MORIN DE FONFAY, JEAN-BAPTISTE (habituellement désigné sous le nom de Morin), officier colonial, né vers 1717 à Louisbourg, île Royale (île du Cap-Breton), fils aîné de Claude Morin et de Madeleine Lamouraux-Rochefort, il vivait encore en 1793.

En 1696, Claude Morin, de Chinon, en France, émigra à Plaisance (Placentia. Terre-Neuve), puis, en 1713, déménagea à l’île Royale. Son fils Jean-Baptiste entra au service du commissaire ordonnateur de Louisbourg en 1737, et il servit à titre de commis, sous les ordres d’André Carrerot*, jusqu’à la chute de la forteresse, en 1745. Jean-Baptiste Morin fut alors employé par l’administration du port de Rochefort (France), sauf pendant un intervalle de sept mois, au cours duquel il s’embarqua pour le Canada avec la désastreuse expédition du duc d’Anville [La Rochefoucauld*]. Pendant son exil en France, Morin épousa Marie-Charlotte Boschet de Saint-Martin, fille d’un commerçant de Louisbourg.

À son retour à Louisbourg, en 1749, Morin fut nommé notaire royal et greffier du Conseil supérieur ; il conserva ce dernier poste jusqu’en 1753. Il était aussi employé dans les bureaux du commissaire ordonnateur, Jacques Prevost de La Croix. Quand, en 1752, Prevost révoqua le garde-magasin Pierre-Jérôme Lartigue, Morin lui succéda, sous réserve de l’approbation du ministre. L’année suivante, Séguin, le contrôleur, allié de Lartigue, contesta la nomination de Morin, affirmant que celui-ci et son frère Antoine étaient de connivence pour vendre au gouvernement les marchandises de leurs amis. Les Morin fournirent quelques approvisionnements, entre 1737 et 1757, mais il est difficile de dire si leurs méthodes furent plus malhonnêtes que celles de tout autre. Le ministre ordonna que l’on destituât Morin de son poste ; Prevost se porta à sa défense, et l’intendant Bigot intervint en sa faveur. Morin, apparemment, répondit victorieusement aux accusations, puisqu’il se maintint à son poste, bien qu’il ne l’obtînt jamais à titre permanent.

Qu’il eût profité ou non de ses différentes fonctions, Morin était suffisamment prospère, dans les années 1750, pour susciter la jalousie et s’attirer des dénonciations. En 1753, une requête anonyme les accusait, lui et son frère, de même que Jean Laborde et Nicolas Larcher, de mettre en vigueur des prix inférieurs à ceux des fournisseurs de Saint-Malo en important des vivres des colonies américaines. Il est difficile de déterminer l’importance réelle de sa fortune ; on sait, toutefois, qu’il affirma avoir investi 10 500ª provenant de ses épargnes dans des expéditions de corsaires en 1757.

Après le siège de 1758, au cours duquel il fut blessé, Morin passa en France, pour y connaître des moments difficiles. Ce n’est qu’en 1762 qu’il fut nommé garde-magasin des colonies à Rochefort ; même là, la surveillance de l’emballage du matériel fut soustraite à sa juridiction, de crainte que son honnêteté ne fût mise à l’épreuve. Ce poste fut éliminé, dans le cadre d’une réforme administrative, en 1771, mais Morin continua de travailler à la comptabilité jusqu’en 1773. Après un court mandat comme commissaire des classes, à Rochefort, il fut mis à la retraite en 1776, avec une pension annuelle de 2 000#.

Apparemment, Morin décida de réintégrer l’administration navale après que son fils aîné, officier dans les troupes de la Marine servant alors en Guadeloupe, se fut lourdement endetté. En 1781, avec l’appui du prince de Conti, il obtint un poste, de nouveau à titre de commissaire des classes, d’abord à Saintes, puis à Angers. En avril 1783, des employés de l’Etat découvrirent que Morin avait détourné 15 000# de la caisse des invalides pour honorer des lettres de change que son fils avait tirées sur lui. Il fut emprisonné jusqu’en octobre 1786. En dépit de suppléments de pension à sa femme et d’un emploi donné à son fils cadet dans l’administration navale, Morin fut réduit à la pauvreté. Ses demandes pour une pension furent rejetées, bien qu’en 1792 celle de sa femme fût de nouveau augmentée.

Dans ses requêtes au ministre, tout au long de sa carrière – la dernière est de 1793 – Morin prit soin de faire valoir les services qu’il aurait rendus à la couronne. Il prétendit que, pendant la mutinerie de 1744, il avait aidé Carrerot à regagner la confiance des troupes, qu’il avait vu à l’approvisionnement des soldats et des habitants pendant et après le siège de 1745, et qu’en 1749 il avait dirigé l’embarquement pour Louisbourg. Il insistait sur son efficacité dans la réorganisation du magasin après le renvoi de Lartigue, sur son désintéressement, qui lui fit tenir à ses frais les archives de l’île Royale après son retour à La Rochelle en 1758, sur la diligence avec laquelle il avait dirigé l’envoi de 150 navires de ravitaillement dans les colonies en 1763–1764 et sur son honnêteté, qui lui fit refuser une participation dans l’armement des navires. Jusqu’à quel point ces prétentions étaient-elles exactes ? Tout ce qu’on peut dire, c’est que le gouvernement contesta uniquement ses allégations au sujet des archives.

En dépit des accusations du contrôleur Séguin, qui paraissent avoir assombri sa carrière, Morin semble avoir été un employé de l’État compétent. Il profita, à l’instar de bien d’autres dans l’administration royale, de l’imprécision des frontières entre le domaine public et le domaine privé, de l’avancement dû à l’influence et au favoritisme, et des procédés comptables approximatifs qui étaient un encouragement aux serviteurs du roi à utiliser les fonds de l’État à leurs propres fins, comme à engager leur propre argent au service du roi avec l’espoir de futures récompenses. Comme certains autres, Morin devait être, un jour, victime de ce système.

T. J. A. Le Goff

AN, Col., C8B, f.21 et F2C, 4, ff.198, 227, détail des voyages de Jean-Baptiste Morin (Maurin) : deux fois de Louisbourg à la Martinique en 1752 et une fois à Saint-Domingue (île d’Haïti) en 1755. Les registres et les dossiers des occupants de la paroisse de la forteresse de Louisbourg laissent croire que ces voyages n’ont pu erre faits par Morin de Fonfay. Un document aux AN, Section Outre-Mer, G ;, 2 047/2, 3 juin. 1753, confirme l’existence d’un Jean Maurin de Saint-Domingue qui mourut en 1753 et pour qui, Antoine, le frère de Morin de Fonfay, servit d’exécuteur testamentaire.  [t. j. a. l.]

AN, Col., B, 97, f.316 ; 168, f.232 ; C11B, 29, f.171 ; 33, ff.328, 424–425, 475 ; 34, f.122 ; 36, ff.28, 36, 145 ; C11C, 11 ; 12 ; D2C, 7, p. 111 ; 101, p.186 ; E, 317 (dossier Jean-Antoine-Charles Morin) ; Marine, C2, 42, pp.48–63 ; 43, p.120 ; 45, p.317 ; 48, p.155 ; 55, f.244 ; C7, 220 (dossier Jean-Baptiste Morin de Fonfay) ; CC7, dossier Morin de Fonfay ; Pierre-Louis-Joseph Morin ; Section Outre-mer, G1, 408 ; 410 ; G3, 2 045, 21 oct. 1757 ; 2 047/2, 21 juill. 1752 ; 2 055, 15 janv. 1713.

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T. J. A. Le Goff, « MORIN DE FONFAY (Morin), JEAN-BAPTISTE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/morin_de_fonfay_jean_baptiste_4F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
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