PETITCLAIR, PIERRE, clerc de notaire, écrivain et précepteur, né le 12 octobre 1813 à Saint-Augustin-de-Desmaures, Bas-Canada, fils de Pierre Petit-Clair, cultivateur, et de Cécile Moisan ; décédé célibataire probablement le 15 août 1860 à la pointe au Pot (pointe à la Peau, Québec).
Issu d’une modeste famille agricole, Pierre Petitclair eut toutefois la chance de s’instruire et d’acquérir une vaste culture. Après quatre années d’études au petit séminaire de Québec, de 1825 à 1829, il travailla à titre de commis au greffe judiciaire de Québec et, sous la conduite du notaire Joseph-François Perrault*, il s’initia au droit. Cependant, le barreau ne l’attirait aucunement et, trois années plus tard, il devenait calligraphe pour le compte d’un autre notaire, Archibald Campbell*. Ce mécène possédait une bibliothèque bien garnie, s’intéressait aux arts et aux sciences, prisait plus particulièrement les lettres et se plaisait à promouvoir les jeunes talents. Il fut un véritable bienfaiteur pour Petitclair et nul doute qu’il ait exercé une très grande influence sur lui. Aussi avait-il affaire à un sujet très doué, car Petitclair excellait en mathématiques, en géométrie et en philosophie, jouait de la clarinette, du violon et de la guitare, chantait magnifiquement, s’exerçait à la composition, appréciait la peinture, maniait le pinceau et, surtout, se passionnait pour la littérature. Non seulement il lisait tout ce qui lui venait sous la main, mais lui-même s’était mis à écrire, des poèmes d’abord, puis deux comédies : Qui trop embrasse mal étreint et Griphon ou la Vengeance d’un valet. Petitclair resta chez Campbell environ cinq ans, soit jusqu’en 1837.
C’est durant cette période qu’il faut sans doute placer une aventure sentimentale dont on sait peu de chose, mais qui paraît avoir profondément marqué Petitclair. Dans trois de ses poèmes, la Somnambule, À Flore et Sombre est mon âme comme vous, Petitclair aborde le thème de l’infidélité et, dans son théâtre, il a une façon de déprécier l’amour qui dépasse souvent la raillerie satirique et laisse deviner beaucoup d’amertume. Il appert donc qu’une femme a trompé son attente et que cette expérience l’a traumatisé. Sans doute est-ce la raison pour laquelle il resta célibataire et n’éprouva aucun regret à quitter Québec pour aller vivre dans les régions désertiques de la Côte-Nord.
En effet, au cours de l’hiver de 1837–1838, Petitclair s’engagea comme précepteur dans une famille qui comptait 12 enfants. Le père, Guillaume-Louis Labadie, s’adonnait à la pêche durant l’été et à la chasse aux phoques durant l’hiver. Petitclair suivait la famille partout, et ce fut ainsi qu’il habita tour à tour diverses localités de la Côte-Nord et de la Gaspésie avant de s’établir, toujours avec les Labadie, à l’anse des Dunes près de Blanc-Sablon. Il ne retourna plus à Québec que pour de courts séjours. Il y était à l’automne de 1842, époque où il atteignit le faîte de sa carrière littéraire en faisant publier dans l’espace de quelques semaines trois poèmes, Pauvre soldat ! qu’il doit souffrir !, À Flore et le Règne du juste, ainsi qu’une comédie, la Donation, dont la création eut lieu le 16 novembre et qui connut un très beau succès. Après, Petitclair ne produisit plus qu’une autre comédie, Une partie de campagne, créée à Québec le 22 avril 1857 et publiée en décembre 1865. Sans doute cette pièce, qu’il avait mis plus de temps à mûrir que les autres, est-elle son meilleur ouvrage. Elle met en scène un anglomane qui se couvre de ridicule autant par naïveté que par orgueil. Aussi cette comédie n’a rien perdu de son actualité.
Aujourd’hui, Pierre Petitclair n’est qu’un nom dans l’histoire de la littérature canadienne et, à l’exception de Louis-Michel Darveau* qui, dans Nos hommes de lettres, fit de lui le panégyrique, personne ne croit à son génie. À bon droit, on lui reproche dans ses vers de n’avoir pas su se dégager de l’empreinte formaliste de l’ère classique et de céder trop facilement au sentimentalisme préromantique. Quant à ses comédies, elles contiennent quelques bonnes scènes satiriques et elles pourraient divertir encore un jeune public, mais elles révèlent dans l’ensemble un assez pauvre imitateur de Molière, de Regnard, de Scribe et de Shakespeare. Pourtant, l’œuvre de Petitclair n’est pas dépourvue entièrement d’intérêt. En lisant un poème comme le Règne du juste ou un conte comme Une aventure au Labrador, on découvre que non seulement Petitclair était très au courant des problèmes de son époque, mais aussi qu’il avait assez de sagacité pour savoir en rire et assez de hardiesse pour en dénoncer les responsables. C’est pourquoi il faut bien se garder de porter un jugement hâtif sur ses trois comédies et de n’y voir que les exercices d’un amateur qui n’aurait songé qu’à s’amuser. Sous l’intrigue conventionnelle se cache une intention satirique réelle. Et le plus étonnant, c’est que Petitclair, au lieu de s’en prendre uniquement à l’Anglais despote et tout-puissant, ait cherché à atteindre ses compatriotes. Mieux que quiconque peut-être, il a su voir que, sous l’Union, le Canadien français était un naïf qui se laissait circonvenir avec une facilité encore plus invraisemblable que déconcertante. Faisant preuve d’une audace rare au xixe siècle, il a même décoché quelques traits contre l’Église, la tenant responsable de l’ignorance et de la trop grande simplicité de ses ouailles bas-canadiennes. Aussi, bien que son œuvre déçoive sur le plan littéraire, Petitclair reste un témoin important de son siècle et de son milieu. Homme cultivé et perspicace, il a compris quelles étaient les forces en présence et deviné qui, au Canada français, faisait pencher la balance des idées à la veille de la Confédération.
Publiés d’abord dans les journaux, les poèmes de Pierre Petitclair, la Somnambule (1835), Sombre est mon âme comme vous (1839), À Flore (1842), Pauvre soldat ! qu’il doit souffrir ! (1842) et le Règne du juste (1843) ont été recueillis par James Huston dans son Répertoire national (1848–1850), 1–2. On y trouve également une comédie, la Donation, parue auparavant dans l’Artisan (Québec), les 15 et 29 déc. 1842. Deux autres comédies ont été publiées à Québec : Griphon ou la Vengeance d’un valet, en 1837, et Une partie de campagne, en édition posthume, en 1865. Toutes deux, ainsi que la Donation, ont été analysées par Jean Du Berger dans le premier volume du DOLQ. Les manuscrits des pièces Qui trop embrasse mal étreint et le Brigand n’ont pas été retrouvés, et il semble qu’ils n’aient pas été publiés. Enfin, Petitclair a écrit un conte, Une aventure au Labrador, paru dans le Fantasque (Québec), les 2 et 9 nov. 1840.
À part les dictionnaires biographiques, les ouvrages qui traitent de Pierre Petitclair sont peu nombreux. De fait, on peut citer la biographie de Louis-Michel Darveau dans Nos hommes de lettres (Montréal, 1873) et un article de Victor Morin, « Un pionnier de théâtre canadien : Pierre Petitclair », dans la Rev. moderne (Montréal), 14 (1932), no 2 : 6. Ailleurs, Petitclair n’est guère plus qu’un nom que l’on mentionne parce qu’on reconnaît en lui le premier dramaturge d’origine canadienne-française. [j.-c. n.]
ANQ-Q, CE1-17, 12 oct. 1813.— ASQ, Fichier des anciens.
Jean-Claude Noël, « PETITCLAIR, PIERRE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/petitclair_pierre_8F.html.
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Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
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