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MOSTOS (Moostoos, c’est-à-dire « le bison » ; appelé à l’occasion Louis Willier), chef cri des Bois, trappeur et pêcheur, né vers 1850 à l’extrémité ouest du Petit lac des Esclaves (Alberta), aîné des dix enfants de Masinigoneb et de Marie Kowikkiu ; le 7 novembre 1892, il épousa à cet endroit Niyaniskipimuttew (Navette Auger), et ils eurent au moins deux fils et une fille adoptive ; décédé le 19 novembre 1918 dans la réserve indienne Sucker Creek (Alberta) au cours de l’épidémie de grippe espagnole.
Les fonctionnaires gouvernementaux firent la connaissance de Mostos au moment des négociations du traité no 8. Un territoire immense était en jeu : la moitié nord de l’Alberta actuelle ainsi que des portions de ce qui est maintenant la Colombie-Britannique, la Saskatchewan et les Territoires du Nord-Ouest. Les Cris des Bois, les Castors, les Sèkkanais, les Chipewyans et d’autres nations habitaient ce territoire. Mostos et son jeune frère Kinosew (Kinoosayo) furent les principaux représentants des Cris aux pourparlers de juin 1899 à la pointe Willow, au Petit lac des Esclaves. Cette année-là, Kinosew fut reconnu chef des habitants de la région du lac et Mostos, représentant principal. Chacun avait sa manière de négocier, mais tous deux défendirent avec fermeté les intérêts des Amérindiens. Ils cherchaient à protéger le mode de vie traditionnel de leur peuple et à obtenir des bénéfices supplémentaires afin d’assurer la survie des générations futures. Pour sa part, le gouvernement du Canada voulait garantir un passage sûr aux prospecteurs d’or qui se rendaient au Yukon et ouvrir la région à l’exploitation minière et au peuplement.
Les négociations commencèrent le 20 juin et durèrent deux jours. Après les cérémonies d’ouverture, le commissaire des Affaires indiennes, David Laird, exposa les conditions de traité offertes par le gouvernement et souligna que, loin d’être restreinte, la liberté de chasser, de pêcher et de piéger serait confirmée. Kinosew répondit en affirmant le droit de négocier des conditions supplémentaires à l’avantage de son peuple. Mostos l’appuya mais ouvrit également différentes voies de discussion et eut tendance à se montrer plus conciliant. Il insista sur la nécessité, pour les Indiens et l’homme blanc, de vivre en paix, peut-être en partie parce que l’âge lui avait enseigné la prudence et parce que, semble-t-il, il était en bons termes avec l’Église catholique et le père Albert Lacombe, qui accompagnait les commissaires. « Notre contrée est en train d’être morcelée, dit-il à Laird. Je vois venir l’homme blanc et je veux que nous soyons amis. Je vois ce qu’il fait, mais il vaut mieux que nous soyons amis. » Par la suite, il aborda la question de l’instruction et reçut une réponse positive du commissaire. « Nous aussi, poursuivit-il, nous désirons que nos enfants soient instruits, encore faut-il savoir quel genre d’instituteurs le gouvernement veut nous donner. Prétend-il nous imposer ceux qui lui plaisent, ou bien voudra-t-il tenir compte de nos sentiments ? » Un correspondant de l’Edmonton Bulletin, parlant de l’éloquence de Mostos, nota : « on le reconnaît comme étant l’orateur de son peuple dans cette contrée, et il l’est certainement ».
Dans les années qui suivirent la conclusion du traité, Mostos et Kinosew exercèrent des pressions pour que le gouvernement honore ses promesses. En 1900, avec d’autres représentants, ils réclamèrent la délimitation d’une réserve à l’est de la rivière Driftpile, sur le Petit lac des Esclaves. En 1910 toutefois, après s’être rendu compte que, tout comme les autres chefs, Kinosew et Mostos avaient chacun leurs partisans, les autorités fédérales créèrent une réserve pour Kinosew à la rivière Driftpile et une réserve pour Mostos à Sucker Creek. Bien que les fonctionnaires aient continué de donner à Mostos le titre de représentant principal, les membres de sa bande le considéraient de toute évidence comme leur chef, et il dirigea la bande de Sucker Creek jusqu’à la fin de sa vie. On le tenait aussi pour un sorcier et un guérisseur. Dans sa famille, on s’est transmis de génération en génération le sac à médecines dans lequel il rangeait des plantes médicinales et des objets dotés d’un grand pouvoir spirituel.
Même le chef d’une famille élargie ne pouvait échapper aux conséquences de l’afflux des prospecteurs dans la région du Petit lac des Esclaves. En septembre 1904, des membres de la bande de Sucker Creek signalèrent « certaines choses étranges » à l’officier local de la Gendarmerie royale à cheval du Nord-Ouest. Celui-ci descendit donc avec Mostos jusqu’à un feu de camp abandonné, sur une piste peu fréquentée, près du ruisseau Sucker. Là, les deux hommes découvrirent les restes calcinés d’un cadavre. Des membres de la bande aidèrent le policier à chercher des indices (Mostos leur fit même assécher un bourbier voisin). Divers effets personnels furent trouvés. Le prospecteur Charles King fut accusé d’avoir assassiné l’homme avec lequel il allait, semble-t-il, chercher de l’or au Yukon. Au procès, tenu à Edmonton en mars 1905, Mostos et un certain nombre de ses partisans déposèrent à titre de témoins vedettes de la couronne. Le Daily Edmonton Bulletin les dénigra ; l’avocat de la défense, à bout d’arguments, suggéra qu’ils avaient peut-être participé au meurtre. Cependant, King fut reconnu coupable. Le procès fut annulé à cause d’un vice de procédure, mais en juin, un deuxième procès aboutit au même verdict, même si la défense tenta encore de blâmer les Amérindiens.
Sur des photographies prises par Ernest Brown, Mostos se présente comme un chef amérindien imposant et paré avec élégance. Vêtu d’un costume européen, il porte aussi des mocassins, un foulard, une écharpe et un gros crucifix. Peut-être sa tenue symbolise-t-elle ce qui faisait sa force en tant que chef, à savoir sa faculté d’adaptation et la sagesse avec laquelle il réagit aux changements radicaux que subissait son peuple.
AN, RG 10, 7777, dossier 27131-1 (mfm aux Provincial Arch. of Alberta, Edmonton).— Arch. of the Archdiocese of Grouard-McLennan (McLennan, Alberta), Constant Falher, « Moostoos or Mustus is Louis Willier (Masinigoneb) » (généalogie, 1939).— Indian Assoc. of Alberta, Treaty and aboriginal rights research (Edmonton), lettre de S. St. Amour, dép. des Affaires indiennes, Ottawa, à Victoria Caillou, 6 nov. 1984, donnant la liste des chefs et conseillers de la bande de Sucker Creek, 1899–1983, à partir de listes des rentes ; Louise Zuk, « Documentation relating to the historical separateness of Swan River and Sucker Creek in the pre-treaty era » (oct. 1987) [comprend la version anglaise du texte des négociations du traité no 8 que donne Grouard, cité ci-dessous].— Daily Edmonton Bulletin, 1–10 mars, 27–29 juin 1905.— Edmonton Bulletin, 6–10 juill. 1899.— Canada, Treaty no 8, made June 21, 1899, and adhesions, reports, etc. (Ottawa, 1966).— Richard Daniel, « The spirit and terms of Treaty Eight », dans The spirit of the Alberta Indian treaties, Richard Price, édit. (Montréal, [1979] ; réimpr., Edmonton, 1987), 47–100.— René Fumoleau, As long as this land shall last : a history of Treaty 8 and Treaty 11, 1870–1939 (Toronto, [1975 ?]).— [É.-J.-B.-M.] Grouard, Souvenirs de mes soixante ans d’apostolat dans l’Athabaska-Mackenzie (Lyon, France, et Winnipeg, [1925]), 367–370.— D. F. K. Madill, Treaty research report : Treaty Eight (Ottawa, 1986 [i.e. 1987]).— Charles Mair, Through the Mackenzie basin : a narrative of the Athabasca and Peace River treaty expedition of 1899 (Toronto, 1908).— David Young et al., Cry of the eagle : encounters with a Cree healer (Toronto, 1989 ; réimpr., 1990).
Richard T. Price et Cora Voyageur, « MOSTOS (Moostoos) (Louis Willier) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/mostos_14F.html.
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Auteur de l'article: | Richard T. Price et Cora Voyageur |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
Date de consultation: | 2 décembre 2024 |