PROUDFOOT, WILLIAM, marchand, banquier et capitaliste, né probablement en Écosse ; les derniers documents témoignant de son existence remontent à 1866.

L’âge que s’est donné William Proudfoot à quelques reprises indique qu’il serait né en 1802 ; c’est un peu tard pour un homme qui a signé le discours d’adieu des habitants d’York (Toronto) au lieutenant-gouverneur Francis Gore* en 1817, qui a fait partie du premier conseil d’administration de la Bank of Upper Canada en 1822 et qui était magistrat en 1827. Arrivé à York, dans le Haut-Canada, aux alentours de 1816, sans parenté dont on puisse retrouver la trace, il devint bientôt un associé de l’avocat D’Arcy Boulton*, fils, dans un commerce d’épicerie en gros et au détail, de vins et de « marchandises sèches », qu’il exploita seul après 1825. Il prit sa retraite à la fin des années 30. Proudfoot ne perdit aucune occasion d’acquérir des terres en consentant des prêts contre des garanties foncières et, en 1858, il déclarait posséder « plus de 70 000 acres ».

Il devint gouverneur (président) de la British America Assurance Company lorsqu’elle fut entièrement organisée en 1834 mais céda sa place à William Allan* en 1836. Allan, le premier président de la Bank of Upper Canada, avait démissionné en 1835 parce qu’il était fatigué des attaques politiques dont la banque était la cible et de l’attitude nonchalante et indifférente de ses collègues administrateurs. Deux candidats possibles, John Spread Baldwin et John Henry Dunn*, qui avaient des motifs plus sérieux que Proudfoot de prétendre à la présidence, furent éliminés en raison de l’esprit de clan qu’on leur attribuait ; Proudfoot, par contre, semblait personnellement inoffensif. Allan écrivit à titre confidentiel : « M. Proudfoot n’a pas été élu parce qu’il était tout à fait à la hauteur du poste ni parce qu’il était le meilleur qu’ils aient pu trouver. Il fut le seul candidat à se présenter [...] Il n’a pas la trempe ni l’intelligence nécessaires. » Ce fut son caractère inoffensif, sa personnalité sans relief qui expliquent, en partie, comment il survécut à pas moins de 25 réunions annuelles de la banque. Les menaces à son poste, comme celles amorcées par Samuel Peters Jarvis* au cours des périodes financièrement difficiles de 1843 et de 1848, furent surmontées parce que plusieurs actionnaires étaient d’avis que les prétendants au poste étaient beaucoup plus téméraires, ambitieux et opiniâtres que Proudfoot. Ce qui le sauva, en fin de compte, fut le vote massif par procuration des absentéistes qui, convaincus par sa longue expérience, firent confiance à Proudfoot et à ses adjoints.

Malgré le fait que Proudfoot détint la présidence de façon ininterrompue, Thomas Gibbs Ridout, caissier (directeur général) de la banque depuis le début, par ses solides relations familiales et politiques à Toronto, avait beaucoup plus d’influence. Encore en 1858, lorsque Proudfoot désira emprunter de l’argent de Glynn Mills and Company, les agents de la banque en Angleterre, il sentit le besoin de se présenter et de mentionner le nom de Ridout pour établir ses titres de créance. Cette lettre de Proudfoot et les quelques autres qui lui ont survécu démontrent comment il manquait de force et de méthode et comment il était mal renseigné : l’influence du caissier était donc à la fois explicable et nécessaire.

Mais ni Ridout ni Proudfoot n’avaient la trempe nécessaire pour faire face aux complexités politiques et financières que leur imposait le développement de la province du Canada. La Bank of Upper Canada avait toujours favorisé l’extension excessive du crédit aux grands propriétaires fonciers, qui étaient les administrateurs de la banque, et à leurs pairs, et jamais autant qu’au cours de la période de grande prospérité des années 50. La banque, après 1850, se vit également confier les affaires du gouvernement ; ceci l’obligea à jouer un rôle particulièrement ruineux comme agent du chemin de fer du Grand Tronc et à participer à des entreprises douteuses et compliquées du gouvernement, parmi lesquelles il faut mentionner les fraudes du magnat Samuel Zimmerman* qui prêtèrent le plus à conséquence. La banque devint terriblement dépendante de ses clients et de ses créanciers. Proudfoot et Ridout, dépassés par des procédés trop complexes et trop obscurs pour qu’ils puissent en percer le mystère, se retirèrent en avril 1861 ; Ridout mourut d’épuisement peu de temps après et Proudfoot s’employa désespérément à apaiser ses propres créanciers particulièrement tenaces.

Proudfoot avait épousé Caroline Brooks Stow à York, le 25 mai 1833. En 1846, ils s’étaient installés à Kearsney House, leur demeure nouvellement construite sur la rue Yonge, probablement la résidence la plus spacieuse de Toronto à l’époque, et Mme Proudfoot y jouait le rôle d’hôtesse de nombreuses organisations de ventes de charité, de bals, de concerts et de représentations théâtrales. Au début des années 60, cependant, Proudfoot dut céder la maison à la banque en garantie.

Il n’existe pratiquement aucun document relatant les dernières années de Proudfoot. Le dernier document retracé jusqu’ici et datant de 1866 nous laisse croire qu’il spéculait encore sur des terres au nord de Toronto à cette époque. À la fin des années 60, le nom de son épouse, dont on citait habituellement Londres comme adresse, apparaissait sur des listes d’actionnaires de diverses banques canadiennes : il s’agissait d’actions d’importance moyenne qui avaient grimpé rapidement. Un document de 1872 ajoute le mot « veuve » au nom de Mme Proudfoot. Même s’il occupa longtemps la présidence de la Bank of Upper Canada (malgré sa participation aux organismes bénévoles, civils et de l’Église d’Angleterre, qu’il fut invité à parrainer), il laissa une empreinte si légère dans l’esprit et la mémoire de ses contemporains que sa mort, comme sa naissance, passa apparemment inaperçue. Il mourut comme il avait vécu, dans l’anonymat le plus complet.

Barrie Dyster

APC, MG 24, D16, pp.41 715–41 893 ; D36 ; RG 1, L3, index.— City of Toronto Archives, Toronto assessment rolls, St David’s Ward, Yonge St, 1845, 1846 ; St James’ Ward, Yonge St, 1860, 1861, 1865, 1866 ; St Andrew’s Ward, Adelaide St, 1864.— MTCL, Samuel Peters Jarvis papers, Bank of Upper Canada papers, 1843, 1848 ; Larratt William Smith papers, transcripts of letters, 1848 ; diaries, 1856, 1858.— PAO, Macaulay (John) papers, 1835 ; Street (Samuel) papers, 1864.— UWO, 128 (George J. Goodhue papers), J. R. Gowan to G. J. Goodhue, 4 avril 1866.— Canada, Sessional papers, 1867–1868, 6, n° 12 ; 1869, 3, n° 6 ; 1870, 3, n° 6 ; 1872, 6, n° 13.— H.- C., House of Assembly, Journal, 1832–1833, app. Report of select committee on the inland water communication of the province, 90–101.— Scadding, Toronto of old (1873), 401.— Town of York, 1815–1834 (Firth).— Upper Canada Gazette (York [Toronto]), 5 juin 1817.— Toronto directory, 1833–1866.— Robertson’s landmarks of Toronto, I : 25 ; III : 296s.— Ross et Trigge, History of the Canadian Bank of Commerce.— Historical sketch of the British America Assurance Company, Canadian annual review of public affairs, 1911, J. C. Hopkins, édit. (Toronto, 1912).

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Barrie Dyster, « PROUDFOOT, WILLIAM (circa 1817-1866) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/proudfoot_william_1817_1866_9F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1977
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