MAUGENEST (Maugenest, dit Saint-Auron, Saint-Horan, Saint-Jorand, ou Saint-Terone), GERMAIN, trafiquant de fourrures indépendant et chef de poste de la Hudson’s Bay Company, né en France, fils de François Maugenest et de Marie-Anne Saint-Horan (Saint-Jorand) ; il épousa, à Montréal, le 5 mars 1764, Rosalie Barrère, et, en secondes noces, à Montréal, le 12 janvier 1767, Louise Descary ; décédé le 10 novembre 1792, à Londres.
Germain Maugenest arriva à Montréal quelque temps avant 1763. Il trafiqua dans la vallée du Mississippi jusqu’en 1770 environ ; puis il se mit à commercer dans le pays qui s’étend du lac Nipigon (Ontario) au lac des Bois. Il s’endetta lourdement envers Ezekiel Solomons, entrepreneur et trafiquant de fourrures montréalais, et décida de fuir en se joignant à la Hudson’s Bay Company. Le 22 juillet 1779, Maugenest, son assistant John Coates, et sept Canadiens, guidés par trois Indiens, arrivèrent au fort Albany (Fort Albany, Ontario) en provenance du lac Sturgeon (à l’est de Sioux Lookout, Ontario), où ils avaient fait la traite. Cette arrivée mit l’agent principal, Thomas Hutchins, dans l’embarras ; ses instructions permanentes lui enjoignaient d’ordonner à ces trafiquants indépendants (pedlars) de quitter le poste sur-le-champ, mais il se rendait compte que l’expérience de Maugenest pouvait être d’une valeur inestimable pour la compagnie, qui venait tout récemment de décider de pénétrer à l’intérieur des terres plutôt que d’attendre sur le bord de la baie la venue des Indiens [V. Ferdinand Jacobs]. Il suggéra donc que Maugenest se rendît en Angleterre et s’entendît avec le comité londonien de la compagnie. Pendant ce temps, Coates et les voyageurs, accompagnés de George Sutherland, un employé de la Hudson’s Bay Company, retourneraient hiverner au lac Sturgeon ; ils rencontreraient Maugenest à Gloucester House (lac Washi, Ontario) à l’automne de 1780 et retourneraient une fois encore à l’intérieur.
Muni d’une forte recommandation de Hutchins, Maugenest fit voile à destination de l’Angleterre et, le 24 novembre 1779, se présenta devant le comité de Londres. Celui-ci approuva sa proposition d’étendre le commerce de la compagnie à l’intérieur des terres et lui accorda un contrat, au salaire de £100 par année, avec la promesse de lui verser une commission sur les fourrures qu’il livrerait dans les postes situés en bordure de la baie. Il retourna au fort Albany en septembre 1780, mais ne se mit pas en route pour Gloucester House, parce que Sutherland et Coates y étaient presque morts de faim pendant l’hiver.
En mai 1781, toutefois, Maugenest remonta la rivière Albany muni d’une commission l’autorisant à agir à titre d’agent de la Hudson’s Bay Company « à l’intérieur, passé la distance de 200 milles en amont de Gloucester ». Mais l’embarcation qui transportait la plus grande partie de la poudre à fusil fut perdue dans un rapide, et l’expédition ne dépassa pas ce poste. Le printemps suivant, Maugenest refusa d’aller plus avant vers l’intérieur, le niveau de l’eau étant trop bas et les hommes de la Hudson’s Bay Company pas assez rompus au maniement des canots. En fait, ses hésitations tenaient peut-être aux rapports voulant qu’Ezekiel Solomons fût dans les environs. Quand on refusa de lui donner la direction de Gloucester House, qu’il avait demandée, il menaça de retourner au Canada. Peut-être ensuite de cette menace, il fut muté, en 1783, à Moose Factory (Ontario), loin des Indiens sur lesquels il avait de l’influence. Le comité de Londres lui donna l’ordre d’accompagner Philip Turnor dans une expédition à l’intérieur, en notant que son « salaire [avait été] fixé en considération des efforts [qu’il devait] faire à l’intérieur des terres, en quoi la déception de la compagnie [avait] été complète ». Turnor écrivit qu’il « [s’]attend[ait] à bien peu d’aide de la part de Mr. Maugenest ». Cette remarque résume bien les sentiments d’hostilité envers Maugenest au sein de la compagnie, et particulièrement parmi les employés, lesquels n’appréciaient pas de recevoir des ordres d’un Français qui, au dire de John Thomas, agent principal à Moose Factory, « [pouvait] à peine parler assez l’anglais pour être compris ».
Pendant tout le reste de sa carrière, Maugenest travailla à Moose Factory ou à l’un des postes qui en dépendaient. Il commanda à Brunswick House (près du point de jonction des rivières Opasatika et Missinaibi, en Ontario), de 1785 à 1789, et fut par la suite posté à New Brunswick House (sur le lac Brunswick). Pendant longtemps le comité de Londres attendit de grandes choses de lui, même si en 1789 il le menaçait de congédiement parce que son travail ne se traduisait pas par un accroissement significatif de la traite. Il ne s’entendit pas bien avec Thomas, qui trouvait que Maugenest donnait trop de présents aux Indiens et permettait aux employés de dépenser une trop grande portion de leurs salaires en objets de luxe. En 1792, après s’être plaint pendant plusieurs années du mauvais état de sa santé, Maugenest reçut l’autorisation d’aller en Angleterre. Il y mourut le 10 novembre, peu après son arrivée. Il était mort intestat, et le secrétaire de la compagnie à Londres, Alexander Lean, écrivit à la Todd, McGill and Company, à Montréal, pour demander de l’aide en vue d’y retrouver les traces des héritiers de Maugenest. On découvrit. un héritier mâle à qui l’on remit l’héritage en 1793.
Les améliorations qu’il apporta à la traite des fourrures au point de vue du transport et du ravitaillement constituèrent le principal apport de Maugenest à la Hudson’s Bay Company, et particulièrement à Albany, où les agents principaux avaient de grandes difficultés à ravitailler leurs avant-postes de Henley House (au point de rencontre des rivières Albany et Kenogami, Ontario) et de Gloucester. Il convainquit Hutchins que les marchandises devaient être emballées, soit dans des tonneaux ou des coffres, soit en ballots, d’un poids d’environ 90 livres chacun, et recouvertes d’une toile légère et imperméable. La viande, préalablement désossée, devait être placée dans de petits barils, plutôt que dans des tonneaux impossibles à portager. Bien que des bateaux fussent déjà utilisés sur la rivière Albany, Hutchins vit avec satisfaction les plans, dessinés par Maugenest, d’une embarcation destinée au transport à l’intérieur des terres, et il n’est pas impossible que ce fût là un prototype du futur York boat. Maugenest suggéra aussi l’utilisation, comme marchandises de traite, de bouilloires légères à couvercle en cuivre, et ce fut apparemment sur ses conseils que les couvertures marquées (point blankets) furent introduites parmi les marchandises de traite – les marques étant de courtes lignes parallèles sur une des bordures de la couverture, lesquelles exprimaient la quantité de peaux de castor équivalente à sa valeur. Ces deux articles devinrent des objets réguliers d’échange dans le commerce de la Hudson’s Bay Company.
ANQ-M, État civil, Catholiques, Notre-Dame de Montréal, 5 mars 1764 ; Saints-Anges (Lachine), 12 janv. 1767.— HBC Arch., A.1/47, ff.2, 22, 24 ; A.5/2, ff.94s., 114, 158, 195, 226, 259, 302 ; A.5/3, ff.105d., 106 ; A.6/12, ff.305–311 ; A.6/13, ff.2–126 ; A.6/14, ff.9–127 ; A.6/15, ff.19, 56 ; A.11/44, ff.158–187 ; A.11/45, ff.21–170 ; B.3/a/75–80 ; B.3/b/16–19 ; B.23/a/8–14 ; B.135/a/68–78 ; B.135/b/16–22.— HBRS, XVII (Rich et Johnson) : 354–365.— A. M. Johnson, Mons. Maugenest suggests [...], Beaver, outfit 287 (été 1956), 49–53.
George E. Thorman, « MAUGENEST (Maugenest, dit Saint-Auron, Saint-Horan, Saint-Jorand, Saint-Terone), GERMAIN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/maugenest_germain_4F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1980 |
Année de la révision: | 1980 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |