MURRAY, ROBERT, rédacteur en chef et auteur, né le 25 décembre 1832 à Earltown, Nouvelle-Écosse, sixième des sept enfants de John William Murray et de Christina Matheson ; le 24 août 1867, il épousa à Halifax Elizabeth Carey*, et ils eurent sept enfants, parmi lesquels une fille et quatre fils parvinrent à l’âge adulte ; décédé le 12 décembre 1910 à Halifax.

Les parents de Robert Murray étaient originaires du comté de Sutherland, en Écosse. Ils immigrèrent en Nouvelle-Écosse en 1822 et se fixèrent dans ce qui allait devenir le comté de Colchester. Jusqu’au moment de la construction d’une église presbytérienne à Earltown, le père de Murray, qui était catéchiste, tint chez lui des offices dominicaux en anglais et en gaélique. Les nombreux livres religieux qu’il avait apportés d’Écosse alimentèrent les premières lectures de ses enfants.

Tout comme son frère aîné William, Robert Murray fréquenta la Free Church Academy de Halifax, dont il sortit en 1852. Ensuite, il alla au Free Church College, où il obtint son diplôme en 1857. L’Église libre de la Nouvelle-Écosse l’autorisa à prêcher en septembre 1858, mais il ne fut jamais ordonné ministre. Trois ans auparavant, il s’était joint à l’équipe d’un hebdomadaire de Halifax, le Presbyterian Witness, and Evangelical Advocate. Il avait fait si bonne impression que, tout de suite, on lui avait offert le poste de rédacteur en chef. En janvier 1856, il divisa le journal en deux sections et les imprima sur des pages différentes. Ainsi, on pourrait lire la section profane la semaine et la section religieuse le dimanche. Murray fit du Witness un journal populaire dans l’ensemble des Maritimes et de Terre-Neuve. De 1861 à 1875, il fut aussi rédacteur en chef du Home and Foreign Record. Ce mensuel de l’Église presbytérienne des provinces Maritimes de l’Amérique du Nord britannique publiait surtout les procès-verbaux des assemblées de synode et des lettres de missionnaires œuvrant à l’étranger.

Murray avait des idées bien arrêtées sur tout un éventail de questions. Favorable à la fusion de l’Église libre de la Nouvelle-Écosse et de l’Église presbytérienne de la Nouvelle-Écosse, qui eut lieu en 1860, il acquit la conviction que, tôt ou tard, toutes les confessions protestantes devraient s’unifier. Par contre, il qualifiait de « funeste pour l’âme » le courant ritualiste de l’Église d’Angleterre et comptait parmi les ennemis déclarés du catholicisme. Il avait une prédilection pour la congrégation presbytérienne de St Anne, dans l’Illinois, dont le ministre était l’ancien prêtre catholique Charles Chiniquy*. Régulièrement, le Witness publiait la liste des bienfaiteurs de la congrégation. En 1873, Chiniquy, en tournée de financement, fut l’hôte de Murray à Halifax. À Antigonish, les catholiques reçurent Chiniquy en lui lançant des pierres. Murray accusa Mgr Colin Francis MacKinnon* et ses prêtres d’avoir provoqué ce gestte. Menacé de poursuite en diffamation, il se rétracta, non sans laisser entendre que l’évêque était responsable des agissements des prêtres et des paroissiens.

Murray adorait les débats politiques et rédigeait pour le Witness des éditoriaux passionnés. Les richesses naturelles de l’Amérique du Nord britannique l’émerveillaient et lui servirent d’arguments, en 1865, contre ceux qui envisageaient la Confédération avec scepticisme : « N’avons-nous pas plus de blé qu’il nous en faut et n’en aurions-nous pas encore assez même si nous étions cinquante millions ? N’avons-nous pas assez de charbon et de fer ? N’avons-nous pas des ports, des cours d’eau, des forêts à perte de vue ? N’avons-nous pas les meilleurs lieux de pêche au monde ? Alors, comment peut-on dire que la Confédération est géographiquement impossible ? L’Amérique britannique est nôtre et, si nous n’allons pas de l’avant et n’en prenons pas possession, le monde entier et le tribunal de l’Histoire nous condamneront. » Par ailleurs, Murray prenait parti pour les écoles non confessionnelles et avait salué en 1863 la réouverture du Dalhousie College. C’était aussi un vigoureux partisan de la tempérance. L’Intercolonial était une autre des causes qu’il défendait. S’étant rendu en train de Halifax à Truro, il notait en 1861 : « [c’est] tout à fait confortable, spacieux, bien aéré, rapide et sûr – et cela ne coûte que neuf shillings quatre pence et demi – alors que, avant, nous déboursions vingt shillings pour nous faire brasser, étouffer et rôtir dans la vieille diligence ».

En 1863, Murray publia dans le Witness, sous le titre de « A letter to my country friends », une série de portraits humoristiques d’hommes politiques néo-écossais. Joseph Howe*, écrivait-il, était « agréable à entendre quand son discours ne s’étir[ait] pas » ; Charles Tupper* était « un petit homme féroce [et] fougueux » ; John Chipman Wade, du comté de Digby, était un « petit rageur faiblard, inconsistant et plat [qui], de temps à autre, a[vait] des emportements semblables aux détonations d’un pistolet à bouchon ». Quant à ses propres tendances politiques, il en disait ceci : « Parfois, des gens qui devraient se mêler de leurs oignons me demandent à quel parti j’appartiens – si je suis tory – radical – libéral bon teint ou libéral-conservateur. À toutes ces questions je donne la plus brève réponse qui soit – Non ! Ce sont de pauvres fous, ceux qui placent leur foi politique en un parti ou en un groupe d’hommes ; je ne le ferais pas pour tout l’or que contient le quartz de la Nouvelle-Écosse. »

À plusieurs reprises, l’éditeur du Witness, James Barnes, envoya Murray en voyage pour agrémenter le journal de la « correspondance du rédacteur en chef ». Le plus mémorable de ces voyages eut lieu en 1862 : Murray assista à des assemblées presbytériennes à Édimbourg et visita l’International Exhibition de Londres. Ses lecteurs eurent droit à des commentaires sur sa traversée de l’Atlantique, sur l’exposition, sur les parlementaires, sur les églises d’Angleterre, d’Écosse, de Paris et de Bruxelles et sur le lieu d’origine de sa famille, le Sutherland.

En 1867, Murray s’était déjà taillé une réputation d’auteur : Henry James Morgan* signalait en effet, dans Bibliotheca canadensis, que, tout en collaborant au Witness et au Home and Foreign Record, il avait publié des articles sur « des questions littéraires, sociales, économiques et scientifiques » dans des périodiques de Londres, d’Édimbourg, de Glasgow, de New York, de Philadelphie et de Boston. En 1884, Murray collabora à Picturesque Canada, publié à Toronto sous la direction de son ami le révérend George Monro Grant. Il rédigea la section sur l’Île-du-Prince-Édouard et participa à la rédaction des sections sur la Nouvelle-Écosse et le Cap-Breton. En outre, il se fit connaître par des hymnes. From ocean unto ocean, probablement le plus célèbre d’entre eux, lui fut inspiré par une traversée du Canada en train. Des critiques littéraires ont dit que cet hymne était « profondément humain et compatissant [...] tout ce que doit être un véritable hymne ». D’autres hymnes, tels Our blessed bond of union et In Christ we are all one, ont figuré dans des recueils de l’Église presbytérienne, de l’Église d’Angleterre et de l’Église unie. Pendant un temps, Our loved dominion bless, hymne à une seule stance, a été la troisième strophe de God save the queen. Murray écrivait des vers depuis l’âge de neuf ans ; il en publiait dans le Witness, mais il est impossible de savoir combien de poèmes étaient de lui.

Murray participait à toutes les affaires de l’Église presbytérienne. Membre du synode et du comité sur la fusion formé par l’Assemblée générale, il participa à des assemblées dans tout le Canada. D’abord, sa famille fréquenta l’église Chalmers, dans le centre de Halifax, où il était conseiller presbytéral. La population de l’ouest de la ville devenant par la suite de plus en plus nombreuse, il aida à ouvrir l’église Coburg Road. Elle fut consacrée en novembre 1894 ; Robert Alexander Falconer* et lui en furent les premiers conseillers presbytéraux. En outre, Murray joua un rôle dans d’autres organismes de Halifax. Il figura parmi les membres fondateurs du Halifax Infants’ Home, de la Nova Scotia Society for the Prevention of Cruelty [V. John Naylor] et de la Nova Scotia Historical Society. Il fut aussi secrétaire de la Young Men’s Christian Association et de l’Evangelical Alliance, secrétaire honoraire de la British American Book and Tract Society, administrateur du Dalhousie College et président de la Halifax Civic Improvement League.

La vie familiale de Murray présentait ceci de particulier que lui-même et sa femme habitaient avec les riches filles de l’orfèvre Peter Nordbeck*. Avant son mariage, Elizabeth Carey avait été la demoiselle de compagnie d’Antoinette Nordbeck et de sa sœur Caroline, qui était invalide. Lorsqu’il se maria, Murray alla vivre lui aussi chez les Nordbeck, dans la chic rue Brunswick. Comme la famille Murray s’accroissait rapidement, Antoinette Nordbeck acheta en 1879 une propriété de 43 acres avec une grande maison et des dépendances, le domaine Studley. Les Nordbeck et les Murray y cohabitaient dans l’harmonie, semble-t-il ; Robert y disposait de son propre bureau avec bibliothèque. Ses enfants avaient beaucoup de vénération pour lui, même si, le jour du Seigneur, il leur imposait une conduite stricte. Quand Antoinette Nordbeck mourut en 1898, sa part de la succession paternelle et la responsabilité de prendre soin de Caroline allèrent à Elizabeth Murray. Quatre ans plus tard, Caroline mourut à son tour. À ce moment-là, tous les enfants des Murray, sauf un fils, avaient quitté le domaine.

En 1902, Murray reçut un doctorat honorifique en droit de la Dalhousie University. En 1905, en l’église St Matthew, on célébra ses 50 ans à la tête du Witness. On chanta quatre de ses hymnes les plus connus ; il y eut des présentations et des discours, dont une allocution historique du recteur de la Dalhousie University, John Forrest*. Murray mourut en décembre 1910, quelques jours après avoir contracté une pneumonie. Partout au Canada, des journaux annoncèrent son décès. Le dimanche qui suivit ses funérailles, on célébra un service commémoratif à l’église Chalmers (anciennement l’église Coburg Road, rebaptisée en 1904). En cette occasion, deux de ses amis de toujours, Forrest et le révérend Edward Manning Saunders*, ministre de l’église First Baptist de Halifax, lui rendirent hommage.

Selon Forrest, Robert Murray était « aussi ferme que le roc dans ses convictions et dans la défense de ce qu’il croyait juste ». Aujourd’hui, on serait indisposé par le dogmatisme de ses articles sur le catholicisme, le ritualisme des anglo-catholiques, l’observance du dimanche et la tempérance, mais les gens de son époque, les presbytériens surtout, partageaient ses vues et estimaient qu’il n’avait « jamais fait preuve d’étroitesse d’esprit ou d’intolérance en matière religieuse ou ecclésiastique ». Ses textes profanes ont mieux traversé le temps : ils forment un vaste et vivant tableau de ce qu’étaient, au xixe siècle, la Nouvelle-Écosse et les lieux qu’il visita au cours de ses voyages. Sa petite-fille, Elizabeth Murray Stevenson, a choisi des extraits du Witness et les a publiés dans des revues d’histoire ; les lecteurs leur ont fait bon accueil.

Conformément aux vœux de son défunt mari, Elizabeth Murray vendit le domaine Studley à la Dalhousie University en 1910 afin d’aider celle-ci à prendre l’expansion dont elle avait grandement besoin. Depuis cette date, la propriété porte le nom de campus Studley. La maison elle-même a abrité des bureaux départementaux et un logement pour les concierges jusqu’à sa démolition en 1949.

Joan Murray Payzant

Une photographie de Robert Murray, prise vers 1905, et une photographie de la famille Murray sont en la possession de l’auteure, la petite-fille du sujet.

Robert Murray a contribué au volume 2 de Picturesque Canada : the country as it was and is, G. M. Grant, édit. (2 vol., Toronto, 1882-[1884]) par les entrées intitulées « Nova Scotia » (p. 789–841), écrit en collaboration avec Mme A. Simpson, « Cape Breton » (p. 841–852), avec John Stewart McLennan*, et « Prince Edward Island » (p. 853–866). Des extraits de la série de 1863 de Murray, « A letter to my country friends », édités par sa petite-fille, Elizabeth Murray Stevenson, sont reproduits dans N.S. Hist. Quarterly, 10 (1980) : 143–157.

AN, MG 25, 93.— Daily British Whig, 3 févr. 1911.—- Daily Echo (Halifax), 29 avril 1902.— Halifax Herald, 19 déc. 1910.— Manitoba Morning Free Press, 13 déc. 1910.— Presbyterian Witness, 8 janv. 1848–déc. 1910.— Vancouver Daily Province, 12 déc. 1910.— Jim Bennet, « Shades of Studley past », Dalhousie Alumni Magazine (Halifax), 5 (1988), n° 1 : 7–9.— G. A. Burbidge et al., Historical sketches of St. Andrew’s Church (Halifax, 1949).— R. J. Long, Nova Scotia authors and their work : a bibliography of the province (East Orange, N.J., 1918).— A. E. Marble, Nova Scotians at home and abroad, including brief biographical sketches of over six hundred native born Nova Scotians (Windsor, N.-É., 1977).— E[lizabeth] M[urray] Stevenson, « Robert Murray tackles confederation », N.S. Hist. Rev., 1 (1981), n° 1 : 33–38 ; « The Witness » (texte dactylographié, Peterborough, Ontario, [1984 ?]), introduction et c.l ; « The Witness », N.S. Hist. Quarterly, 10 : 41–57.— J. M. Payzant, « Rob and Francie » (texte dactylographié, Dartmouth, N.-É., 1989) [récit généalogique destiné aux descendants immédiats de Robert Harper Murray et sa femme, Frances Creighton Murray].— Presbyterian Church of the Lower Provinces of British North America, Home and Foreign Record (Halifax), 1 (1861).— W. M. Ross, « Child rescue : the Nova Scotia Society for the Prevention of Cruelty, 1880–1920 » (thèse de m.a., Dalhousie Univ., Halifax, 1976).— Tratt, Survey of N.S. newspapers.

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Joan Murray Payzant, « MURRAY, ROBERT (1832-1910) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/murray_robert_1832_1910_13F.html.

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Auteur de l'article:    Joan Murray Payzant
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
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