MURRAY, JOHN, officier et administrateur colonial, né vers 1739 en Irlande ; il épousa Mary Pasco, et ils eurent au moins deux fils ; décédé le 4 mai 1824 à Paris.

Entré dans l’armée britannique le 6 mars 1760 comme enseigne, John Murray servit dans différentes parties du monde et devint général de brigade en 1796. Deux ans plus tard, il fut affecté en Nouvelle-Écosse, sous les ordres du prince Edward* Augustus, commandant des forces armées des Maritimes. Jamais Murray n’éprouva de sympathie pour la société de Halifax, qui n’aimait d’ailleurs pas son « tempérament hautain et despotique ». Murray s’aliéna le prince en suggérant que le roi pourrait être contrarié s’il emmenait à Londres sa compagne, Mme de Saint-Laurent [Montgenet], et irrita le lieutenant-gouverneur, sir John Wentworth*, en l’empêchant de mettre ses terres en valeur aux frais du gouvernement. Au début de 1799, les deux hommes furent donc contents que Murray, à titre d’officier supérieur de la région atlantique, soit nommé administrateur du Cap-Breton, colonie dont le lieutenant général James Ogilvie* implorait d’être retiré.

Murray quitta Halifax en juin, non sans qu’on lui ait d’abord exposé, jusque dans leurs plus sombres détails, les querelles politiques qui agitaient le Cap-Breton. Les partis adverses, qui se disputaient la confiance du chef de la colonie, étaient dirigés respectivement par le révérend Ranna Cossit* et par le procureur général David Mathews*. Quand Murray arriva dans l’île du Cap-Breton le 21 juin, il se méfiait particulièrement de Mathews, contre qui on l’avait mis en garde à Halifax. Il tenta cependant d’observer la même neutralité que le lieutenant-gouverneur absentéiste William Macarmick* et constitua son Conseil exécutif de membres des deux partis. Dans les faits, Mathews rendit impossible le maintien de cet équilibre. En juillet, Murray essaya de rapprocher les deux côtés en donnant un dîner pour le conseil, mais Mathews refusa de s’attabler avec ses adversaires politiques. Les relations entre les deux hommes commençaient à se détériorer.

Étant donné l’impétuosité de Murray, le renvoi de Mathews paraissait certain. Pourtant, Murray ne pouvait pas se laisser aller à son impulsion, car ses ennemis le surveillaient de Halifax. Sûr qu’ils seraient ravis de voir Mathews se détourner de la politique et même qu’ils l’encourageraient, il décida de se ménager autant d’appuis que possible à Sydney avant de frapper le procureur général. De leur côté, Cossit et ses partisans voyaient l’occasion de gagner la faveur de Murray et de détruire Mathews. Murray avait deviné juste à propos de ses ennemis : alors même qu’il arrivait à Sydney, Edward Augustus et le major général John Despard négociaient son remplacement à titre de commandant militaire, et dès l’automne parvenaient à Sydney des rumeurs selon lesquelles Murray serait bientôt rappelé. Le clan Cossit se mit à distribuer des pétitions demandant que Murray reste au Cap-Breton ; le groupe adverse rédigea une résolution-précisant qu’il n’appuyait pas les pétitions.

Dès lors assuré de quelques appuis, Murray décida de frapper. Une dépêche du duc de Portland, secrétaire d’État à l’Intérieur, lui apporta en octobre 1799 l’approbation qu’il avait demandée : le duc lui permettait de destituer Mathews. En novembre, il lui retira donc le poste de procureur général et le remplaça par William Campbell ; un mois plus tard, il faisait accepter par les membres du conseil que Mathews ne soit plus des leurs. Mathews n’allait pas abandonner la partie sans réagir : Murray n’avait aucune autorité légale, fit-il remarquer, puisque son mandat était fait au nom de Thomas Murray, erreur de transcription que Murray lui-même avait déjà signalée au ministère de l’Intérieur. N’étant nullement d’humeur à discuter, Murray démit aussi de leurs fonctions les partisans de Mathews, dont le secrétaire William McKinnon*, le conseiller Archibald Charles Dodd et le cojuge en chef Ingram Ball*.

Tous ces affrontements politiques n’empêchèrent pas Murray de consacrer du temps au progrès de la colonie. Peu après son arrivée, il employa les 150 soldats amenés par Ogilvie à l’achèvement d’une route reliant Sydney au bras nord-ouest du port de Sydney. Il améliora aussi la route de Sydney à la rivière Mira et commença la construction d’une nouvelle caserne, d’une résidence pour le lieutenant-gouverneur, d’une brasserie et d’un marché.

Sa principale réalisation fut cependant l’accroissement de la production de charbon. Il voulait que l’on creuse un nouveau puits de mine, car il lui semblait que le puits déjà en exploitation serait bientôt épuisé. Les locataires des mines, Jonathan Tremain et Richard Stout*, prétendaient que le charbon était encore abondant, mais Murray se méfiait d’eux et pensait qu’ils laisseraient expirer leur bail avant de forcer le gouvernement à défrayer le creusage d’un nouveau puits. Il conclut que le gouvernement devait prendre la direction des mines mais, voyant que ce serait trop coûteux, il offrit à Tremain et à Stout de forer un nouveau puits s’ils renouvelaient leur bail. Au moment où le contrat allait être signé, en octobre 1799, le surintendant des mines, James Miller, mourut. Comme Murray hésitait à confier à Tremain et à Stout l’exploitation des mines sans la supervision de Miller, il laissa le bail arriver à échéance. Pendant ce temps, Stout pilla impitoyablement le puits. Après qu’il eut placé les mines sous l’autorité de la couronne, Murray nomma Campbell surintendant et l’invita à collaborer avec la sœur de Miller, Jane, qui connaissait l’exploitation minière et avait le sens des affaires. Un nouveau puits fut ouvert sans délai ; dès l’été de 1800, ce puits, avec une nouvelle jetée, permettait d’augmenter les envois de charbon. Ce fut aussi Murray qui apporta une première grande innovation dans le traitement des mineurs : il commença à les payer en espèces, à intervalles réguliers, brisant ainsi l’emprise que Tremain et Stout exerçaient sur eux en les payant en nature.

Entre-temps, la position de Murray comme administrateur s’affaiblissait. Apparemment, il avait réduit le parti de Mathews à l’impuissance, mais ses membres n’en communiquaient pas moins au duc de Kent [Edward Augustus] et à Wentworth tout renseignement susceptible de mener à son renvoi. En mars 1800, sur la foi de ces informations, le duc accusa Murray de nommer des officiers au conseil. Murray reconnut le bien-fondé de l’accusation, mais souligna que dans le passé lieutenants-gouverneurs et administrateurs avaient agi de même à cause de la pénurie de candidats civils qualifiés ; il ne faisait donc qu’observer un précédent. Comme l’argument était incontournable, le duc n’insista pas et envoya Despard, qui avait reçu une lettre de nomination au commandement militaire, prendre son poste.

Murray, qui avait craint d’être remplacé, n’était pas prêt à rendre tranquillement les armes. Dès le moment où Ogilvie avait été nommé commandant militaire, on avait cru qu’il exercerait aussi l’autorité en matière civile ; Murray s’appuya donc sur la formulation de la lettre de nomination de Despard pour conserver le pouvoir civil après l’arrivée de ce dernier, en juin 1800. Despard fut désorienté et, sur l’avis de Wentworth, décida d’attendre son heure. Au début de septembre, Wentworth acquit la conviction que le commandant des troupes était aussi, d’office, chef civil ; il avisa donc Despard de se préparer à prendre la relève.

Comme Murray refusait de quitter tranquillement son poste, la querelle fut réglée par la force. Despard avait l’avantage parce qu’il commandait les militaires et que le capitaine de la milice était le fils de Richard Stout, adversaire de Murray. Le 17 septembre, Despard convoqua une réunion du conseil pour se faire proclamer administrateur. Murray étant encore populaire à cause de ses réalisations, une foule s’assembla devant la résidence du gouverneur. On appela la milice pour prévenir une émeute. Murray ne put rien faire : la présence des soldats et des miliciens empêcha ses partisans de se présenter à la réunion. Son seul recours fut d’envoyer William Smith* en Angleterre pour qu’il explique son cas, mais cela ne donna rien. Despard ne prit aucune disposition contre Murray, mais il le laissa pâtir jusqu’à la fin de juin 1801.

On ignore ce que fut la carrière de Murray après son départ du Cap-Breton, quoique l’on aie dit qu’il fut prisonnier dans la France de Napoléon pendant 12 ans. À cause de son ancienneté, il fut promu major général le 25 septembre 1803, lieutenant général le 25 octobre 1809 et général le 12 août 1819. Au moment de sa mort, il habitait Paris.

Le sort de John Murray illustre fort bien comment la situation désespérée du Cap-Breton d’avant 1800 pouvait briser une carrière. Malgré son enthousiasme et ses bonnes intentions, Murray fut victime des luttes de clans, des maladresses du ministère de l’Intérieur et de l’ingérence de la Nouvelle-Écosse dans les affaires du Cap-Breton. Néanmoins, il parvint à détruire le pouvoir de David Mathews et à apporter des améliorations dont ses successeurs allaient bénéficier.

Robert J. Morgan

APC, MG 11, [CO 217] Nova Scotia A, 131.— PRO, CO 217/117–118.— [William Smith], A caveat against emigration to America ; with the state of the Island of Cape Breton, from the year 1784 to the present year ; and suggestions for the benefit of the British settlements in North America (Londres, 1803).— The royal military calendar, containing the service of every general officer in the British army, from the date of their first commission [...], John Philippart, édit. (3 vol., Londres, 1815-[1816]), 1.— R. J. Morgan, « Orphan outpost ».

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Robert J. Morgan, « MURRAY, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/murray_john_6F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
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