut-être aussi une marque d’attachement à un homme qui était alors traqué par ses créanciers. À cette date, Madeleine vivait peut-être depuis un peu plus de deux ans au fort qui appartenait à La Salle. Le fantaisiste « Récit d’un ami de l’abbé de Gallinée » rapporte que vers septembre 1678 on accusa faussement le découvreur de se livrer chez lui à la débauche avec une fille séduite à Québec, alors qu’au contraire, dit le document, il y menait une vie de « famille » exemplaire. De plus, en 1679, la nouvelle du mariage de La Salle se répandit jusqu’à Paris, rumeur que l’intéressé démentit formellement par la suite, protestant qu’il n’épouserait jamais personne avant d’avoir mené à bien ses entreprises. Comme il n’y a jamais de fumée sans feu, sans doute existait-il, dès ce temps, une fille à marier dans l’entourage de La Salle, qu’il prétendît ou non à sa main.
C’est à Québec, le 6 novembre 1683, que l’on retrouve Madeleine de Roybon d’Allonne, toujours en compagnie de l’explorateur qui s’apprête, cette fois, à partir pour la France. Ce dernier lui signe une reconnaissance de dette où il lui assure « la jouissance de la maison et de la terre quelle a occuppée, jusqua present au fort frontenac. » Il s’agit là du seul document autographe parvenu jusqu’à nous où La Salle nomme la jeune femme.
Ils ne devaient jamais plus se revoir. Madeleine regagna Cataracoui où le seigneur du lieu lui avait concédé une terre en fief et seigneurie aux environs du fort. Elle continua à s’intéresser, de loin, au destin de celui qui eut la fin tragique que l’on sait.
Quelques mois après l’assassinat de La Salle, Mlle d’Allonne faillit périr à son tour. Des Iroquois la capturèrent et ravagèrent son établissement au début d’août 1687. La médiation du père Jean de Lamberville lui sauva la vie mais ne put lui obtenir la liberté. On amena la prisonnière à Onondaga, puis, à la demande de Thomas Dongan, à Albany. Là, elle tenta de collaborer aux négociations du père François Vaillant de Gueslis avec le gouverneur de New York et les Indiens.
En juillet de l’année suivante, enfin libérée, elle arrivait à Montréal. Elle se fixa définitivement rue Saint-Vincent, empêchée de retourner à son habitation du fort Frontenac par le monopole de la traite qu’y détinrent successivement la Compagnie du Canada, puis la couronne. La demoiselle qui avait investi et perdu sa fortune à Cataracoui revendiqua avec acharnement le droit de s’y réinstaller, plaidant en faveur de la liberté du commerce des pelleteries pour les habitants du lieu. Elle passa même en France en 1706 pour défendre sa cause. Onze ans plus tard, le Conseil de Marine était toujours saisi de cette affaire. Le 12 octobre 1717, Vaudreuil [Rigaud] lui répondit que la plaignante ne s’était pas prévalue de la permission que le gouverneur lui avait accordée en 1706 d’aller remettre sa concession en valeur parce qu’elle ne s’intéressait qu’au trafic des fourrures ; « au reste la Demoiselle Dalonne est dans un âge décrépit, poursuivait Vaudreuil, très pauvre et par conséquent hors d’Etat d’aller rétablir une terre abandonnée depuis trente ans. Elle est bonne demoiselle ; sa condition et le triste état ou elle se trouve reduite demanderoit que le Conseil voulut bien luy accorder quelque grace. »
Elle s’éteignit peu après, à l’âge d’environ 72 ans.
ASQ, Polygraphie, XXVII : 60.— Découvertes et établissements des Français (Margry), I : 296–298, 381s., 430 ; II : 88.— Jug. et délib., IV, V, passim.— NYCD (O’Callaghan et Fernow), III : 517, 520, 527, 529, 535, 556, 563 ; IX : 389–391.— Royal Fort Frontenac (Preston et Lamontagne) : 39s., 49, 136–139, 171s., 333–336, 368s.— Claude de Bonnault, Cavelier de La Salle, Larousse mensuel illustré, X (1935–37) : 231.— Rochemonteix, Les Jésuites et la N.-F. au XVIIe siècle, II : 413 ; III : 168–170, 197–207.— Jean Delanglez, Mlle De Roybon D’Allonne : La Salle’s Fiancée ? Mid-America, XXI (1939) : 298–313. [Cet article est la principale étude à consulter sur le sujet. L’auteur y corrige certaines erreurs comme la présence de Mlle d’Allonne au fort Frontenac de 1675 à 1677 et sa seconde captivité chez les Indiens. c. d.]— É.-Z. Massicotte, Les Testaments de Mlle de Roybon d’Alonne, BRH, XXVIII (1922) : 94–96 ; Un fait divers d’autrefois, BRH, XXV (1919) : 277–279.
Céline Dupré, « ROYBON D’ALLONNE, MADELEINE DE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/roybon_d_allonne_madeleine_de_2F.html.
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Auteur de l'article: | Céline Dupré |
Titre de l'article: | ROYBON D’ALLONNE, MADELEINE DE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1969 |
Année de la révision: | 1991 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |