RODIER, CHARLES-SÉRAPHIN (baptisé Séraphin ; il ajouta jr à son nom pour se distinguer de son oncle Charles-Séraphin Rodier*), industriel, financier, propriétaire foncier et homme politique, né à Montréal le 6 octobre 1818, fils de Jean-Baptiste Rodier, boulanger, et de Marie-Desanges Sedillot, dit Montreuil ; le 18 janvier 1848, il épousa Angélique Meunier, dit Lapierre, et ils eurent 12 enfants ; décédé dans sa ville natale le 26 janvier 1890.

Les débuts de la carrière de Charles-Séraphin Rodier demeurent obscurs. À l’âge de 14 ans, il travaillait comme menuisier et, quatre ans plus tard, il était devenu entrepreneur de construction. Ce n’est vraisemblablement qu’en 1859 qu’il établit sa fabrique d’instruments aratoires, rue Saint-Martin, à Montréal. Il y produisait des batteuses qu’il vendait aux agriculteurs des environs, exigeant en garantie une hypothèque sur leur terre. Son entreprise semble représenter une première étape de l’évolution industrielle, celle de la manufacture : les artisans sont engagés à contrat, payés à la tâche, et la division du travail est encore peu poussée.

Possédant des hypothèques sur les terres de ses débiteurs et investissant des sommes considérables dans le secteur foncier, Rodier devint le plus grand propriétaire foncier individuel de la région de Montréal. En 1881, le Monde déclarait : « Il possède pour plus d’un demi-million de piastres en biens-fonds dans la ville, sans parler de nombreuses propriétés dans les municipalités de banlieues et dans les campagnes. »

Le secteur financier intéressa également Rodier. En 1861, il fonda, avec Jean-Louis Beaudry, André Lapierre, Hubert Paré* et Romuald Trudeau, la Banque Jacques-Cartier dont il fut un des administrateurs jusqu’en 1870, puis vice-président de 1870 à 1876. Principal actionnaire de la banque, il perdit quelque $145 000 en 1876, au moment où cet établissement connut des difficultés financières ; il s’en retira après cette mésaventure. Par la suite, il siégea aux conseils d’administration de la Scottish Commercial Life Insurance Company et de la Mutual Life Insurance Company.

Rodier connut une brève carrière politique, en occupant le poste de conseiller municipal du quartier Saint-Antoine à Montréal de 1847 à 1850. Membre du parti conservateur, « il était l’ami intime et le conseiller préféré de Sir George Cartier [George-Étienne Cartier*] ». Les journaux conservateurs rappellent qu’en 1885, au moment de l’affaire Louis Riel, il resta fidèle à l’équipe ministérielle, s’opposant fermement à l’assemblée au Champ de Mars. Il fut nommé au sénat, le 1er décembre 1888, comme représentant de la division des Mille-Isles, après avoir, dit-on, décliné à deux ou trois reprises un tel honneur.

Comme la plupart des hommes d’affaires de l’époque, Rodier participa activement à diverses associations. Il fut marguillier, président de l’Association Saint-Jean-Baptiste et de la Société de Saint-Vincent-de-Paul ainsi qu’un partisan des campagnes de tempérance. Sa grande fortune lui permit, en outre, de pratiquer la philanthropie. Il forma en 1869 le 64e bataillon de la milice (Voltigeurs de Beauharnois) et en devint le premier lieutenant-colonel.

D’origine modeste, Rodier connut de grands succès dans les affaires et, à la fin de sa vie, il était devenu le plus riche Canadien français de son époque. À sa mort, les journaux évaluaient sa fortune à plus de $2 000 000. Aux yeux de ses contemporains, il représentait le self-made man, un exemple de ces success stories qui remplissaient les journaux nord-américains. La carrière de Rodier est significative sur deux plans. Il fut représentatif de cette bourgeoisie canadienne-française qui, à partir du milieu du xixe siècle, réussit à prendre une part active dans le développement économique du Québec. La Presse dira : « Il était un de ces hommes supérieurs qui ont prouvé les aptitudes de notre race pour les affaires et qui lui ont fait sa place parmi les entreprenants concitoyens d’origine anglaise. » Actif dans les secteurs industriel, financier et foncier, en plus de participer à la vie politique et à diverses associations, Rodier illustre la diversité des intérêts qui caractérisait les hommes d’affaires de la seconde moitié du xixe siècle.

Paul-André Linteau

On trouve une mention du nom de Charles-Séraphin Rodier dans les listes des actionnaires des banques à charte, incluses dans Canada, Parl., Doc. de la session, pour diverses années entre 1868 et 1877.  [p.-a. l.]

AP, Notre-Dame de Montréal, Reg. des baptêmes, mariages et sépultures, 1818, 1848, 1890.— Arch. privées, Mme François Hone (Montréal), Papiers de la famille Rodier.— BNQ, mss-100.— L’Étendard, 5 déc. 1888, 27 janv. 1890.— Gazette, 27 janv. 1890.— La Minerve, 28 nov., 4 déc. 1888, 28 janv. 1890.— Le Monde, 7 déc. 1888.— Montreal Daily Witness, 27 janv. 1890.— La Patrie, 27 janv. 1890.— La Presse, 12 déc. 1888, 27, 28 janv. 1890.— CPC, 1889.— J. Desjardins, Guide parl., 252.— Montreal directory, 1853–1860.— Atherton, Montreal, III : 85s.— Histoire de la corporation de la cité de Montréal depuis son origine jusqu’à nos jours [...], J.-C. Lamothe et al., édit. (Montréal, 1903).— Rumilly, Hist. de Montréal, III.— E.-Z. Massicotte, « Deux Rodier », BRH, 44 (1938) : 120–122.

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Paul-André Linteau, « RODIER, CHARLES-SÉRAPHIN (baptisé Séraphin) (1818-1890) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/rodier_charles_seraphin_1818_1890_11F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
Année de la révision:    1982
Date de consultation:    28 novembre 2024