PAGÉ, dit Carcy, JACQUES, orfèvre, horloger, né à Québec le 11 décembre 1682, fils de Guillaume Pagé, dit Carcy, taillandier, et d’Élisabeth Letartre ; il épousa Marie-Louise Roussel le 9 septembre 1715 à Québec ; décédé le 2 mai 1742 dans sa ville natale.
Jacques Pagé, dit Carcy, fit son apprentissage en orfèvrerie dans des circonstances assez particulières. C’est en effet grâce à une ordonnance émise le 2 mai 1708 par l’intendant Jacques Raudot* que Pagé put devenir l’apprenti du maître orfèvre Michel Levasseur*. Ce dernier, depuis son arrivée au Canada vers 1699, n’avait enseigné les « mystères » de son métier qu’à un seul apprenti, Pierre Gauvreau. Or, Levasseur avait l’intention de quitter le pays au cours de l’année 1708 sans former aucun autre orfèvre, selon l’engagement qu’il avait pris envers Gauvreau de ne « montrer son métier qu’à luy seul ». L’intendant, informé des clauses de ce contrat et de l’intention du maître orfèvre, jugea que c’était « contraire au bien publique lequel demande tout au moins pour un métier comme celuy la qu’il y ait deux personnes qui en fassent la profession ». C’est ainsi que, connaissant le talent de Jacques Pagé « par plusieurs choses qu’il a[vait] desja faites de sa main et de son génie », Raudot obligea Levasseur à prendre Pagé en apprentissage jusqu’au départ de l’orfèvre pour la France. Le même jour où l’intendant signait l’ordonnance, Levasseur signait devant le notaire Jacques Barbel* un contrat qui le liait à Pagé, selon les exigences de l’intendant.
Quelques années plus tard, en 1712, Pagé passa en France, où il désirait exercer le métier d’orfèvre. Mais malgré la demande qu’il fit en 1713 au ministre de la Marine, Pontchartrain, de s’installer à Paris, il se heurta à l’opposition du grand corps des orfèvres de la capitale. Il ne faudrait pas attribuer ce refus à l’origine canadienne de Pagé, mais plutôt à son manque d’expérience dans son métier. Rappelons qu’en 1664, pour encourager l’immigration en Nouvelle-France, les autorités de la métropole avaient décidé d’accorder le privilège de la maîtrise dans toutes les villes du royaume aux artisans qui avaient « exercé leurs art et métiers dans l’Amérique pendant dix années ». Jacques Pagé n’avait pas droit à cet avantage, même s’il le prétendait, car il n’était orfèvre que depuis 1708. Aussi, devant l’inutilité de ses démarches, il revint dans la colonie et s’y installa définitivement.
Il était déjà de retour à Québec en 1714 puisque nous retrouvons son nom mentionné cette année-là dans les livres de comptes de l’église Notre-Dame. Au mois de septembre 1715, il épousait Marie-Louise Roussel et, l’année suivante, d’après le recensement de la ville de Québec, il habitait avec sa femme une maison, rue de la Montagne. Or ce même recensement nous apprend que Pagé fut non seulement orfèvre mais aussi horloger. Nous ne savons ni où ni comment il apprit cet autre métier, mais il l’exerçait probablement déjà lorsqu’il fut pris en apprentissage par Levasseur en 1708. Il est par ailleurs fort possible, vu la rareté des horlogers en Nouvelle-France, que Pagé se soit occupé durant toute sa vie de la réparation de montres et d’horloges. Il possédait toujours, au moment de sa mort, d’après l’inventaire de ses biens que dressa Jacques-Nicolas Pinguet de Vaucour en 1742, « les Eustanciles servant au métier d’horlogeur ». Le même document mentionne également que Pagé comptait parmi ses livres un « traitté naturel et artificiel du terris des horloges et des montres ».
De 1718 à 1728, Jacques Pagé fit plusieurs travaux d’orfèvrerie pour les communautés religieuses et pour les églises de Québec et de la région. En 1728, une ordonnance de François Clairambault* d’Aigremont, intendant par intérim, nous apprend qu’il exerce toujours son métier d’orfèvre puisqu’on lui demande. ainsi qu’à l’orfèvre Jean-Baptiste Deschevery, dit Maisonbasse, de peser « la vaiselle d’argent de mon Sr Dupuy [Claude-Thomas Dupuy*] ». Après cette date, nous connaissons mal les activités de Pagé. Un grand nombre de documents le désignent comme marchand orfèvre ou, tout simplement, comme « bourgeois, de Québec ». Nous savons, par plusieurs requêtes qu’il fit en 1730 au Conseil supérieur, qu’il fut un certain temps « marguillier en charge de Notre-Dame de Québec ». Mais peut-être n’a-t-il pas délaissé complètement l’orfèvrerie, puisque son inventaire après décès mentionne un très grand nombre d’outils d’orfèvrerie et de pièces d’argenterie que Pagé conservait chez lui.
Jacques Pagé, dit Carcy, mourut à Québec le 2 mai 1742 sans laisser de descendant. Cet orfèvre s’était taillé une bonne réputation, si l’on en juge par les nombreuses mentions que l’on trouve de lui dans les livres de comptes des communautés et des paroisses de la région. Plusieurs pièces conservées dans diverses collections de la province lui sont attribuées parmi lesquelles nous comptons quelques fourchettes et cuillers, une tasse, des plateaux et un ciboire. Le Musée du Québec, pour sa part, possède quatre pièces de Pagé. Il s’agit de deux cuillers à potage, d’une fourchette et d’un plateau, portant le poinçon « I P sur C renversé, surmonté d’une fleur de lys ».
En collaboration avec Michel Cauchon et André Juneau
AJQ, Registre d’état civil, Notre-Dame de Québec, 11 déc. 1682, 9 sept. 1715, 3 mai 1742.— AN, Col. B, 35, ff.101, 134, 180.— ANDQ, Livres de comptes, 1709–1724.— ANQ, Greffe d’Antoine Adhémar de Saint-Martin, 18 mars 1712 ; Greffe de Jacques Barbel, 2 mai 1708 ; Greffe de J.-N. Pinguet de Vaucour, 18 juin, 17 août 1742.— IOA, Dossier Jacques Pagé, dit Carcy, orfèvre.— Recensement de Québec, 1716 (Beaudet).— P.-G. Roy, Inv. coll. pièces jud. et not., I : 62 ; II : 320 ; Inv. jug. et délib., 1717–1760, I : 12 ; II : 94, 121 ; IV : 51.— Tanguay, Dictionnaire.— Langdon, Canadian silversmiths.— Morisset, Coup d’œil sur les arts.— É.-Z. Massicotte, Orfèvres et bijoutiers du régime français, BRH, XXXVI (1930) : 31.— Gérard Morisset, Jacques Pagé dit Quercy (1682–1742), Technique (Montréal), XXV (1950) : 589–600.
En collaboration avec Michel Cauchon et André Juneau, « PAGÉ, dit Carcy, JACQUES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/page_jacques_3F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1974 |
Année de la révision: | 1974 |
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