MATONABBEE, agent indien (leading Indian), né vers 1737 de parents chipewyans au fort Prince of Wales (Churchill, Manitoba), décédé après la destruction du fort en août 1782.

Contrairement à la plupart des Chipewyans qui allaient rarement aux postes de la Hudson’s Bay Company et n’y restaient que durant quelques jours, Matonabbee connaissait les Européens et la traite des fourrures depuis sa jeunesse ; sa mère, autrefois captive d’une bande de Cris, avait épousé un chasseur de la région de la rivière Churchill après que des trafiquants de la compagnie eurent acheté sa liberté. Matonabbee était encore un jeune garçon quand son père mourut, et Richard Norton*, agent principal au fort Prince of Wales, accepta de le prendre à sa charge. Quelque temps après 1741, des parents de son père le retirèrent du poste parce qu’il recevait peu d’attention de la part du nouvel agent, James Isham* ; toutefois, il fut de nouveau l’objet de soins particuliers quand Ferdinand Jacobs devint agent principal en 1752. Le séjour de Matonabbee au poste de la rivière Churchill lui donna l’occasion d’apprendre le cri et un peu d’anglais, tandis que les années passées au milieu des siens lui avaient permis de se familiariser avec la région et d’apprendre les moyens de vivre à même les ressources de la nature. Comme il connaissait, en outre, le commerce des fourrures, il était en mesure de rendre de précieux services à la compagnie.

Le conflit permanent qui existait entre les « Indiens Athapuscow » – des Cris vivant près du lac Athabasca – et les bandes de Chipewyans désorganisait la traite dans cette région. C’est probablement à la fin des années 1750 que Matonabbee, délégué par la compagnie, alla vivre parmi les Cris pour servir de médiateur entre les deux groupes. Il s’agissait d’une mission périlleuse car, à l’intérieur et à l’entour de leur territoire, les Cris du lac Athabasca pourchassaient encore et parfois même tuaient les petites bandes de Chipewyans. Si Matonabbee parvint à mettre un terme aux hostilités, ce fut sans aucun doute en raison de ses qualités personnelles et du grand prestige que lui conférait son association avec la Hudson’s Bay Company.

À la fin des années 1760, Matonabbee avait fait au moins un voyage à la rivière Coppermine (Territoires du Nord-Ouest) ; c’est à la suite de son rapport et de l’intervention de Moses Norton, agent principal au fort Prince of Wales, que la compagnie ordonna à Samuel Hearne d’aller inspecter la région. Celui-ci tenta par deux fois, en 1769 et 1770, d’atteindre la Coppermine mais sans succès, et Matonabbee expliqua ces échecs par l’absence de femmes au sein de l’expédition. L’Indien accepta de guider Hearne dans son troisième voyage – de 1770 à 1772 – mais il insista pour que des femmes, y compris ses nombreuses épouses, accompagnent les voyageurs. Il en fallait, selon lui, pour faire la cuisine et la couture, et elles étaient « faites pour le travail ; l’une d’elles peut porter ou traîner autant que deux hommes », affirmait-il. Matonabbee mérita l’estime de Hearne pour la compétence avec laquelle il organisa le long et pénible voyage. Il eut recours aux méthodes que les Indiens utilisaient pour se déplacer et pour vivre, et l’expédition fut une réussite.

En plus d’être un ambassadeur et un guide, Matonabbee fut, jusqu’à la fin de sa vie, un agent indien au fort Prince of Wales. À ce titre, il recueillait les fourrures des Indiens qui hésitaient à entreprendre le difficile voyage pour descendre jusqu’au lointain poste de traite de la baie ; il formait des bandes d’Indiens qui, en échange d’une part des revenus, acceptaient de transporter les peaux à la baie et d’en rapporter des articles de traite ; enfin, il distribuait ces articles aux Indiens de l’intérieur. Il servit également d’intermédiaire auprès des Couteaux-Jaunes, le groupe chipewyan le plus éloigné, et auprès de quelques Platscotés-de-Chiens. Matonabbee apporta plus de fourrures au fort Prince of Wales que tout autre Indien ; pourtant, même à l’époque où il avait le plus de prestige aux yeux des trafiquants, son travail ne lui procurait pas que de la gloire. Hormis de brefs séjours au fort où on le traitait royalement et on lui fournissait des objets de luxe, il devait faire de nombreux voyages, souvent dans des conditions pénibles et toujours au risque de manquer de nourriture.

En 1772, les trafiquants de la compagnie reconnurent Matonabbee comme le chef des Chipewyans. Les gens de la Hudson’s Bay Company s’imaginaient que les agents indiens étaient bien considérés en tout temps ; à la vérité, leur influence était souvent négligeable quand ils étaient loin du poste de traite. Ils ne remplaçaient pas les chefs traditionnels, auxquels ils ne ressemblaient pas, et ils étaient vus par les gens de leur tribu comme des éléments nécessaires dans le cadre des rapports que la bande entretenait avec les trafiquants. Matonabbee adoptait parfois, d’après Hearne, une attitude fanfaronne qui était tolérée en raison du succès qu’il obtenait en traitant avec la compagnie. Son rôle ne lui permettait pas d’échapper aux aléas du commerce des fourrures. Geste rare chez les Indiens, il se suicida, « accablé de chagrin, écrivit Andrew Graham*, quand les Français eurent détruit Churchill Factory, en l’an de grâce 1782 ».

Béryl C. Gillespie

Matonabbee est surtout connu pour avoir dirigé l’expédition de Samuel Hearne à l’embouchure de la rivière Coppermine en 1770–1772. Le récit de voyage de Hearne, Journey from Prince of Wales’s Fort (Glover), contient plusieurs mentions et une courte biographie de Matonabbee (pp.222–228). Il est brièvement question de Matonabbee dans HBRS, XXV (Williams) : 201s. ; XXVII (Davies et Johnson). Ce dernier ouvrage contient également certaines informations sur le rôle de l’agent indien (pp.xxii-xxxvi).  [b. c. g.]

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Béryl C. Gillespie, « MATONABBEE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/matonabbee_4F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
Année de la révision:    1980
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