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ROUTH, sir RANDOLPH ISHAM, commissaire général et homme politique, né le 21 décembre 1782 à Poole, comté de Dorset, Angleterre, troisième fils de Richard Routh*, futur juge en chef de Terre-Neuve, et d’Abigail Eppes ; décédé le 29 novembre 1858 à Londres.
Bien que Randolph Isham Routh puisse avoir été un descendant d’une vieille famille de Routh, près de Beverley dans le Yorkshire, son père installa sa famille à Poole, d’où il partait chaque année pour se rendre à Terre-Neuve exercer ses fonctions de receveur des douanes. Randolph Isham étudia à l’Eton College de 1796 à 1803 et entra au commissariat de l’armée britannique en 1805. D’abord posté en Jamaïque, il servit ensuite dans les Pays-Bas pendant la campagne de Walcheren en 1809, puis fit la guerre d’Espagne. Il devint commissaire général adjoint en 1812 et fonctionnaire supérieur du commissariat à Waterloo (Belgique) en 1815. Il servit à Malte de 1816 à 1822 et, durant les quatre années suivantes, fut fonctionnaire supérieur aux Antilles. Promu au plus haut poste au sein du commissariat au mois d’août 1826, Routh fut envoyé dans les Canadas où il demeura 17 ans.
À son arrivée à Québec en 1826, Routh était responsable de toutes les opérations financières de l’armée dans le Haut et le Bas-Canada, et gardien de la caisse militaire, dont l’importance égalait souvent ou même dépassait celle du trésor provincial du Bas-Canada. Un de ses efforts les plus constants, bien qu’infructueux, fut de tenter de convaincre la chambre d’Assemblée du Bas-Canada d’adopter la monnaie britannique comme moyen d’échange officiel, de façon à mettre fin à la confusion résultant de l’utilisation de plusieurs devises étrangères.
Routh obtint plus de succès quand il s’opposa énergiquement à une proposition présentée au début des années 1830 visant à confier aux établissements bancaires du pays toutes les opérations financières des forces armées. Dans un rapport de 17 pages envoyé à la Trésorerie britannique, Routh fit observer que la Banque de Montréal était la seule banque coloniale assez solide pour s’acquitter d’une tâche de ce genre, mais il se prononça contre un tel changement parce que, selon lui, les administrateurs de la banque deviendraient alors les « véritables capitalistes du pays sans [qu’ils aient à courir] eux-mêmes de grands risques ». De plus, Routh croyait que l’efficacité et le secret des mouvements de troupes seraient compromis si le commissariat ne pouvait agir indépendamment des banques du pays. En 1838, Routh joignit ses protestations à celles du commandant des forces armées, sir John Colborne*, qui s’opposait à la recommandation de sir George Arthur, lieutenant-gouverneur du Haut-Canada, d’implanter un commissariat distinct dans cette province. Routh était en poste en Amérique du Nord britannique à l’époque des troubles de 1837–1838 ; son service se trouva alors soudainement à faire face à des conditions de temps de guerre et fut en butte aux critiques des officiers de régiments en campagne. Le lieutenant-colonel George Cathcart déclara que Routh ne possédait aucune notion quant à la façon d’organiser un commissariat de campagne, et que rien n’aurait pu être plus compliqué et moins efficace que les dispositions prises par ce dernier. Cathcart reconnut cependant que la confusion était due en partie aux premières instructions données par Colborne lors de l’éclatement de la deuxième rébellion, en 1838. Ces instructions accordaient aux troupes le droit de loger chez l’habitant, ce qui amena des militaires à se livrer au pillage dans les régions troublées. Routh fut néanmoins nommé au Conseil exécutif par lord Durham [Lambton*] et y siégea du 2 juin 1838 au 10 février 1841.
Routh contracta un premier mariage probablement le 26 décembre 1815, à Paris, avec Adélaïde-Marie-Joséphine Lamy (Laminière), petite-fille du secrétaire général des gardes du corps de Louis XVI. Elle mourut à Québec en 1827, après avoir donné naissance à cinq enfants, dont Randolph, le fils aîné, qui devait devenir commissaire général. En 1829, Routh courtisait Marie-Louise Taschereau, fille de Jean-Thomas Taschereau* et sœur du futur cardinal Elzéar-Alexandre Taschereau* ; Routh avait une trentaine d’années de plus qu’elle. Après avoir assisté à l’un des nombreux bals donnés à la résidence de Routh, Louis-Joseph Papineau* écrivit à son épouse : « Je me suis longtemps entretenu avec madame [Marie] Taschereau sur le mérite du veuf, sur sa politesse, son attention à réunir les deux sociétés canadienne et anglaise. La bonne maman en disait plus de bien que moi et m’a persuadé, sans le vouloir, que son opposition était un calcul pour faire de meilleures conditions à sa fille. » Le mariage eut lieu le 16 janvier 1830 dans la chapelle de la garnison britannique de Québec. Quatre fils et cinq filles naquirent de cette union, et l’accroissement de sa famille explique sans doute l’empressement de Routh à acquérir quelque 6 599 acres de terre le long de la rivière Etchemin dans les cantons de Ware, de Cranbourne et de Standon, au sud de Québec. Cette transaction fut conclue un peu avant 1836.
Créé chevalier en 1841, en partie en raison de ses longs états de service dans les deux Canadas, Routh retourna en Angleterre en janvier 1843 et toucha une demi-solde. À cette époque, il écrivit Observations on the commissariat field service and home defences, ouvrage qui demeura longtemps le classique sur le commissariat de l’armée britannique. De 1845 à 1848, Routh surveilla la distribution des secours en Irlande pendant la famine qui sévit dans ce pays. Il dut alors faire face à une situation d’urgence sans précédent causée par une succession de mauvaises récoltes de pommes de terre. Quand on le consulta la première fois sur la possibilité d’acheter en secret quelque £100 000 de maïs aux États-Unis pour venir en aide aux Irlandais, Routh suggéra que l’un des membres de la famille Taschereau qui lui était apparenté puisse entamer discrètement des négociations en ce sens, mais la Trésorerie préféra laisser à la firme Baring Brothers le soin de conclure ce marché. Routh tenta de restreindre la distribution du maïs à ceux qui étaient dans un dénuement complet et, en 1847, il insista, mais sans succès, pour que l’on interdise l’exportation de céréales plus chères, lorsqu’il acquit la conviction que cela n’avait pas pour résultat d’augmenter l’importation des provisions de bouche à bon marché. En reconnaissance de son travail en Irlande, Routh fut fait chevalier commandeur de l’ordre du Bain le 27 avril 1848.
Les états de service de sir Randolph Isham Routh au Canada, en Irlande, comme aussi aux Antilles, lui valurent des louanges pour l’efficacité avec laquelle il avait dirigé les affaires du commissariat, pour son habileté à éliminer les tripotages au sein de son service en mettant fin aux accointances entre les fonctionnaires du commissariat et les entrepreneurs, et, surtout, pour son insistance à assurer de bonnes méthodes de comptabilité et de vérification des comptes. Bref, personne ne mettait en doute son intégrité comme administrateur du commissariat. Pourtant, Routh était à l’affût de transactions financières lucratives à l’extérieur de son service, ce qui fournit à ses compagnons d’armes l’occasion de dire en privé et avec raison que « bien que bon serviteur de la Trésorerie [...] il [avait] néanmoins édifié sa propre fortune » au Canada. Ce fut Routh qui rendit aux fonctionnaires du commissariat leur uniforme distinctif orné d’épaulettes. Un de ses contemporains déclara que grâce à Routh, qui était « calme, circonspect et prudemment réservé », « le commissariat fut dompté, assagi et administré de la façon la plus discrète possible ».
Sir Randolph Isham Routh est l’auteur de : Observations on the commissariat field service and home defences, paru d’abord en 1845 ; une seconde édition parut à Londres en 1852.
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Elinor Kyte Senior, « ROUTH, sir RANDOLPH ISHAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/routh_randolph_isham_8F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
Année de la révision: | 1985 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |