ROSS, FRANCIS (Frank), homme d’affaires, né le 20 juin 1837 à Carluke, Écosse, fils de Thomas Ross et de Jane Gib ; le 11 juillet 1867, il épousa à Québec Isabella Runcie, et ils eurent deux fils, dont un seul atteignit l’âge adulte ; décédé le 24 avril 1915 à Québec.

Fils de marchand, Frank Ross décide en 1857 ou en 1866, selon les sources, de rejoindre ses frères James Gibb* et John qui sont établis à Québec depuis plusieurs années. Ces derniers exploitent sous le nom de Ross and Company un important commerce d’importation d’articles d’épicerie. Frank passe sans doute ses premières années à Québec à faire son apprentissage des affaires dans l’entreprise familiale. En 1869–1870, le Quebec directory indique qu’il travaille pour la John Ross and Company, fondée en 1868 par son frère John et spécialisée elle aussi dans le commerce d’articles d’épicerie en gros. Cinq ans plus tard, il devient l’associé de son frère dans cette entreprise et dans la Ross Brothers, qui possède des scieries et des terres à bois ‘à Buckingham. En septembre 1887, à la suite de la mort de son frère John, il s’associe à son neveu, John Théodore Ross*, pour continuer le commerce de gros sous la même raison sociale. En octobre 1888, son frère James Gibb, qui habite avec lui depuis six ans, meurt sans laisser aucun acte notarié. En l’absence de testament, Frank Ross agit comme curateur de la succession évaluée à plusieurs millions de dollars.

Un an plus tard, Ross découvre un testament olographe laissé par James Gibb dans sa résidence de Québec. Dans ce document paraphé en 1865 à New York, James Gibb lègue l’ensemble de ses biens à son frère Frank. Il spécifie toutefois que ce dernier devra distribuer la moitié de sa fortune à des établissements protestants de charité publique de Carluke et de Québec, à l’hôpital protestant de Québec (l’hôpital Jeffery Hale), à l’œuvre d’évangélisation des Canadiens français et à des parents pauvres. Dès septembre 1890, Annie Ross, nièce de James Gibb, intente une action en justice pour faire reconnaître la nullité de ce testament. C’est le début d’une longue contestation judiciaire portant à la fois sur la validité et l’interprétation du testament. En effet, Frank Ross, tout en soutenant que le testament est valide, affirme que la seconde partie du document est vague et incertaine, et que finalement son interprétation est laissée à la volonté du légataire. Ainsi, selon lui, le Morrin College et le Finlay Asylum, respectivement des établissements presbytérien et épiscopalien, ne peuvent prétendre à la succession, ce que contestent les deux parties. Devant l’ampleur des sommes enjeu, la cause se rendra jusqu’en Cour suprême du Canada, qui, en 1894, confirmera la validité du testament ainsi que les droits du Morrin College et du Finlay Asylum.

Ross n’a pas attendu la fin de cette saga judiciaire pour agir comme légataire universel de James Gibb, ainsi qu’en font foi un certain nombre d’actes notariés. La fortune dont il dispose lui permet d’intervenir de manière importante dans de nombreux secteurs financiers et industriels du Canada. Il cumule au cours des années des postes d’administrateur dans différentes compagnies où son frère James Gibb possédait de forts intérêts. Ainsi, il est administrateur de la Banque de Québec (1888–1890) et président de la Quebec Worsted Company (1888–1889). Mais surtout, il succède à son frère à la présidence de la Compagnie du chemin de fer de Québec et du lac Saint-Jean de 1888 à 1904 (il avait déjà occupé ce poste de 1878 à 1881). C’est durant la première année de son deuxième mandat que la ligne reliant Québec à Roberval est achevée [V. Horace Jansen Beemer]. Malgré l’argent que Ross y investit, cette compagnie demeure fortement déficitaire durant toute la décennie 1890 et ne subsiste qu’à grand renfort de subventions gouvernementales. Finalement, en 1907, elle passera sous le contrôle du groupe dirigé par William Mackenzie* et Donald Mann*. Ross est aussi président de la Quebec and Lake St John Lumbering and Trading Company, de 1888 à 1894. Cette entreprise avait été mise sur pied en 1877 par les promoteurs du chemin de fer, notamment les deux frères de Frank, dans le but d’exploiter la forêt et d’élargir leur réseau commercial. Ross est également président d’honneur en 1906–1907 de la Société de colonisation et de rapatriement du lac Saint-Jean, établie en 1897 par la compagnie ferroviaire pour encourager les colons et les Canadiens émigrés aux États-Unis à s’établir au lac Saint-Jean.

Ross investit dans le développement d’autres compagnies de chemin de fer, notamment dans la Compagnie du chemin de fer de Québec, Montmorency et Charlevoix, dont il est vice-président (1897–1898) jusqu’à ce qu’elle absorbe la Compagnie de chemin de fer du district de Québec et la Compagnie de pouvoir électrique de Montmorency en 1898 [V. Andrew Thomson*]. De cette fusion naîtra en 1899 la Compagnie de chemin de fer, d’éclairage et de force motrice de Québec, où Frank Ross occupera le poste de vice-président de 1900 à 1909 et sera le plus important actionnaire.

Ross a hérité de son frère d’importantes concessions forestières (1 228,5 milles carrés), notamment dans la région de l’Outaouais, ce qui fait de lui le neuvième concessionnaire en importance au Québec en 1890. Il s’est en outre associé à James Maclaren* en 1888, sous la raison sociale de Maclaren-Ross Lumber Company, dans le but d’acquérir des permis sur des concessions forestières en Colombie-Britannique. Il participe à l’administration de l’entreprise connexe mise sur pied en 1889, la North Pacific Lumber Company. Au début des années 1900, Ross semble toutefois se départir de ses intérêts dans l’industrie forestière comme le démontrent diverses sources. Il est aussi administrateur de la Nova Scotia Steel and Coal Company Limited [V. Graham Fraser] et président de la Kingston and Montreal Forwarding Company.

En mars 1892, la John Ross and Company a été dissoute. Après une mise en veilleuse des activités de la Ross and Company de 1888 à 1905, Frank Ross réactivera cette dernière en 1906 et en fera une entreprise de distribution de gros qui agira aussi à titre de représentant de plusieurs compagnies maritimes et surtout de sa propre compagnie, la Ross Steamship Line, durant au moins trois ans.

À compter de 1910, Ross semble se retirer graduellement des affaires et couler des jours heureux à sa résidence de Holland House, à Québec, où il s’éteint le 24 avril 1915. Malgré ses qualités personnelles, il est évident que son ascension sociale a été favorisée par son appartenance au clan Ross et que son héritage lui a permis d’acquérir une dimension nationale sur l’échiquier de la bourgeoisie d’affaires canadienne. Il laisse à son fils, Frank William, dans un testament olographe daté de 1893, près de 400 000 $, des propriétés immobilières et un portefeuille financier comprenant des actions privilégiées dans d’importantes entreprises ferroviaires, sidérurgiques, minières, manufacturières et d’électricité du Canada.

Alain Gelly

AC, Québec, État civil, Presbytériens, Chalmers Free Church (Québec), 27 avril 1915 ; Minutiers, E. G. Meredith, 1er juin, 12 déc. 1889, 15 avril 1890, 7 févr., 21 avril, 27 nov. 1891, 25 mars 1892, 12 août 1915.— AN, RG 95, Acc. 1990–91/183, vol. 1425, 1433 – ANQ-Q, CE1-67, 11 juill. 1867 ; T11-1/28, nos 1471 (1873), 1818–1819 (1876) ; 29, no 3857 (1887) ; 30, no 4548 (1892).— General Register Office for Scotland (Édimbourg). Carluke, reg. of births and baptisms, 9 juill. 1837.— Morning Chronicle (Québec), 5 oct. 1888, publié par la suite sous le titre Quebec Chronicle, 26 avril 1915.— T. W. Acheson et al., Industrialization and underdevelopment in the Maritimes, 1880–1930 (Toronto, 1985).— Annuaire, Québec, 1858–1915.— The Atlantic provinces and the problems of confederation, G. A. Rawlyk, édit. (St John’s, 1979).— Jean Benoit, « le Développement des mécanismes de crédit et la Croissance économique d’une communauté d’affaires ; les marchands et les industriels de la ville de Québec au xixe siècle » (thèse de ph.d., univ. Laval, 1986).—J.-P. Blouin, « Historique de la Quebec Railway, Light & Power Co. » (mémoire de m.a., univ. Laval, 1948).— Bradstreet Commercial Report, John Bradstreet, édit. (New York), 1888–1896, 1899–1909.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898).— Directory of directors in Canada, W. R. Houston, édit. (Toronto), 1906.— Rodolphe Gagnon, « le Chemin de fer de Québec au lac Saint-Jean (1854–1900) » (mémoire de d.é.s., univ. Laval, 1967).— Guy Gaudreau, l’Exploitation des forêts publiques au Québec, 1842–1905 (Québec, 1986).— Gaétan Gervais, « l’Expansion du réseau ferroviaire québécois (1875–1895) » (thèse de ph.d., univ. d’Ottawa, 1978).— P.-L. Lapointe, Buckingham, ville occupée (Hull, Québec, 1983).— John Livingstone, How justice was cheated [...] (New York, 1906).— Pierre Poulin, « Déclin portuaire et Industrialisation : l’évolution de la bourgeoisie d’affaires de Québec à la fin du xixe siècle et au début du xxe siècle » (mémoire de m.a., univ. Laval, 1985).— Ronald Rudin, Banking en français : les banques canadiennes françaises de 1835 à 1925 (Montréal, 1988).— The storied province of Quebec ; past and present, William Wood et al., édit. (5 vol., Toronto, 1931–1932), 3 : 196.

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Alain Gelly, « ROSS, FRANCIS (Frank) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/ross_francis_14F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
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