O’DONNELL, JAMES, architecte, né en 1774 dans le comté de Wexford (république d’Irlande) ; décédé célibataire le 28 janvier 1830 à Montréal.

James O’Donnell venait d’une famille de grands propriétaires fonciers. Après avoir reçu une formation élémentaire, il partit pour Dublin où il s’engagea comme apprenti, probablement auprès du célèbre architecte irlandais Francis Johnston. De son séjour dans cette ville, seuls les plans pour un mausolée, qu’il fit en 1798, sont connus. Par la suite, il aurait voyagé un peu partout en Europe, sauf en France, pour étudier certains des plus beaux monuments d’architecture. En 1812, il s’installa à New York où il exerça avec succès son métier d’architecte. Ses principales réalisations dans cette ville furent le Bloomingdale Asylum (1818–1821), le Fulton Street Market (1821–1822) et la Christ Church (1822–1823). Pour ce dernier bâtiment, O’Donnell s’inspira du style néo-gothique qu’il devait affectionner tout au long de sa carrière.

Avec cette expérience des projets d’envergure, O’Donnell était devenu un architecte bien coté en Amérique du Nord. Déjà, en 1817, il avait été élu membre de l’American Academy of Fine Arts de New York. Sa renommée attira sans doute l’attention des marguilliers de la paroisse Notre-Dame de Montréal, qui projetaient de construire une nouvelle église de grande dimension pouvant accueillir de 8 000 à 9 000 personnes. En septembre 1823, le comité de construction de l’église Notre-Dame, dirigé par le curé de la paroisse, Candide-Michel Le Saulnier, proposa de faire venir O’Donnell. Dès son arrivée à Montréal, celui-ci dessina des esquisses détaillées et, le 17 octobre suivant, ses plans furent acceptés. Au cours de l’hiver de 1823–1824, il travailla à la confection des plans définitifs dans son atelier de New York. L’édifice, qui devait mesurer 150 pieds sur 258 pieds, comprenait deux immenses tours d’une hauteur de 196 pieds. O’Donnell avait conçu l’église dans un style néo-gothique parce que, d’après lui, cette formule convenait mieux aux matériaux, aux ouvriers et au climat canadien. Selon des témoignages de l’époque, l’église devait surpasser par sa taille tous les autres bâtiments du continent nord-américain ; ses murs en pierre de taille auraient 5 pieds d’épaisseur, et le plancher devait être soutenu par 42 piliers de 3 pieds de diamètre sur lesquels reposeraient des demi-troncs de chêne. Vu la dimension colossale du bâtiment, on avait prévu un système de conduits d’air chaud alimenté par des chaudières à vapeur au sous-sol. Dès novembre 1823, l’entrepreneur John Redpath* fut chargé de fournir toute la pierre de taille en provenance de la carrière des Tanneries dans Griffintown (Montréal). Ces matériaux furent d’ailleurs transportés sur le chantier au moyen de corvées effectuées par des résidents de différentes paroisses de l’île de Montréal.

En mai 1824, O’Donnell s’installa à Montréal pour diriger le chantier et fournir les épures nécessaires aux ouvrages de construction. Selon les termes de son contrat, il devait toucher des honoraires de £375 par année pendant quatre ans. Il aurait livré plus d’une centaine de plans et de dessins afin de guider les entrepreneurs dans leurs travaux. En juin 1824, la fabrique de Notre-Dame fit également appel à Gabriel Lamontagne, maître maçon, pour agir en qualité d’entrepreneur en chef et surveiller l’exécution des travaux selon les normes prescrites par O’Donnell ; ce poste avait d’ailleurs été refusé par le jeune architecte de Québec, Thomas Baillairgé*, qui n’éprouvait aucune affinité pour le style néo-gothique que revêtirait l’église Notre-Dame.

De 1823 à 1826, on entreprit les travaux de fondation et la construction des murs extérieurs et, de 1827 à 1829, on s’attaqua à la réalisation de la structure intérieure et à l’achèvement des travaux de finition. Au plus fort de la saison d’été, environ 250 ouvriers (artisans du bâtiment, journaliers et charretiers) travaillaient au chantier sous la direction de cinq chefs d’équipe. En général, les charpentiers, les menuisiers et les maçons gagnaient 5 shillings par jour, tandis que les journaliers touchaient 2 shillings 6 pence quotidiennement. Les ouvriers qui faisaient partie des équipes de travail envoyées par la milice ne recevaient aucun salaire. Malgré ce nombre impressionnant de travailleurs durant les périodes de pointe, O’Donnell se plaignit souvent qu’il n’avait pas toujours à sa disposition les 45 maçons et les 45 journaliers qu’il avait réclamés. Aussi, faute de fonds, il fallut à plusieurs reprises renvoyer des ouvriers. En 1827, la fabrique de Notre-Dame dut se résigner à emprunter £22 000, à 6 % d’intérêt, en dépit des revenus provenant de dons, de collectes et de prélèvements fonciers. Cette année-là, les murs de l’église furent terminés au coût de £18 000 pour la pierre seulement, et on entreprit de construire le toit qui nécessitait un déboursé de £3 000 pour le fer blanc importé d’Angleterre.

Tout au long des travaux de construction, les relations entre patrons et ouvriers se détériorèrent par suite d’un durcissement de l’attitude d’O’Donnell. En 1827, ce dernier avait obligé l’entrepreneur en chef Lamontagne à faire travailler plus tard les équipes de chantier et à surveiller le respect des horaires de travail. Pressé par les délais de livraison, O’Donnell reprochait aux ouvriers canadiens leur insubordination : « Aucun d’entre eux semble le moindrement intéressé au bâtiment, leur seule préoccupation étant de toucher leur salaire en effectuant le moins d’ouvrage possible. Ils sont portés également à se ficher du travail et à l’exécuter à leur façon aussitôt que j’ai le dos tourné. » Devant la résistance des charpentiers montréalais, qui luttaient à l’époque pour la journée de dix heures, O’Donnell avait demandé aux entrepreneurs, dont Jacob Cox, d’empêcher les ouvriers d’endommager les matériaux et d’interdire toute coalition ou rassemblement. À l’origine de cette situation conflictuelle sur le chantier, on ne doit pas négliger l’hypothèse qui voit dans la mise en place d’une organisation collective (voire sociale) du travail, une exploitation accrue de la force ouvrière.

L’église fut tout de même inaugurée le 15 juillet 1829 en présence d’un grand nombre de personnalités du monde politique et religieux. Cependant, les deux tours frontales conçues par O’Donnell n’avaient pu être achevées, et on devra attendre jusqu’en 1841 pour que la fabrique confie leur construction à l’architecte John Ostell*. Quoi qu’il en soit, en 1832, le coût de la construction de l’église montait à £47 446, soit 15 % de plus que prévu. Les plans de ce bâtiment servirent ultérieurement à d’autres églises paroissiales. En plus de cet héritage architectural, les travaux d’O’Donnell influencèrent toute une génération d’architectes montréalais au xixe siècle, tels Victor Bourgeau*, Pierre-Louis Morin, John Wells et John Ostell.

O’Donnell laissa d’autres bâtiments dignes de mention. Après avoir refusé de participer au projet de la « maison de l’industrie » à Montréal, malgré l’insistance de lord Dalhousie [Ramsay*], il s’était engagé dès 1824 à fournir les plans pour la construction du nouveau temple de la rue Saint-Jacques, commandé par la congrégation American Presbyterian. Deux ans plus tard, il accepta de tracer les plans de la Société d’école anglaise et canadienne de Montréal. Cet immeuble à deux étages, surmonté d’un dôme octogonal, pouvait accueillir 275 élèves.

Depuis quelques années, James O’Donnell souffrait d’œdème, et sa situation empira à partir de juillet 1829. Au mois de novembre suivant, il dicta son testament ; à cette occasion, il décida de se convertir à la religion catholique, probablement à la suite des pressions exercées par les sulpiciens sur ce protestant. Il s’éteignit peu de temps après, le 28 janvier 1830. De cet homme aux allures patriciennes, qui avait une foi illimitée en la science, les historiens de l’art ont affirmé qu’il saisissait et résolvait fort bien les problèmes structuraux. Il avait eu la chance de faire ses preuves à une époque où la fonction d’architecte commençait à émerger, provoquant une scission entre la conception et l’exécution du travail dans l’industrie de la construction.

Robert Tremblay

Cette biographie doit beaucoup à l’ouvrage d’Olivier Maurault*, la Paroisse : histoire de l’église Notre-Dame de Montréal (2e éd., Montréal, 1957), 43–104, et tout particulièrement à celui plus récent de F. K. B. S. Toker, l’Église Notre-Dame de Montréal : son architecture, son passé, J.-P. Partensky, trad. (Montréal, 1981), dans lequel on retrouve une étude approfondie de la carrière de James O’Donnell. L’essentiel de la documentation sur cet architecte se trouve aux AP, Notre-Dame de Montréal, Reg. des délibérations du conseil de la fabrique, 1823–1829 ; on peut notamment y consulter 21 lettres et 173 dessins de la main d’O’Donnell.  [r. t.]

ANQ-Q, CE1-51, 1er févr. 1830 ; CN1-134, 14 nov. 1829.— Le Canadien, 29 oct. 1823.— La Minerve, 9, 16 juill. 1829.— Montreal Gazette, 12 juin, 4 sept. 1824, 4 févr. 1830.— Scribbler, 13, 24 juin 1824.— Charles Lipton, Histoire du syndicalisme au Canada et au Québec, 1827–1859, Michel van Schendel, trad. (Montréal, 1976).— Luc Noppen, les Églises du Québec (1600–1850) (Québec, 1977).— F. [K. B. S.] Toker, « James O’Donnell : an Irish Georgian in America », Soc. of Architectural Historians, Journal (Philadelphie), 29 (1970) : 132–143.

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Robert Tremblay, « O’DONNELL, JAMES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/o_donnell_james_6F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
Date de consultation:    28 novembre 2024