PAIN, FÉLIX, prêtre, récollet, missionnaire, né à Paris en 1668, fils d’un « bon marchand », décédé à Québec le 27 novembre 1741.

Félix Pain entra chez les récollets de la province de Saint-Denys à Paris et fut ordonné prêtre vers 1692. De 1694 à 1701, il occupa la fonction d’aumônier de la garnison de Plaisance (Placentia), Terre-Neuve. Les gouverneurs, Philippe Pastour* de Costebelle et Joseph de Monic* se plaignirent de sa conduite laquelle, au dire de Monic, suscitait « bien des sujets de reproche et de mécontentement ». À une occasion, Monic fut contraint de mettre Pain à la porte de sa maison. Pain quitta Plaisance en 1701 lorsque sa communauté fut remplacée par les récollets de la province de Bretagne.

Les récollets de Paris furent invités la même année à fonder un couvent à Port-Royal (Annapolis Royal, N.-É.) et Félix Pain fut nommé aumônier de la garnison. En 1702, le curé de Port-Royal, Abel Maudoux, du séminaire des Missions étrangères, fut rappelé après avoir été mêlé pendant une décennie aux disputes mesquines qui agitaient l’Acadie à cette époque. Pain lui-même ne tarda pas à s’y trouver impliqué ; son affrontement le plus notoire avec les autorités de l’endroit survint en janvier 1705 lorsque, contrevenant aux ordres du commandant intérimaire de Port-Royal, Simon-Pierre Denys* de Bonaventure, il bénit clandestinement le mariage d’un officier de la garnison, François Du Pont* Duvivier, et de Marie Mius d’Entremont, enceinte de six mois. Bonaventure, au cours de l’année précédente, avait été la cible des reproches des récollets pour sa liaison avec madame de Freneuse [Louise Guyon] et il prit prétexte de la désobéissance de Pain pour se venger. D’après ce que rapporta Bonaventure, Pain aurait dit qu’ « il se souciait de [Bonaventure] comme de la boue de ses souliers ». La gravité de la désobéissance de Pain était atténuée du fait que même si un officier devait obtenir la permission formelle de son commandant pour se marier, des unions comme celle que contracta Duvivier étaient expédiées rondement afin d’éviter une naissance illégitime. Ce mariage forcé, une question de routine, qui vraisemblablement aurait passé inaperçu en dehors des cercles potiniers de Port-Royal, était maintenant transformé en une affaire célèbre ; elle valut à Pain le blâme sévère du ministre de la Marine et les réprimandes de sa communauté de même qu’elle entrava sérieusement la carrière de Bonaventure.

Pain continua d’exercer son ministère à Port-Royal jusqu’à ce que la ville tombât aux mains des forces anglaises sous les ordres de Francis Nicholson*, en 1710. Il devint ensuite missionnaire dans la région des Mines (Wolfville) et de Beaubassin (Amherst). Dès 1721 on le mentionne comme le « Supérieur des Récollets de l’Acadie ». Il semble que Pain ait bien rempli les devoirs de sa charge, guidant la communauté acadienne au mieux de sa connaissance à travers le dangereux bourbier diplomatique dans lequel les avait plongés le traité d’Utrecht. D’une part, il protégea les Acadiens contre les excès de la politique française qui voulait les garder fidèles à la foi et au roi ; il fit plusieurs voyages à Louisbourg, île Royale (île du Cap-Breton), afin d’empêcher le déplacement en masse des Acadiens vers la terre notoirement inhospitalière qu’était l’île Royale. D’autre part, il résista vigoureusement aux pressions anglaises qui voulaient imposer le serment d’allégeance inconditionnel à la couronne pour tous les Acadiens demeurés en Nouvelle-Écosse.

En 1725, Pain quitta la Nouvelle-Écosse pour dispenser son ministère aux Acadiens de l’île Saint-Jean (Île-du-Prince-Édouard), sans aucun doute aussi bien à cause de difficultés avec le gouverneur, Lawrence Armstrong*, que parce qu’aucun missionnaire n’avait jusque-là été assigné à l’île. Les documents mentionnent la présence de Pain sur l’île Saint-Jean à différents moments entre juillet 1725 et juillet 1731. Le gouverneur de l’île Royale, Saint-Ovide [Monbeton], exprima, en 1727, le souhait que les bons offices de Pain attirent plus d’émigrants acadiens.

Lorsque Félix Pain quitta la mission de l’île Saint-Jean, en juillet 1731, il alla œuvrer à Louisbourg ; il quitta le ministère actif en 1733. Peut-être aurait-il souhaité terminer ses jours en France, mais son grand âge et sa crainte de la traversée de l’océan l’obligèrent à se fixer à Québec. Après 65 ans et jusqu’en 1741, année de sa mort, il occupa la fonction beaucoup moins lourde de commissaire des récollets de la Nouvelle-France.

Bernard Pothier

AN, Col., B, 27, ff.3v.–4 ; Col., C11B, 6, ff.8, 102–103 ; 9, ff.52 ; 13, f.26 ; Col., C11C, 2, f.170v. ; 3, f.154 ; 5, f.154 ; 7, ff.223v.–224 ; Col., C11D, 4, ff.165–165v., 258 ; 5, ff.105–106v., 221–221v., p. 313 (copies aux APC) ; Section Outre-Mer, G1, 411.— APC, MG 11, Nova Scotia A, 17, p. 159.— Archives des Franciscains (Montréal), Table générale de tous les religieux morts depuis l’érection de la province.— PANS, RG 1, 26.— Coll. doc. inédits Canada et Amérique, I : 116–118.— NSArchives, III, 69–73, 89s.— Allaire, Dictionnaire, I : 408.— Ivanhoë Caron, Liste des prêtres séculiers et religieux qui ont exercé le saint ministère en Nouvelle-France (1680–1690), BRH, XLVII (1941) : 264s.— Johnson, Apôtres ou agitateurs, 143.— Harvey, French régime in P.E.I., 240.— Robert Le Blant, Un colonial sous Louis XIV : Philippe de Pastour de Costebelle, gouverneur de Terre-Neuve puis de l’île Royale 1661–1717 (Paris et Dax, 1935), 93s., 171, 186.— Mgr de Saint-Vallier et l’Hôpital Général, 712.— Archange [Godbout] Profils franciscains : le père Félix Pain, Revue franciscaine (Montréal), XLIII (1927) ; XLIV (1928), passim.— [F.-E.] Rameau de Saint-Père, Une colonie féodale en Amérique : l’Acadie (1604–1881) (2 vol., Paris, Montréal, 1889), I : 403–411.

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Bernard Pothier, « PAIN, FÉLIX », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/pain_felix_3F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
Année de la révision:    1974
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