MERMET, JEAN, jésuite, missionnaire au pays des Illinois de 1698 à 1716 ; né le 23 septembre 1664 à Grenoble, mort le 15 septembre 1716 à Kaskaskia (Illinois).

Mermet entra comme novice au séminaire d’Avignon en 1683 et il étudia à Embrun en 1685 et 1686. Il enseigna ensuite successivement à Carpentras, à Roanne et à Vesoul. Il termina ses études en théologie à Dole de 1692 à 1696 et passa sa dernière année d’études à Salins. Il vint au Canada en 1698.

On l’envoya immédiatement dans l’Ouest pour apporter son aide à la mission de l’Ange-Gardien (Chicago) et aux villages voisins où habitaient les Indiens miamis et illinois. Le père François Pinet, qui dirigeait la mission de l’Ange-Gardien, y résidait pendant l’été, mais passait l’hiver en aval de la rivière des Illinois ou encore avec les Indiens qu’il suivait dans leurs expéditions de chasse. Mermet suivit peut-être cette coutume, bien que le père Marc Bergier ait écrit en 1702 que Mermet avait été réduit à la misère au cours de l’hiver passé à Chicago. À cette époque, Mermet dirigeait la mission car, en 1700, Pinet était allé vivre chez les Kaskaskias. Lorsque Mermet quitta Chicago, au printemps de 1702, ce fut la fin de la mission de l’Ange-Gardien.

En 1702, Mermet devint l’adjoint du père Claude Aveneau à la mission établie en territoire miami, sur la rivière Saint-Joseph (Mich.). En avril de la même année, Mermet écrivit à Cadillac [Laumet] que les Miamis demandaient avec insistance aux Anglais d’établir un poste près de la rivière Saint-Joseph, ce qui voulait dire que les Français devaient envoyer des renforts à leur poste. Cadillac pensa que c’était là tout au plus une autre machination des Jésuites qui voulaient renforcer leur position et minimiser ainsi les efforts que lui-même déployait à Détroit. Il fit alors remarquer, avec beaucoup d’ironie : « il [Mermet] escrit par Missilimakinak, et il y a de quoy s’estonner de ce qu’il n’est pas desjà à Québec et les Anglais aux Miamis ».

Au cours de l’été de 1702, Mermet, qui était maintenant en mission chez les Kaskaskias, fut nommé aumônier de l’expédition de Charles Juchereau de Saint-Denys, qui avait reçu une concession pour établir une tannerie près du confluent de l’Ohio et du Mississipi. Le détachement de Juchereau prit Mermet avec lui en passant à Kaskaskia, en août 1702, et arriva à destination (près de Cairo, Ill.) vers la fin de l’automne. Les Jésuites avaient été envoyés pour aider Juchereau mais, malgré cette aide, le poste ne fut jamais florissant. En novembre 1702, le père Pierre-Gabriel Marest écrivait : « Le P. [Mermet] qui est avec luy n’est pas fort content, il n’est ni missionnaire n’ayant point de Sauvage, ni aumosnier n’ayant point de retribution. »

Une tribu de Mascoutens, sans doute attirée par le nouveau poste, vint bientôt s’établir dans les parages. Mermet œuvra parmi eux, mais ne parvint pas à briser le pouvoir des sorciers. À une certaine occasion, il eut avec un sorcier mascouten une discussion théologique restée célèbre. Le sorcier vénérait le bison, qu’il considérait comme son manitou. Mermet parvint à le convaincre qu’il n’adorait pas le bison, mais l’esprit qui vivait dans tous les bisons, et que l’homme, maître de tous les animaux, était forcément animé par le plus grand des manitous. Mermet finissait en disant que, puisqu’il en était ainsi, pourquoi n’invoquerait-on pas Celui qui est le maître de tous les autres ? Par la suite Marest écrivit que « Ce raisonnement déconcerta le Charlatan, et c’est tout l’effet qu’il produisit ».

À peu près à la même époque, une épidémie ravagea le village mascouten et le poste. Mermet fit de son mieux pour soigner les malades mais, en récompense, on ne fit qu’abuser de sa bonté et les quelques Indiens qu’il parvint à baptiser moururent peu de temps après. Plus de la moitié de la tribu avait succombé au cours de l’épidémie, qui entraîna également la mort de Juchereau (1703). Mermet quitta vraisemblablement le poste en 1704, mais quelques survivants français y restèrent au moins pendant toute l’année 1706.

On ne sait trop ce que fit Mermet après avoir quitté le poste de Juchereau mais il a peut-être servi quelque temps dans une mission en territoire miami. En novembre 1704, Cadillac parlait de Mermet comme du « missionnaire du village des Miamis ayoatanouns. » Mermet arriva à la mission de Kaskaskia en 1705 ou 1706 et y resta jusqu’à sa mort.

En 1706, Mermet prit soin du père Jacques Gravier, qui était tombé dans une embuscade, avait été blessé, et était gardé prisonnier par des Indiens péorias. Il opéra Gravier au bras, le soigna et l’envoya à Mobile. En 1707, Gravier écrivit que Mermet s’était dépensé sans compter, qu’il était maintenant en très mauvaise santé et qu’il pouvait à peine travailler. À Kaskaskia, le père Marest écrivit lui aussi, en parlant du dévouement de Mermet, que « malgré sa faible santé […] il est l’ame de cette Mission ».

Les années que Mermet passa à Kaskaskia furent bien remplies et fécondes. Il faisait fonction d’officiant aux baptêmes, aux mariages et aux enterrements, il desservait les villages indiens du voisinage et tentait de se gagner l’amitié des Péorias, une tribu indienne hostile. En février 1715, Mermet annonçait la mort de son regretté camarade, Pierre-Gabriel Marest, et ajoutait qu’il avait été un missionnaire d’une ferveur incomparable. La même année, il envoya plusieurs lettres aux autorités de Montréal, les mettant en garde contre le projet des Anglais qui voulaient occuper la région au confluent du Mississipi et de l’Ohio.

Mermet mourut à Kaskaskia le 15 septembre 1716. En décembre 1727, la translation de ses restes dans la nouvelle paroisse de Kaskaskia fut effectuée par le père Jean-Antoine Le Boullenger. Tout au long de sa carrière, Mermet ne se trouva jamais entraîné dans aucun scandale important et ne prit part à aucune polémique. Ses réussites furent toujours modestes et ses échecs n’eurent pas de grandes conséquences. Il personnifie pourtant le missionnaire dévoué qui, en dépit d’une faiblesse physique, poursuivit son travail d’évangélisation dans un pays reculé pendant de longues années. Les revers qu’il connut au poste de Juchereau étaient dus principalement à des raisons en dehors de sa volonté. La grande réussite des missions de l’Illinois provenait en grande partie du travail de Gravier et de Marest, mais tous deux reconnurent la dévotion de Mermet et combien il leur avait été utile. Mermet eut la joie de faire partie d’une action missionnaire au sujet de laquelle Gravier a écrit (en latin) : « Nous avons tout juste le temps de respirer, en raison du nombre toujours croissant de néophytes et à cause de leur grande ferveur. »

Donald Chaput

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Donald Chaput, « MERMET, JEAN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/mermet_jean_2F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1969
Année de la révision:    1991
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