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McCORD, THOMAS, homme d’affaires, juge de paix, officier de milice, agent de développement agricole, homme politique et fonctionnaire, né le 7 février 1750 dans le comté d’Antrim (Irlande du Nord), dixième enfant et cinquième fils de John McCord et de Margery Ellis ; décédé le 5 décembre 1824 à Montréal.
On pense que les McCord s’appelaient à l’origine Mackay (Mac-Aoidh) et qu’ils avaient émigré de l’Argyllshire, en Écosse, vers le comté d’Antrim. Dès 1764, le père de Thomas McCord était établi à Québec, où il se lança dans les affaires en société avec un horloger dublinois, James G. Hanna*, qui était d’ailleurs son parent par alliance et, plus tard, avec son fils aîné, John McCord. En 1770, Thomas McCord fit ses débuts comme marchand à Québec, ainsi qu’à Montréal où, en mars 1771, il obtint une licence l’autorisant à vendre de l’alcool et où il fonda ensuite une société avec George King ; celle-ci fut déclarée dissoute en 1779 mais, en 1785, les deux hommes étaient encore associés. En juillet 1787, McCord dirigeait la Compagnie de la distillerie de Montréal, dont le marchand et seigneur Jacob Jordan* était un important bailleur de fonds. L’exploitation de deux alambics de cuivre se faisait dans un grand bâtiment de pierre situé rue Saint-Sacrement, entre les rues Saint-Nicolas et Saint-Pierre. En 1788, Jordan fit saisir l’entreprise pour recouvrer sa créance. En janvier 1789, la compagnie fut vendue aux enchères à un consortium dont faisaient partie McCord et King [V. Isaac Todd*]. Ne connaissant pas plus de succès que ses prédécesseurs, le groupe dissolut l’entreprise en 1794 et la vendit à Nicholas Montour* en octobre. Dans l’intervalle, en février 1793, on annonça de nouveau la fin de l’association entre McCord et King, et « leur maison élégante et commode et leurs spacieux magasins sur la rue Notre Dame » furent mis en vente, mais sans trouver preneur.
À l’instar de nombreux marchands bas-canadiens de cette époque, McCord faisait des investissements et de la spéculation foncière. Le 23 juillet 1792, il avait obtenu de l’Hôtel-Dieu un bail de 99 ans pour l’arrière-fief Nazareth, ferme voisine de la propriété des Sœurs de la charité de l’Hôpital Général. Le loyer annuel de £25 étant versé aux pauvres de l’Hôtel-Dieu, la ferme était connue sous le nom de « Grange des Pauvres ». Entre avril 1793 et avril 1803, il obtint des baux pour des lots attenants à l’arrière-fief, qui appartenaient à la Congrégation de Notre-Dame et aux sulpiciens. McCord avait l’intention de cultiver la terre et de mettre la ferme en valeur. En 1795, il fit venir d’Angleterre des livres traitant de jardinage ainsi que des plants de framboisiers et de groseilliers à maquereau et à grappes ; il expérimenta une grande variété de légumes, d’épices et de fleurs avec des graines que lui avait envoyées son représentant londonien, Jacques Terroux.
Dès le milieu des années 1790, McCord commença à jouir d’une certaine considération dans la ville de Montréal. En 1778, il avait été admis chez les francs-maçons, dans la St Andrew’s Lodge No. 2 ; en 1780, il avait été nommé secrétaire de la St Peter’s Lodge No. 4, au sein de laquelle il fut promu maître deux ans plus tard ; en 1788, il était déjà grand secrétaire provincial. En juillet, on le nomma juge de paix, et son mandat fut renouvelé de nombreuses fois. Lieutenant dans la milice britannique de Montréal dès 1790, il conserva ce grade probablement jusqu’à ce qu’il quitte cette unité vers 1802. De plus, en 1790, il fut membre du conseil d’administration de la succursale montréalaise de la Société d’agriculture. Deux ans plus tard, à titre de président du jury d’accusation, il critiqua la lenteur de la procédure judiciaire à la Cour du banc du roi à Montréal et dénonça le délai d’incarcération des prisonniers qui en découlait « au de là du tems convenable et nécessaire pour l’examen de leur procès ». Depuis 1784, il signait des pétitions émanant de la communauté des marchands qui exigeaient l’annulation de l’Acte de Québec et, entre autres, l’établissement d’une chambre d’Assemblée. Au printemps de 1792, il comptait parmi les 20 marchands influents qui appuyèrent les candidatures de James McGill*, de John Richardson, de Joseph Frobisher* et d’Alexander Auldjo dans les deux circonscriptions de la ville, lors des premières élections législatives. Il faisait partie du comité montréalais de l’Association, organisation provinciale fondée en 1794 pour appuyer le gouvernement britannique dans la colonie.
Au début de décembre 1796, McCord s’embarqua pour l’Irlande, dans le but d’y régler la vente de certaines propriétés et de s’occuper de ses relations d’affaires, qui comptaient apparemment la firme Houx and James Hanna et le marchand William Hanna, de Newry (Irlande du Nord). En novembre, il avait signé un bail de 14 ans pour louer une partie de l’arrière-fief Nazareth et des terrains avoisinants à Daniel Sutherland et Robert Griffin, au coût annuel de £100 et, en mai 1800, il loua le reste à Griffin pour la même durée et moyennant £45 par an. Ce fut Patrick Langan, ami intime de McCord et mari de sa nièce, qui mena les négociations à sa place. Malgré l’intention de McCord de ne rester en Irlande qu’une seule saison, l’agitation politique qui aboutit à une rébellion entrava la vente des terrains, l’obligeant ainsi à prolonger son séjour jusqu’en 1805. Il était déjà en difficulté financière avant de quitter Montréal et, en dépit des bénéfices que rapportait la sous-location de ses propriétés, ses affaires dont Langan assurait la gestion sur place continuèrent de péricliter durant son absence. En 1799, King menaça de poursuivre McCord pour recouvrer sa créance. L’année suivante, le shérif saisit leur propriété de la rue Notre-Dame. En décembre 1801, McCord fit faillite. Finalement, en octobre 1805, Langan avait déjà fait saisir par le shérif le bail de la « Grange des Pauvres », pour l’acheter lui-même aux enchères qui suivirent et la revendre ensuite à Griffin.
McCord revint à Montréal pour redresser ses affaires et ne tarda pas à s’établir comme marchand général. Là encore, il connut des revers de fortune que ses dettes envers les héritiers de King aggravèrent probablement. En 1807, il devint agent de la seigneurie de Villechauve, communément appelée Beauharnois, où il s’installa temporairement. En 1814, Griffin lui céda de nouveau le bail de l’arrière-fief Nazareth (dès lors connu sous le nom de Griffintown) où, en fin de compte, il s’établit. Mais il semblait collectionner les mauvaises créances : entre avril 1816 et novembre 1818, il demanda au shérif de saisir les biens de 12 de ses débiteurs et, en 1820 et 1821, les biens de 5 autres de ses emprunteurs furent mis aux enchères. À la fin de 1822 ou au début de 1823, il demanda au Parlement la permission de construire un marché sur un lot dont il était locataire mais, apparemment, il n’obtint pas satisfaction.
McCord se tint vraiment à l’écart de la vie publique durant la période de son marasme financier mais, en 1809, il refit surface pour se présenter comme candidat indépendant aux élections législatives dans Montréal-Ouest où il convoitait l’un des deux sièges. Avec 288 voix, il arriva en seconde position derrière Denis-Benjamin Viger*, qui en récolta 343. Au cours de la session, brève mais orageuse, qui se poursuivit jusqu’en 1810, McCord appuya toujours résolument le gouverneur sir James Henry Craig* et accorda son suffrage au parti des bureaucrates. Lors de la campagne suivante, il retira très vite sa candidature dans la circonscription de Montréal-Ouest, ses anciens partisans lui reprochant vivement d’avoir signé une adresse de bienvenue à Montréal à l’intention du gouverneur Craig. Il connut ensuite la défaite dans Huntingdon. Cependant, de 1816 à 1820, il fut député de Bedford.
Au début de 1810, à titre de magistrat de police et de doyen des juges de paix, McCord présida avec Jean-Marie Mondelet* la Cour des sessions trimestrielles ; ce mandat s’inscrivit dans une période où se promulguaient de nouveaux règlements de police et où se créait ‘un service de police à Montréal. En avril, il prononça l’allocution au jury d’accusation et, avec Mondelet, présida les séances hebdomadaires de la cour. Cédant aux pressions de la Cour des sessions trimestrielles de Québec, il fit entamer des poursuites contre Louis Bourdages, de Saint-Denis, sur le Richelieu, qui avait fait distribuer un tract visant à ébranler la crédibilité du gouvernement et à susciter la désaffection. En 1812, en tant que magistrat de police, il dirigea un contingent britannique vers Lachine, pour y disperser la foule qui s’était rassemblée afin de libérer un certain nombre de citoyens arrêtés pour avoir refusé de faire leur devoir de milicien. La situation s’envenima rapidement, des coups de feu furent échangés, un Canadien fut tué et un autre blessé ; cet événement s’avéra le seul incident grave que provoqua la résistance à l’enrôlement dans la milice au cours de la guerre de 1812. McCord fut l’un des principaux artisans d’une loi votée par le Parlement en avril 1818 qui visait à doter Montréal d’un corps de police régulier, dont les membres seraient rémunérés. Il s’ensuivit en août l’engagement de Louis-Nicolas-Emmanuel de Bigault d’Aubreville comme chef d’une force composée de gardiens de nuit et d’allumeurs de flambeaux. Dans le cadre de ses fonctions de magistrat de police, McCord avait préparé en 1815 un répertoire des ordonnances et des lois provinciales. Le juge James Reid, considérant l’intérêt de cet ouvrage, insista pour que McCord prépare, à l’intention des juges de paix travaillant dans les régions rurales, le même type de document pour le droit criminel de la province.
Au cours des années qui suivirent sa nomination comme magistrat de police, McCord reçut plusieurs commissions : en 1811, il fut chargé de superviser la maison de correction de Montréal et, l’année suivante, de faire prêter le serment d’allégeance ; en 1815, il fut nommé responsable de l’amélioration des communications dans le district de Montréal et, trois ans plus tard, de l’exécution des réparations au palais de justice et à la prison, ainsi que syndic de la Maison d’industrie ; en 1819, il reçut une autre commission le chargeant de la construction d’églises et de presbytères. Avant 1821, on l’avait nommé membre du conseil d’administration de la bibliothèque de Montréal. La plupart de ces responsabilités étaient rattachées à ses fonctions de magistrat de police et bon nombre d’entre elles étaient non lucratives. En se fondant sur les diverses nominations qui avaient été attribuées à McCord, Francis-Joseph Audet* fit de lui un portrait sévère où il le présenta comme une créature du gouvernement ; cette description ne se justifie en rien, car les mêmes commissions furent confiées à d’autres personnes, francophones ou anglophones, parmi lesquelles très peu prirent leurs responsabilités aussi sérieusement que McCord. Par exemple, la Maison d’industrie devait en partie son existence au fait que McCord était personnellement attaché à une vision éclairée de réinsertion des prisonniers. En 1815, il avait refusé la fonction d’administrateur de ce futur établissement, qui était calqué sur le modèle anglais de l’asile des pauvres dont il ne voyait pas le besoin dans la colonie, même si « les vices du système anglais [n’étaient] pas si évidents ». Il insistait plutôt pour que cette maison soit conçue « pour les objets de malheur sortant de la maison de correction [...] qui, quoique désireux d’essayer de se réformer et d’être industrieux, [étaient] renvoyés dans le monde, faute de dispositions transitoires ». Mais l’estime que les Montréalais avaient à son égard se manifesta par sa nomination, en novembre 1823, à titre de président d’une assemblée publique qui avait pour objet d’étudier les questions de prévention et de lutte contre l’incendie à Montréal. Lors de cette assemblée, il fut élu membre d’un comité chargé, d’une part, d’exercer des pressions pour faire réviser la loi concernant la prévention des incendies et, d’autre part, d’assumer la responsabilité de la prévention et de la lutte contre l’incendie, en attendant la création d’un organisme permanent.
En 1824, l’organisation de la police de Montréal ayant fait l’objet de nombreuses plaintes, McCord et Mondelet perdirent leur poste de magistrat de police et de coprésident de la Cour des sessions trimestrielles. Le gouverneur lord Dalhousie [Ramsay*] nomma alors Benjamin Delisle constable en chef du district de Montréal et président de la Cour des sessions trimestrielles. Lorsque McCord mourut du cancer en décembre, l’éditeur de la Montreal Gazette fit l’éloge de ses qualités personnelles et de sa bienveillance envers les pauvres. De plus, il déclara à propos de sa vie publique : « nul homme honnête ou juste n’a jamais osé l’accuser ou même le soupçonner de malversation ou de manquement à son devoir ». Pendant bon nombre d’années, une rue de Griffintown portale nom de McCord.
Le 27 novembre 1798, Thomas McCord avait épousé Sarah Solomons (Solomon) à l’église paroissiale de Shoreditch (Londres). Celle-ci était la fille de Levy Solomons*, marchand juif de Montréal, et de Louise Loubier ; par la liaison que sa mère avait eue antérieurement avec le marchand Jacques Terroux*, Sarah était la demi-sœur de leur fils Jacques, le représentant londonien de McCord. Ce mariage donna à McCord cinq enfants, dont seuls John Samuel et William King* survécurent et devinrent juges à la Cour supérieure du Bas-Canada.
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Elinor Kyte Senior, « McCORD, THOMAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/mccord_thomas_6F.html.
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Auteur de l'article: | Elinor Kyte Senior |
Titre de l'article: | McCORD, THOMAS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
Année de la révision: | 1987 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |