ROBINAU DE BÉCANCOUR, PIERRE, baron de Portneuf, chevalier de Saint-Louis, seigneur de Bécancour, procureur du roi, grand voyer de la Nouvelle-France de 1689 à 1729. Né à Québec en 1654, il était le fils aîné de René Robinau* de Bécancour et de Marie-Anne Leneuf de La Poterie ; le 15 janvier 1684, à Québec, il épousa Marie-Charlotte Legardeur de Villiers, et ils eurent deux filles : Marie-Anne-Geneviève et Marie-Marguerite-Renée ; il mourut en 1729.

Le fief de Portneuf avait été érigé en baronnie en 1681. Le 3 octobre 1709, devant le notaire de La Cetière, à Québec, Pierre Robinau vendit le fief mais se réserva le baronnage : Jacques Robinau, son frère, devenait l’unique propriétaire de la seigneurie, mais Pierre conservait le titre de baron et le privilège de préséance à l’église. À la mort de Jacques, en mars 1715, la propriété passa aux mains des filles de Pierre. Les contemporains de Pierre respectaient son rang social mais, comme il habitait dans son fief de Bécancour, ils demeuraient incertains quant à son titre exact. Même Charlevoix* écrit qu’il a été reçu par le « baron de Bécancourt ». Cette erreur s’est perpétuée jusqu’à tout récemment et on la retrouve dans la généalogie de Tanguay.

Tout le temps que René Robinau fut grand voyer de la Nouvelle-France il y eut de nombreuses plaintes au sujet du mauvais état des routes dans la colonie ; on réclama même que son traitement lui soit retenu. Conscient qu’il ne s’acquittait pas de sa tâche à la satisfaction générale, René avait demandé à Louis XIV d’accorder à Pierre le droit de remplir ses fonctions durant son absence et de lui succéder au moment de sa retraite. Le 24 mai 1689, Louis XIV et Colbert signèrent les lettres de provisions instituant Pierre grand voyer de la Nouvelle-France ; le 23 janvier 1690, le Conseil souverain ordonna l’information de vie et de mœurs et, sur réception d’un rapport favorable, lui fit prêter serment le 13 février « en l’absence et en survivance du dit De beccancourt son père » qui avait été le premier à remplir cette fonction dans la colonie ; Pierre, lui, l’occupera jusqu’à sa mort en 1729.

C’est durant son administration que se fit le tracé du grand chemin du roi et que les ordonnances pour sa construction et son entretien furent émises. On a conservé au moins 29 ordonnances, relatives à 19 seigneuries et toutes datées entre 1710 et 1723, et les procès-verbaux de six litiges, au sujet des chemins, qu’il avait réglés entre 1706 et 1722. Toutefois, il y eut des plaintes quant à la façon dont il remplissait ses fonctions. En 1702, apparemment après avoir reçu des plaintes officielles au sujet de la négligence de Robinau dans l’entretien des chemins de la région de Québec, l’intendant François de Beauharnois* de La Chaussaye informa Versailles qu’il ne pouvait exiger du grand voyer qu’il réside à Québec, car il avait juridiction sur toute la colonie et non seulement sur la ville de Québec. Beauharnois expliqua que Robinau avait été obligé de retourner en France pour régler des affaires de famille mais que cette absence n’était que temporaire. De toute façon, Robinau avait nommé un commis à Québec et un autre à Montréal pour faire les « alignemens », car les plaignants exigeaient que ce service fût accessible en tout temps. Quand la précision des relevés donna lieu à d’autres plaintes, l’intendant recommanda que Jacques Levasseur de Neré, l’ingénieur du roi, s’en charge conformément au désir qu’avait déjà exprimé le roi. Il y avait eu aussi des plaintes parce que les rues de la basse ville de Québec étaient mal pavées ; on en attribuait la cause à l’état de guerre et l’on promettait de faire des réparations dans un avenir assez rapproché. Le 9 juin 1706, Louis XIV refusa de prendre en considération la demande d’un plaignant, Duplessis Faber, qui voulait la place de Pierre Robinau. On peut en conclure que le roi, tout en encourageant les gens à présenter des requêtes et à faire preuve de vigilance à l’égard des fonctionnaires, ne tolérait rien qui aurait pu mener à l’insubordination ou nuire au bon ordre. En outre, il semble que la vie d’un fonctionnaire dépendait d’un équilibre délicat entre privilèges et responsabilités et que dans une société aussi hiérarchisée il fallait tenir compte des critiques émanant des niveaux inférieurs, car elles pouvaient déclencher une action aux échelons supérieurs.

En plus de la fonction de grand voyer, Pierre Robinau obtint plusieurs grades militaires entre 1684 et 1701. Le 12 novembre 1684, l’intendant Jacques de Meulles recommanda au ministre de la Marine de nommer Pierre Robinau garde-marine en reconnaissance des services que son père avait rendus à l’État. Cette marque de considération venait s’ajouter à l’élévation de la seigneurie de Portneuf en baronnie. Une lettre, datée du 10 mars 1685, révèle que le roi accorda la commission et que Pierre Robinau, qui était alors âgé de 31 ans, fut envoyé à Rochefort. Buade* de Frontenac écrivit au ministre en 1690 que, sous réserve de ratification royale, il avait nommé « le Sr. de Robineau Becancourt l’aisné au lieu et place du Sr Robineau [René] de Portneuf son cadet qui a une commission de Lieutenant de la compagnie du Sr de Menneval [Des Friches] à l’Acadie ». Pierre Robinau ne fut promu lieutenant qu’en 1691 ; cette promotion reçut la confirmation royale le 1er mars 1693.

Il ne joua pas, dans les campagnes militaires de cette décennie, un rôle aussi brillant que ses frères. On sait que René Robinau de Portneuf et Jacques Robinau, deux de ses frères, et lui-même reçurent de Frontenac, en août 1697, l’ordre d’aller rejoindre Joseph Robinau* de Villebon, un autre frère, au fort Naxouat (Nashwaak) sur la rivière Saint-Jean. Par contre, il semble que sa conduite fût bien meilleure que celle de ses frères, René de Portneuf et Daniel de Neuvillette, qui furent réprimandés pour leur mauvaise conduite. En mai 1701, on offrit à Pierre le commandement d’une compagnie dans les troupes de la marine s’il acceptait de remplacer le sieur de Noyes qui rentrait en France. Mais, en 1702, Pierre demanda de se faire relever de son poste de lieutenant en faveur de son frère René qui avait déjà occupé ce poste et qui venait de recevoir le pardon officiel. Pierre serait allé en France en 1702 et il aurait été fait prisonnier par les Anglais au cours du voyage de retour à bord de la Seine. Par la suite, un ordre royal, daté du 27 mai 1705, lui accorda le passage gratuit à bord du Héros qui partait pour la Nouvelle-France.

Pierre avait aussi des intérêts dans des entreprises commerciales, mais l’ampleur de ses affaires n’a pas encore été déterminée. Il ne reste d’ailleurs que des preuves fragmentaires : par exemple, il semble qu’avec son frère René il faisait le commerce des fourrures dans la région de la rivière Saint-Jean et qu’il prêta de l’argent à son troisième frère, François-Alexandre (tué à Vera Cruz en 1703). Toutefois il avait des soucis financiers : les procès-verbaux du Conseil souverain de Québec nous révèlent qu’il eut des démêlés avec un censitaire de la seigneurie de Bécancour, un nommé Jacques L’Heureux, qui refusait de payer les cens et rentes. Il avait reçu en héritage une part du domaine de son père dans la haute ville de Québec, près du château Saint-Louis, mais à deux occasions au moins, les autorités exproprièrent certaines portions de cette propriété pour construire une poudrière et pour agrandir les fortifications.

On sait peu de chose sur la vie de Pierre après 1705 ; il fit beaucoup parler de lui en juillet 1711 en tentant de contraindre Jacques-René Gaultier* de Varennes de tenir sa promesse d’épouser une de ses filles. Il ne connut de grands succès ni dans sa carrière militaire ni dans l’administration et rien ne nous permet de supposer que ses entreprises commerciales lui réussirent mieux.

C. J. Jaenen

AJQ, Greffe de Louis Chambalon, 8 nov. 1707 ; Greffe de Florent de La Cetière, 3 oct. 1709.— AHDQ Mélanges, XIII : 48–50.— AN, Col., B, 11, f.18 ; 15, ff.47, 69, 75 1/2 ; 16, ff.22, 59 1/2 ; 19, ff.113 1/2, 123, 157 1/2, 196 1/2 ; 22, f.199 ; 23, f.180 1/2 ; 27, ff.10 1/2, 79 ; 33, ff.86, 105 1/2 ; Col., C11A 5, ff.154, 280, 281 ; 6, f.14 ; 7, f.146 ; 10, f.17 ; 11, ff.171, 212 ; 14, ff.295, 296 ; 16, ff.28, 29 ; 17, ff.21, 22, 78, 138, 139 ; 18, f.12, 20, ff.45, 46 ; Col., C11D, 4, 5, ff.83–99 ; Col., D2C, 49, ff.40, 48, 65, 88, 111, 125, 139 ; 222, ff.45, 177, 220 ; Col., F3, f.90 ; 6, ff.331, 469–471, 498, 499 ; 11, f.286.— AQ, NF, Ins. Cons. sup. ; Procès-verbaux des grands voyers, I, ff.6–48, 63–75.— Bibliothèque de l’Arsenal (Paris), Archives de la Bastille, 151, liasse 431.— Charlevoix, History (Shea), IV : 133–145, 214–215 ; V : 166–168.— Jug. et délib., III : 383, 388 ; IV, VI, passim.— Lahontan, Nouveaux voyages, I : 203–205. -La Potherie, Histoire (1722), III : 61–70, 76–81. — P.-G. Roy, Inventaire des procès-verbaux des grands voyers conservés aux archives de la province de Québec (6 vol., Beauceville, 1923–1932), I, II, passim.— É.-Z. Massicotte, Les prétendus barons de Bécancour, BRH, LII (1946) : 73s.

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C. J. Jaenen, « ROBINAU DE BÉCANCOUR, PIERRE, baron de PORTNEUF », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/robinau_de_becancour_pierre_2F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1969
Année de la révision:    1991
Date de consultation:    28 novembre 2024