MELANÇON (Melanson), MARIE-VÉNÉRANDE, dite de Sainte-Claire, hospitalière de l’Hôtel-Dieu de Québec, supérieure, née le 11 novembre 1754 à Annapolis Royal, Nouvelle-Écosse, fille de Jean-Baptiste Melançon et de Marie-Anne Robichaud ; décédée le 13 octobre 1817 à Québec.
D’origine acadienne, Marie-Vénérande Melançon arrive à Québec avec sa famille, probablement vers la fin de l’année 1757. À l’instar de beaucoup d’autres familles acadiennes émigrées à cette époque, les Melançon doivent subir la famine qui sévit alors à Québec de même que les rigueurs de la guerre de Sept Ans et vivre le début du Régime anglais dans la misère. En 1760 et 1761, ils habitent Charlesbourg où les parents font baptiser deux enfants.
Entrée au monastère de l’Hôtel-Dieu le 10 août 1774, à l’âge de 19 ans, Marie-Vénérande est admise à prononcer ses vœux sous le nom de Sainte-Claire le 25 février 1776. Cependant, la Révolution américaine ayant entraîné l’invasion de la province de Québec [V. Benedict Arnold ; Richard Montgomery*], la ville se trouve assiégée depuis le début de décembre 1775. En conséquence, la cérémonie de profession est retardée jusqu’au 17 juin 1776, après que les Américains eurent levé le siège. Des conditions exceptionnelles sont consenties aux Melançon pour la dot de leur fille qui est admise pour 2 400# des 3 000# habituellement requises pour une religieuse de chœur. Toutefois, de cette somme, seulement 1 200# sont versées au début de juin 1776 par des personnes charitables, tandis que les parents sont déchargés des 1 200# qui restent, en échange de quoi ils abandonnent à la communauté de l’Hôtel-Dieu la part de succession qui pourrait revenir à leur fille. Par ailleurs, deux ans plus tôt, l’abbé Joseph-Mathurin Bourg*, vicaire général en Acadie, avait promis de donner 600# dont il aura payé 532#, le 9 septembre 1777. La réduction de la dot s’explique non seulement par la modeste situation de la famille Melançon, mais aussi par le besoin de nouveaux sujets qu’éprouve la communauté. Depuis 1755, la faiblesse du recrutement, jointe aux effets de la maladie, avait entraîné une diminution et un vieillissement des effectifs religieux de l’Hôtel-Dieu qui, pendant une période d’environ 30 ans, n’accueillera que 12 postulantes de chœur pour ne plus dénombrer que 2 professes en 1787.
Jusqu’en 1787, Marie-Vénérande de Sainte-Claire, qui « avoit de l’adresse sur tout [et] réussissoit bien aux fleurs artificielles », contribue, par le produit de ses travaux manuels, aux efforts de la communauté en quête de revenus destinés à surmonter de lourdes dettes. En octobre, Mgr Hubert* la nomme dépositaire des pauvres, poste qu’elle occupe jusqu’à son élection comme assistante en 1799. À ce titre, elle travaille de concert avec la supérieure, Marie-Geneviève Parent, dite de Saint-François d’Assise, au projet de reconstruction de la chapelle, détruite lors de l’incendie survenu à l’Hôtel-Dieu en 1755, et à sa mise en œuvre à compter du printemps de 1800. Les travaux sont encore peu avancés quand elle est élue supérieure en 1801, mais les cérémonies de consécration ont lieu deux ans plus tard, avant la fin de son mandat.
Après avoir dirigé la communauté pendant la durée maximale permise de deux triennats consécutifs, Marie-Vénérande de Sainte-Claire redevient assistante en 1807 et le demeure jusqu’au moment où elle reprend la direction en novembre 1813. Son nom est associé à un projet qui prend forme au printemps de 1816 : la reconstruction de l’hôpital. Peu après l’incendie de 1755 qui avait aussi rasé l’hôpital et le monastère, les hospitalières n’avaient fait reconstruire que ce dernier, affectant le rez-de-chaussée de l’aile est au soin des malades. Les troupes britanniques l’occupèrent en 1759, et ce n’est qu’après leur départ, en 1784, que l’hôpital, toujours logé dans le monastère, put réouvrir ses portes à la population civile. Il comptait alors dix lits pour les hommes et huit pour les femmes, soit moins que sous le Régime français. L’accroissement de la population le rendit vite trop exigu, mais ses revenus ne permettaient pas que l’on songeât à construire un nouvel établissement. En 1812, les religieuses firent appel au gouvernement pour assurer les dépenses ordinaires et obtinrent une subvention annuelle de £300 pour le soulagement des malades. Pendant quatre ans, elles économisèrent à partir des sommes ainsi versées, et c’est finalement au printemps de 1816 que le projet de reconstruction prit forme. Après les débats internes sur les dimensions du futur hôpital, Marie-Vénérande de Sainte-Claire assure l’évêque du respect de sa communauté pour les décisions qu’il prendra. Mgr Plessis* juge inutile de recourir aux services d’un architecte et suggère de s’en remettre à l’avis des maçons. Les travaux commencent le 8 octobre 1816, mais, après quelques progrès, les hospitalières reconnaissent que leurs moyens sont insuffisants.
Le 7 février 1817, Marie-Vénérande de Sainte-Claire présente une requête à la chambre d’Assemblée pour obtenir l’assistance gouvernementale. Cependant, le projet des religieuses suscite la désapprobation de quelques propriétaires de la rue des Pauvres (côte du Palais). Ceux-ci allèguent que l’hôpital est trop près de la rue, engendrant un voisinage désagréable et malsain, et que, dans les villes policées, les hôpitaux sont relégués en dehors de l’enceinte. Outre l’insalubrité de l’air, il en résultera, selon eux, une dépréciation de leurs propriétés. En réponse, une contre-pétition, signée par 209 citoyens, appuie les hospitalières. Finalement, la chambre d’Assemblée se rend à la demande de l’Hôtel-Dieu, mais le projet de loi est rejeté par le Conseil législatif. En avril 1817, une souscription populaire est organisée afin de parer aux travaux de l’année et de pouvoir utiliser les matériaux déjà rendus sur le chantier. Au cours de l’année suivante, les religieuses obtiendront gain de cause et, avec l’aide du gouvernement, les travaux se poursuivront jusqu’en 1825.
Marie-Vénérande de Sainte-Claire ne connut toutefois pas le dénouement de ses démarches car une fièvre maligne l’emporta le 13 octobre 1817 après sept jours de maladie. Durant ses 41 ans de vie religieuse, elle fut 8 ans assistante et un peu moins de 10 ans supérieure, fonction qu’elle remplissait à sa mort. Elle occupait également le poste de conseillère sans interruption depuis le 28 janvier 1788.
Arch. de l’évêché d’Yarmouth (Yarmouth, N.-É.), Saint-Jean-Baptiste-de-Port-Royal (Annapolis Royal, N.-É.), Reg. des baptêmes, mariages et sépultures, 15 janv. 1755 (mfm au CÉA).— Arch. du monastère de l’Hôtel-Dieu de Québec, Actes capitulaires, I : ff.57–64 ; Corr., Clergé séculier, Arthur Melançon, 26 sept. 1899 ; Évêques, Pierre Denaut, J.-O. Plessis et A.-B. Robert, nos 7–11 ; B.-C. Panet, A.-B. Robert, no 1 ; J.-O. Plessis, nos 1, 2 ; Dossier des vœux, no 116 ; Élections triennales et annuelles, I : 190–212, 214, 220 ; II : 3–21 ; Hôpital, Copies de lettres, requêtes, états de comptes, Législature, 1801–1892 : 6–10, 14–21, 23s. ; Notes et mémoires des anciennes mères, armoire 5, cahiers 2/1–2 ; Notices biographiques, M.-V. Melançon.— Tanguay, Dictionnaire, 5 :587.— Arsenault, Hist. et généal. des Acadiens (1965), 1 : 466s.— H.-R. Casgrain, Histoire de l’Hôtel-Dieu de Québec (Québec, 1878), 401, 430, 446, 470–472, 506s., 591.— Raymonde Landry Gauthier, « Les constructions de l’Hôtel-Dieu de Québec (1637–1960) » (travail présenté à l’univ. Laval, 1974), 28.
François Rousseau, « MELANÇON (Melanson), MARIE-VÉNÉRANDE, dite de Sainte-Claire », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/melancon_marie_venerande_5F.html.
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Auteur de l'article: | François Rousseau |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |