Provenance : Bibliothèque et Archives Canada/MIKAN 2838349
O’BRIEN, LUCIUS RICHARD, artiste, professeur de dessin et d’aquarelle, homme d’affaires et homme politique, né le 15 août 1832 au domaine The Woods, dans la baie Kempenfelt, près de Barrie, Haut-Canada, deuxième des six enfants d’Edward George O’Brien* et de Mary Sophia Gapper ; en 1860, il épousa à Orillia, Haut-Canada, Margaret St John (décédée le 10 novembre 1886), puis le 17 novembre 1888, à Toronto, Katherine Jane Parker, née Brough ; décédé sans enfants le 13 décembre 1899 au même endroit.
Élevé dans les forêts de l’intérieur à un endroit qui allait devenir Shanty Bay, Lucius Richard O’Brien acquit néanmoins auprès de ses parents un sens de la culture et de la responsabilité sociale conforme à la place que ceux-ci estimaient tenir dans la société. Sa mère était en effet de petite noblesse terrienne et son père, officier dans l’armée à la retraite, bien connu dans le comté de Simcoe, était un cousin issu de germain de sir Lucius O’Brien, futur baron Inchiquin. D’après l’un des premiers documents que l’on ait sur lui, le jeune Dick, comme on l’appelait dans sa famille, s’intéressa très tôt au dessin ; il put vraisemblablement donner libre cours à ce penchant à l’Upper Canada College de Toronto, qu’il fréquenta de 1844 à 1846 et où il étudia le dessin, peut-être sous la direction de John George Howard*, architecte et ingénieur. Selon certaines sources, O’Brien serait entré dans un bureau d’architectes en 1847 et aurait par la suite étudié puis exercé le génie civil.
La première œuvre connue d’O’Brien est une gravure publiée en 1849 dans The emigrant churchman in Canada [...]. En décembre de l’année suivante, l’artiste s’annonçait à Toronto comme maître de dessin et, en octobre 1851, il présentait un dessin de paysage à l’exposition annuelle du Toronto Mechanics’ Institute. Pendant les quelques années suivantes, il prépara des dessins, habituellement à caractère architectural, pour un certain nombre de graveurs et de lithographes torontois ; il continua aussi à exposer, comme en témoignent les deux prix de dessin qu’il remporta dans la catégorie professionnelle à la Upper Canada Provincial Exhibition de Hamilton en 1853. Durant toute l’année 1854, il fut maître de dessin dans une école de filles, à Toronto. On connaît un carnet de croquis qui contient des dessins datés réalisés près de Shanty Bay entre 1852 et 1859. Inscrit comme artiste dans l’annuaire de Toronto de 1856, O’Brien s’établit à Orillia, probablement l’année suivante, pour administrer une carrière qui appartenait à sa famille. Membre du conseil de ce village de 1858 à 1861, il en fut président en 1859 et en 1861. Il fut également marguillier à l’église St James de 1859 à 1861 et en 1863–1864. Il exploitait un magasin général en 1866.
Après son mariage en 1860 avec une femme de la région, O’Brien rangea son carnet d’esquisses. Il ne le reprit qu’en octobre 1868, pour croquer sur le vif des coins qu’il connaissait bien, près d’Orillia. Au mois de janvier suivant toutefois, il dessinait près de Montpellier, en France, et au début d’avril à Bulford, dans le Wiltshire, en Angleterre, où la famille de sa mère avait son domaine. De retour au Canada la même année, il s’établit à Toronto. On sait, d’après l’annuaire de 1870, qu’il était alors lié à la firme Quetton St George and Company, marchands généraux et importateurs de produits méditerranéens qui avaient de nombreux intérêts à Montpellier. Malgré ce que pourraient laisser croire les croquis de son séjour dans cette ville, il s’y serait occupé de commerce plutôt que d’art. Redevenu actif dans les cercles artistiques de Toronto, O’Brien entra en janvier 1873 dans la nouvelle Ontario Society of Artists et, en avril, il participa à son exposition inaugurale. L’année suivante, on le choisit pour remplacer le vice-président de la société, John Arthur Fraser, qui avait la réputation d’être querelleur. À ce poste, qu’il occupa avec distinction jusqu’à ce que Robert Harris* lui succède en 1880, sa plus grande réalisation demeure la fondation, sous les auspices de la société, de l’Ontario School of Art en 1876. Tout en y enseignant l’aquarelle, O’Brien fut membre du conseil de cette école jusqu’en 1879, puis il s’occupa essentiellement, avec deux autres personnes, de son administration.
On peut avancer plusieurs explications à la popularité soudaine qu’O’Brien connut, à l’âge de 42 ans, dans le milieu artistique torontois. Il est certain, d’une part, que ses manières d’aristocrate et son allure décidée, de même que les relations sociales qu’il avait pu nouer grâce à sa famille et à ses associés en affaires, lui donnaient l’air d’un chef de file. D’autre part, quoique rien ne prouve qu’il ait jamais fait d’études en peinture, les œuvres habiles et raffinées qu’il exposa presque tout de suite après son retour au Canada en 1869 montrent bien qu’il connaissait les préoccupations des aquarellistes paysagistes britanniques et les règles qu’ils venaient de se donner.
O’Brien travailla à l’aquarelle pendant les premières années et exposa de grandes images, pleines d’espace et de lumière, qui montrent le fourmillement des petits bateaux sur les voies navigables de l’Ontario. Comme Under the cliffs, Port Stanley, peinte en 1873 et aujourd’hui dans une collection particulière, toutes ses œuvres, harmonieusement équilibrées et délicates, sont pourtant extrêmement denses et d’une grande sensibilité. À petites touches de couleur, légères en certains endroits, plus intenses dans d’autres, l’artiste y modèle remarquablement la forme par une lumière subtile et changeante. Il s’agit d’une technique qu’utilisaient certains préraphaélites et leurs disciples en Angleterre depuis le milieu du siècle, dont William Holman Hunt, John Frederick Lewis et Myles Birket Foster. Cependant, par l’ordre et les formes mesurées qu’on y retrouve, les œuvres d’O’Brien rappellent davantage les vues topographiques bien connues des artistes de la génération précédente, quoique l’Anglais John Mogford, qui était presque son contemporain, fasse preuve d’un souci semblable des proportions et de la disposition des éléments dans ses tableaux, et d’une même prédilection pour les scènes de rivage. Henry Sandham* peignait à l’époque à Montréal des aquarelles du même genre, dont certaines sont d’une exécution parfaite, et Allan Aaron Edson*, qui travaillait aussi à l’aquarelle à Montréal, quoique dans une manière plus libre et moins linéaire, a laissé des œuvres mémorables, mais personne à Toronto ne pouvait rivaliser avec O’Brien, ce qui fut d’ailleurs souligné dans toutes les critiques d’expositions de l’époque.
Suivant un goût qui subsistait depuis Paul Kane*, O’Brien mettait souvent en scène des Indiens dans ses tableaux des années 1870. Ceux-ci ne sont toutefois pas les personnages romantiques de Kane, et O’Brien les rend à la manière naturaliste comme des familiers des rivières et des lacs, partie intégrante de la vie de la province à l’époque. Se vouant presque exclusivement à la peinture de paysages, toujours intéressé par l’eau – il aimait la voile et les bateaux en général –, O’Brien se sentit manifestement appelé à dépeindre la beauté majestueuse de sa terre natale et, pour le faire, il passa la plupart de ses étés à voyager et à remplir ses carnets d’esquisses. Après avoir parcouru la région d’Ottawa, d’Owen Sound et du lac Érié en 1873, il retourna apparemment l’année suivante aux lacs Érié et Huron, puis revint en 1875 et en 1876 dans la vallée de l’Outaouais. En 1876 également, il se rendit à l’Exposition universelle de Philadelphie, où six de ses grandes aquarelles figuraient parmi les œuvres canadiennes présentées dans le cadre de l’exposition internationale des beaux-arts. Sans doute inspiré par les œuvres européennes et américaines qu’il y avait vues, il commença à exposer des huiles au printemps suivant.
En 1877, l’Intercolonial rendit facilement accessible la région de la baie des Chaleurs, au Nouveau-Brunswick ; O’Brien fut parmi les premiers artistes torontois à s’y rendre pour dessiner. Cette année-là, il passa également un certain temps à Gloucester, au Massachusetts, et peut-être aussi à New York. Cet horizon qui reculait sans cesse devant lui – fidèle reflet des ambitions grandissantes des Canadiens – l’amena en 1878 à l’île Grand Manan, dans la baie de Fundy. La même année, il exposa pour la première fois avec la National Academy of Design, à New York. En février 1879, il alla se renseigner sur les écoles d’art de Boston pour le compte du département de l’Éducation de l’Ontario, puis il se rendit à Ottawa pour demander au nouveau gouverneur général, le marquis de Lorne [Campbell*], de se faire le protecteur de l’Ontario Society of Artists. Il irait ensuite dessiner pendant la plus grande partie de l’été suivant à Québec, et se rendrait aussi loin que la rivière Saguenay.
Comme dans ses aquarelles, O’Brien pouvait, dans ses huiles, rendre la lumière et l’atmosphère avec une précision et une beauté remarquables. Ses premières huiles – Natural Arches, near Dalhousie, N.B., par exemple, peinte en 1877 et aujourd’hui au Musée des beaux-arts de l’Ontario –, exécutées d’après les mêmes petits croquis à la mine de plomb et à l’aquarelle qui servaient aux grandes aquarelles qu’il peignait dans son studio, ressemblent d’ailleurs à celles-ci presque en tous points : par le thème, la composition, le sens de la forme et de la lumière, et même la façon d’appliquer la couleur par petites touches. Cependant, O’Brien commença bientôt à exploiter les caractéristiques propres au médium, et Northern Head of Grand Manan, une œuvre de 1879 dont George Brown* fut le premier propriétaire et qui est aussi au Musée des beaux-arts de l’Ontario, est déjà plus grandiose et témoigne d’un emploi plus spectaculaire des contrastes de lumière et d’ombre ainsi que d’une superbe virtuosité dans le rendu d’une gamme complexe d’atmosphères. Ce tableau, qui frôle le sublime, reflète une conception du paysage inspirée, en dernière analyse, du grand maître anglais du début du siècle, Joseph Mallord William Turner, ce Turner dont le critique anglais John Ruskin s’était fait le défenseur et l’interprète dans son important Modern Painters, publié de 1843 à 1860. Jamais on n’avait vu à Toronto une œuvre d’une telle envergure et d’une telle intensité dramatique, exécutée avec autant de brio.
Lorne fonda l’Académie royale canadienne des arts en 1880 et O’Brien en devint le premier président, charge qu’il assumerait durant dix ans. L’artiste, qui avait fait de nombreuses démarches auprès du prédécesseur de Lorne, lord Dufferin [Blackwood*], en vue de donner un caractère national à l’Ontario Society of Artists, n’eut aucune difficulté à l’obtenir pour la nouvelle académie dont Lorne était le protecteur. Celui-ci, pour sa part, avait beaucoup d’estime pour O’Brien, artiste canadien de premier plan dont il admirait les qualités de chef. La fondation de l’académie supposait également la création d’un musée national – la Galerie nationale du Canada, aujourd’hui appelée le Musée des beaux-arts du Canada – où chaque académicien déposerait son « morceau de réception ». Celui d’O’Brien, Sunrise on the Saguenay, peint en 1880, domina la première exposition de l’académie, dont le vernissage eut lieu à Ottawa en mars de la même année ; ce tableau est toujours demeuré par la suite une pièce importante de la collection du musée. Dans cette œuvre, sa plus grande toile, O’Brien employait pour la première fois et de manière saisissante des couleurs diaphanes et pastel qui rappelaient Albert Bierstadt, peintre américain populaire qu’il avait connu par l’intermédiaire de Dufferin et de Lorne. Ce dernier, qui avait acheté pour la collection royale quelques-unes des peintures présentées à cette exposition, n’hésita pas à prendre le risque de commander deux autres tableaux à O’Brien, des vues spectaculaires de la ville de Québec qu’on peut voir encore aujourd’hui au palais de Buckingham.
En 1880 également, on nomma O’Brien directeur artistique du projet de publication le plus ambitieux de l’époque, Picturesque Canada [V. George Monro Grant*], et cette nomination destinée à la fois à inspirer confiance au public et à obtenir l’appui d’autres artistes canadiens ne surprit personne. En effet, comme Picturesque Canada était en quelque sorte la suite d’un livre à succès américain et que, par surcroît, il était l’initiative des frères Belden, Howard Raymond et Reuben Booth, de Chicago, il fallait mettre l’accent sur la participation canadienne. On annonça d’abord que l’ouvrage, publié à Toronto, était entièrement réalisé par des écrivains et des artistes canadiens, quoique, des quelque 540 illustrations que contenaient les deux volumes terminés en 1884, moins du quart avaient été exécutées par des Canadiens, presque toutes par O’Brien ; les autres étaient des œuvres d’Américains qui avaient travaillé au livre précédent. Cette situation, que les commanditaires justifiaient par l’inexpérience des artistes canadiens dans la préparation d’œuvres destinées à être gravées, provoqua une violente querelle publique, et John Arthur Fraser, en particulier, s’offusqua de la manière dont on l’avait pratiquement exclu du projet.
Le revenu qu’O’Brien retira de l’entreprise lui permit en 1881 d’entreprendre la construction d’une imposante maison-studio, conçue par Frank Darling*, et lui donna le courage de quitter son poste à la Quetton St George and Company pour enfin se consacrer entièrement à sa peinture. L’année suivante, en grande partie grâce à lui, l’Ontario School of Art fut intégrée au système provincial d’enseignement ; il fut membre de son nouveau conseil durant deux autres années.
Ses nombreuses occupations n’empêchèrent pas O’Brien de continuer à voyager ; après s’être rendu à Ottawa en mars 1880 pour la première exposition de l’académie, il alla en Angleterre en juin, probablement pour s’occuper de Picturesque Canada, puis revint au Canada en août pour faire, à Québec, des croquis préparatoires aux deux peintures que Lorne lui avait commandées et qu’il souhaitait offrir à la reine. En 1881, comme Picturesque Canada accaparait la plus grande part de son énergie, il croqua ses scènes dans les alentours des Grands Lacs. L’année suivante, il présenta une grande toile, Kakabeka Falls, Kamanistiquia River, qui se trouve aujourd’hui au Musée des beaux-arts du Canada. Il n’exposerait pas d’autres huiles avant 12 ans. On ne sait d’ailleurs pas pourquoi O’Brien cessa de peindre à l’huile en 1882 après s’y être adonné seulement cinq ans, car les grands paysages héroïques, magnifiquement composés, qu’il exécutait sur toile avec beaucoup d’habileté et de sensibilité au médium étaient alors fort populaires. En mars 1882, il termina une troisième commande de Lorne, puis alla dessiner presque tout l’été à Québec, au Saguenay et dans le bas du Saint-Laurent, jusqu’à Gaspé.
Encouragé par l’appui de Lorne et enhardi peut-être par le succès de Picturesque Canada qu’on publiait en fascicules depuis environ un an et demi, O’Brien partit en juin 1883 pour l’Angleterre, où il demeurerait jusqu’en novembre ; il laissa quelques œuvres à un marchand de tableaux puis, après s’être arrêté à Windsor pour voir l’une de ses peintures dans la collection royale, il alla faire des croquis dans le Devon, dont certains lui serviraient à illustrer un article pour un périodique londonien. Son importante participation à une exposition de paysagistes canadiens et américains organisée par un marchand qui se spécialisait dans ce domaine fut le point culminant de son séjour. Les derniers fascicules de Picturesque Canada, pour lesquels O’Brien avait dessiné certains paysages de la Colombie-Britannique à l’aide de photographies, parurent au début de l’automne de 1884. Toute cette expérience lui avait permis d’améliorer sa technique du dessin et lui avait aussi été fort profitable sur le plan financier. La querelle publique avec Fraser, au début du projet, à propos de la faible représentation d’artistes canadiens autres que lui avait pris une tournure personnelle regrettable mais, grâce à son attitude aristocratique et à sa remarquable maîtrise de lui-même, O’Brien s’en était sorti indemne. Il semble être retourné dans la région du Saguenay pour dessiner durant une partie de l’été de 1884, puis avoir passé l’été suivant dans ses repaires familiers des environs des lacs Huron, Michigan et Supérieur.
Au milieu des années 1880, les critiques remarquèrent un changement dans le style de l’aquarelliste O’Brien. L’un d’entre eux qualifia ses œuvres récentes de « rêveuses, poétiques, harmonieuses et tendres », soulignant qu’elles avaient toutefois perdu la « netteté » qu’il aimait. De plus, il semble que l’artiste produisait moins qu’au début de la décennie. O’Brien ne s’était pas pour autant retiré de la scène publique et il annonçait que son studio demeurait ouvert à tous chaque samedi après-midi.
Pour attirer des touristes dans les Rocheuses, les responsables de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique, en particulier William Cornelius Van Horne*, décidèrent en 1886 d’envoyer des artistes dans l’Ouest par la ligne ferroviaire qu’ils venaient de terminer. O’Brien, qui dès 1883 avait préparé des illustrations pour la compagnie, fut naturellement le premier invité. Il quitta Toronto le 19 juin avec un autre artiste torontois, son ami John Colin Forbes, et se rendit directement aux monts Selkirk pour passer l’été dans la région. O’Brien voyagea dans l’Ouest à bord des trains de la compagnie en deux autres occasions. En 1887, il alla dessiner dans la région de Banff, du lac Louise et du col du Cheval-qui-rue, dans les Rocheuses, de la fin de juin jusqu’à la mi-août puis, après avoir atteint Victoria en septembre, il était de retour chez lui à la fin d’octobre. Au mois de juin de l’année suivante, il se rendit directement à Vancouver et passa tout l’été dans la région de Howe Sound, visitant les alentours en canot à voile en compagnie de deux guides chinooks.
Les aquarelles qu’O’Brien réalisa dans les Rocheuses et sur la côte ouest démontrent que l’artiste maniait toujours le pinceau avec une superbe maîtrise. Bien que certaines aient été de très grand format, toutes sont exécutées avec un soin du détail qui n’enlève rien au geste large de la composition par lequel le peintre donne toute leur majesté aux paysages qu’il traite. Ces vues stupéfiantes des cols, par exemple Through the Rocky Mountains, a pass on the Canadian highway, peinte en 1887 et aujourd’hui dans une collection particulière, et des forêts luxuriantes de la côte, comme A British Columbian forest peinte l’année suivante et aujourd’hui au Musée des beaux-arts du Canada, allaient s’imposer à l’imagination des Canadiens et faire écho à cette vision qu’ils avaient de leur pays : un territoire désormais accessible et d’une richesse naturelle sans borne. Après avoir occupé une place de premier plan parmi les participants canadiens à la Colonial and Indian Exhibition de Londres en 1886, O’Brien présenta à la Royal Academy of Arts de cette ville un paysage de montagnes, qui fut accepté en 1887, et au cours des deux années suivantes on put voir ses aquarelles dans diverses expositions londoniennes. Au Canada, il présenta ses paysages de montagnes avec ceux de Frederic Marlett Bell-Smith* à une exposition jumelée tenue par l’Association des beaux-arts de Montréal en mars 1888 ; au mois de février suivant, cette même association exposait les aquarelles qu’O’Brien avait peintes à Howe Sound. Encouragé par ce regain d’intérêt pour son œuvre, O’Brien fit un autre long séjour à Londres, principalement pour assister à sa première exposition solo inaugurée le 22 juin et dans laquelle il montrait ses scènes des Rocheuses et de la côte du Pacifique.
Ses aquarelles de cette période, pour la plupart de grands formats très travaillés qui, par leur échelle et l’ampleur du geste, s’imposent néanmoins à distance, révèlent qu’O’Brien souhaitait alors concurrencer directement les huiles dans les expositions, comme le voulurent durant quelque temps certains maîtres aquarellistes britanniques. Il vendit quelques œuvres pendant cette exposition mais, malgré les brèves critiques positives qu’il reçut dans les journaux de Londres, il ne fit pas de percée sur la scène londonienne ; la plupart des noms qui figurent sur une liste d’invités de l’époque sont d’ailleurs ceux de gens qu’il avait connus : lord Inchiquin, lord Dufferin, le marquis de Lorne et des dirigeants de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique.
O’Brien quitta la présidence de l’Académie royale canadienne des arts en 1890 et ouvrit sa propre école d’art, le Studio Drawing Club. Au cours de l’été, il retourna dessiner à Québec et dans le bas du fleuve, où il n’était pas allé depuis huit ans. En décembre, il tint une exposition solo à Toronto, événement qu’il répéterait tous les ans jusqu’en 1894. En janvier 1892, il démissionna de l’Ontario Society of Artists pour protester contre ce qu’il estimait être une baisse de la qualité des œuvres présentées aux expositions annuelles. Au mois de mars suivant, il tint une exposition solo à Montréal et engagea un marchand de New York, à qui il rendit visite en septembre. En 1893, il donna un caractère plus structuré aux cours qu’il dispensait dans son studio et forma le Palette Club ; pour faire valoir les critères de qualité qui selon lui manquaient à l’Ontario Society of Artists, cette association sélecte organisa deux expositions en 1893 et deux autres en 1894. Cette même année, O’Brien recommença à exposer des huiles de dimensions modestes, des toiles d’atmosphère remplies de lumière. Ses aquarelles devenaient de plus en plus mouillées, mais les larges traits de lavis témoignaient de la même maîtrise que les détails minutieux de ses œuvres antérieures. Il retourna dessiner à l’île Grand Manan au cours de l’été puis se rendit à New York au mois d’avril suivant. Quoique rien n’indique qu’il ait jamais fait de sculpture ou de modelage, O’Brien fut élu, en novembre 1895, à Toronto, président de l’éphémère Guild of Sculpture of Ontario.
Le même mois, également à Toronto, avait lieu une rétrospective des œuvres à l’aquarelle d’O’Brien, qui allait marquer essentiellement la fin de la carrière de l’artiste. Il continua à donner des cours privés et à dessiner sur la rivière Severn et ailleurs dans la région de Barrie-Orillia durant l’été, mais ses derniers travaux d’illustration parurent en février 1896. En mai, il se laissa réélire à l’Ontario Society of Artists. La maladie allait cependant l’empêcher de peindre à compter de février 1899, et O’Brien ne fit jamais le voyage dans le Sud et sur la côte ouest pour lequel on avait amassé de l’argent, grâce à une vente aux enchères tenue en mai 1899.
La peinture de Lucius Richard O’Brien cessa totalement d’être à la mode après sa mort, mais la charge de premier président de l’Académie royale canadienne des arts qu’il occupa si longtemps garantissait que son nom ne serait pas oublié. Son dévouement envers l’académie et envers l’Ontario Society of Artists avait permis à ces deux groupes de s’affirmer en tant qu’institutions culturelles indispensables dans leur communauté respective. L’héritage le plus tangible qu’O’Brien ait laissé, cependant, c’est sa peinture, un ensemble d’œuvres qui a pris de l’importance avec le temps. Grâce à elle, et elle seule, nous pouvons vraiment comprendre comment O’Brien a dominé le monde de l’art canadien durant deux décennies, et offert une vision du Canada qui a précisé ce qu’évoquait le pays pour toute une génération et qui se répercute encore aujourd’hui dans la conscience canadienne.
Lucius Richard O’Brien est l’auteur de « Art education – a plea for the artizan », Rose-Belford’s Canadian Monthly and National Rev. (Toronto), 2 (janv.–juin 1879) : 584–591. Un certain nombre des lettres qu’il a écrites des Montagnes Rocheuses et de la Colombie-Britannique ont été publiées dans le Globe, 15 juill., 27 août 1887, et dans le Toronto Daily Mail, 29 juill., 4 sept. 1886, 16 août 1888 ; certaines ont été réimprimées dans le Daily Colonist (Victoria), 11 sept. 1887, et dans le News Advertiser (Vancouver), 1er janv. 1889. Une gravure publiée dans [A. W. H. Rose], The emigrant churchman in Canada, by a pioneer of the wilderness, Henry Christmas, édit. (2 vol., Londres, 1849), est l’œuvre la plus ancienne qui atteste son activité artistique. Les établissements publics qui possèdent ses peintures comprennent les PABC, Visual records Division ; le Glenbow Museum (Calgary) ; le Musée du N.-B., Dept. of Fine and Decorative Arts ; l’Agnes Etherington Art Centre, Queen’s Univ. (Kingston, Ontario) ; le Musée des beaux-arts du Canada (Ottawa) ; la Division de l’art documentaire des AN ; et, à Toronto, le Musée des beaux-arts de l’Ontario, la Government of Ontario Art Coll. qui se trouve à l’Hôtel du Gouvernement de l’Ontario et la Hist. Picture coll. de la MTRL.
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Dennis Reid, « O’BRIEN, LUCIUS RICHARD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/o_brien_lucius_richard_12F.html.
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Auteur de l'article: | Dennis Reid |
Titre de l'article: | O’BRIEN, LUCIUS RICHARD |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
Année de la révision: | 1990 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |