RITCHIE, WILLIAM BRUCE ALMON, avocat et officier, né le 27 juin 1860 à Annapolis Royal, Nouvelle-Écosse, fils du révérend James Johnston Ritchie et d’Eliza Almon ; le 14 juin 1905, il épousa à Halifax Lilian Constance Harriette Stewart, sœur de Charles James Townshend Stewart, et ils eurent deux fils ; décédé le 25 décembre 1917 à Vancouver.

Membre de la troisième génération de la plus illustre dynastie néo-écossaise d’hommes de loi [V. Thomas Ritchie*], William Bruce Almon Ritchie est important pour deux raisons surtout. Il incarne un nouveau type d’avocat qui servait l’État en exerçant des fonctions administratives, qui travaillait pour des entreprises commerciales ou y avait des intérêts et qui avait acquis une formation en droit du genre de celle donnée par la Harvard University. Ce type d’avocat commença à remplacer dans les années 1870 les hommes de loi de la période antérieure au gouvernement responsable, qui assumaient des fonctions politiques et avaient étudié le droit à la mode anglaise. Deux oncles de Ritchie, les juges John William Ritchie* et sir William Johnston Ritchie*, avaient détenu de hauts postes politiques, ce qui ne fut le cas d’aucun des 11 Ritchie avocats de la génération de William Bruce Almon Ritchie. En outre, ce dernier est représentatif des avocats des Maritimes qui s’installèrent au cours des années 1890–1920 dans les provinces de l’Ouest, où ils acquirent bientôt des positions élevées.

Il était quasi inévitable que William Bruce Almon Ritchie opte pour le droit. Son père avait été barrister à Annapolis avant de se diriger vers le sacerdoce. Son seul frère, James Johnston, devint avocat (il serait nommé en 1912 juge à la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse) ; ses deux sœurs épousèrent des avocats d’Annapolis. William Bruce Almon entreprit son stage en 1877 chez un avocat d’Annapolis, J. M. Owen, et fit sa dernière année en 1880 chez son frère, qui exerçait alors à Halifax. Il passa l’année 1881–1882 à l’école de droit de Harvard, puis fut admis au barreau le 5 juin 1882. Son frère avait obtenu une licence en droit à Harvard en 1877 et quatre de ses cousins Ritchie avaient aussi étudié dans cette université.

Ritchie exerça seul à Annapolis jusqu’en 1886, année où son frère revint de Halifax et où ils s’associèrent. Sa réputation de plaideur était telle que Robert Laird Borden*, au moment où son associé Wallace Nesbit Graham accéda à la magistrature en 1889 ; l’invita à former le cabinet Borden, Ritchie, Parker and Chisholm. Ritchie participerait aux bénéfices en tant qu’associé alors que William Frederick Parker et Joseph Andrew Chisholm* resteraient salariés. Deux nouveaux adjoints salariés finirent par être engagés : le jeune frère de Borden, Henry Clifford (Hal), et le neveu de Ritchie, Thomas Reginald Robertson.

Les trois décennies antérieures à la Première Guerre mondiale furent très fastes pour les avocats de Halifax. Borden et quelques autres hommes de loi distingués investissaient dans des sociétés, en faisaient la promotion et y jouaient le rôle de conseillers juridiques, mais Ritchie, semble-t-il, s’intéressait peu à l’aspect proprement commercial des entreprises. Au cours des années 1890–1905, Borden et lui furent parmi les avocats néo-écossais les plus sollicités par les clients qui en appelaient devant la Cour suprême du Canada. De plus, Ritchie plaida à l’occasion devant le comité judiciaire du Conseil privé. Il représentait souvent les entreprises dont Borden obtenait la clientèle pour leur cabinet d’avocats, par exemple la Dominion Iron and Steel Company Limited, mais il gardait une certaine indépendance dans le choix de ses clients. Une fois, il défendit en appel un agent de la United Mine Workers of America qui avait été condamné en vertu de la Loi des enquêtes en matière de différends industriels de 1907 pour avoir aidé des grévistes du Cap-Breton en achetant de la nourriture pour eux. Le verdict de culpabilité fut maintenu en dépit de ses efforts. De temps à autre, il représentait la partie adverse dans un même procès que son frère, ce qui témoigne de la confiance que leurs clients devaient avoir en eux. Plusieurs distinctions professionnelles lui échurent : le titre de conseiller de la reine (fédéral) en 1895 et la présidence de la Nova Scotia Barristers’ Society en 1905 et en 1906. La Colombie-Britannique lui décernerait le titre de conseiller du roi en 1913.

À l’approche de ses 45 ans, Ritchie épousa Lilian Constance Harriette Stewart, qui était de 20 ans sa cadette. Elle aussi venait d’une grande famille d’avocats : elle était la petite-fille d’Alexander Stewart*, dernier maître des rôles de la Nouvelle-Écosse, la nièce de Charles James Townshend, juge en chef de la province de 1907 à 1915 ; de plus, elle était apparentée aux Tupper. Son père, avocat devenu gentleman-farmer qui n’avait « jamais en près d’un siècle [...] accompli une journée de travail », est le personnage éponyme du recueil intitulé My grandfather’s house, composé par Charles Stewart Almon Ritchie et paru en 1987. Le mariage de Ritchie coïncida avec de grands changements dans sa vie professionnelle. Borden quitta le cabinet au début de 1905 parce que la politique l’occupait de plus en plus. Ritchie accepta de garder le jeune frère de Borden, Hal, veuf depuis peu et père de trois jeunes enfants, et prit au même moment Thomas Reginald Robertson comme associé.

En 1911, Ritchie emmena sa famille à Vancouver, où il se joignit au fameux cabinet Bowser, Reid and Wallbridge. Selon la tradition familiale, ce déménagement était motivé en grande partie par des raisons financières. Il devait y avoir beaucoup de travail pour les avocats en Colombie-Britannique, car de 1905 à 1913, le nombre de membres du barreau passa de 235 à 488. Ritchie put compter sur un vaste réseau d’avocats des Maritimes pour l’aider. Charles Hibbert Tupper*, après avoir été associé du cabinet de Borden et Ritchie en 1896–1897, s’était établi sur la côte Ouest. Un autre conservateur, William John Bowser*, procureur général de la Colombie-Britannique depuis 1907, était un Néo-Brunswickois diplômé de l’école de droit de la Dalhousie University en 1890 ; Robie Lewis Reid était Néo-Écossais. Borden aida probablement Ritchie à déménager en facilitant sa nomination au poste d’avocat-conseil principal du service d’immigration du département de l’Intérieur à Vancouver.

C’est à ce titre que Ritchie fut mêlé au fameux incident du Komagata Maru : en mai 1914, les autorités interdirent à 376 ressortissants du Pañjãb, principalement des sikhs, de débarquer à Vancouver. Appelé à défendre la décision de l’agent d’immigration, Ritchie eut gain de cause devant la Cour d’appel de la Colombie-Britannique. Presque certainement, les arrêtés en conseil d’exclusion de 1908 avaient été adoptés précisément en prévision de ce genre de situation. L’historien de l’incident, Hugh Johnston, laisse entendre que Ritchie s’occupa de la défense d’une manière tout à fait correcte et professionnelle.

Lorsque la guerre éclata, William Bruce Ritchie, alors âgé de 54 ans, voulut aller outre-mer, mais on le refusa en raison d’une surdité partielle. On lui offrit le poste d’officier principal de recrutement dans les Maritimes, avec le grade de major, et il se réinstalla à Halifax en 1915. De retour à Vancouver en 1917, il aida son vieil ami Borden en faisant campagne à l’automne pour la cause unioniste. En outre, il organisa des secours pour les victimes de l’explosion survenue à Halifax le 6 décembre. Cependant, sa surdité était un symptôme de mastoïdite, et il dut se faire opérer. Il ne s’en remit pas et mourut le jour de Noël. Selon des dépêches de Vancouver, il était l’un des avocats les plus connus du Canada ; d’après le juge Robert Henry Graham, il avait été « l’homme universel par excellence de son temps ». Ses jeunes fils se signalèrent à leur tour dans leur domaine. Encouragé par Borden, Charles Stewart Almon entra dans la diplomatie ; il se fit également connaître par son journal personnel. Roland Almon étudia le droit à la University of Oxford, exerça à Halifax et siégea à la Cour suprême du Canada de 1959 à 1984.

Philip Girard

AN, MG 26, H : 40222, 109038, 118770.— BCARS, GR 1415, dossier 1917/4819.— PANS, MG 100, 234, no 22a ; RG 39, HX, M, 8, no 15 ; 11, no 13.— Daily Colonist (Victoria), 27 déc. 1917.— Halifax Herald, 27 déc. 1917.— Morning Chronicle (Halifax), 27 déc. 1917.— Vancouver Daily Sun, 27 déc. 1917.— R. C. Brown, Robert Laird Borden, a biography (2 vol., Toronto, 1975–1980), 1.— Canada Supreme Court Reports (Ottawa), 1890–1917.— Hugh Johnston, The voyage of the « Komagata Maru » : the Sikh challenge to Canadas colour bar (Delhi, Indes, 1979 ; 2e éd., Vancouver, 1989).— Nova Scotia Reports (Halifax), 1884–1911.— C. [S. A.] Ritchie, My grandfather’s house : scenes of childhood and youth (Toronto, 1987).— M. C. Ritchie, « The beginnings of a Canadian family », Nova Scotia Hist. Soc., Coll. (Halifax), 24 (1938) : 135–154.— Scholefield et Howay, British Columbia.

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Philip Girard, « RITCHIE, WILLIAM BRUCE ALMON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/ritchie_william_bruce_almon_14F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
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