Provenance : Lien
MASSEY, SAMUEL, travailleur social, auteur et ministre de l’Église d’Angleterre, né le 30 décembre 1817 à Wincham, Angleterre, fils de Samuel Massey, charpentier de navires, et d’Ann Moreton ; décédé le 10 juin 1897 à Montréal.
Samuel Massey naquit dans une petite maison de campagne dont la façade était recouverte de lierre, de chèvrefeuille et de roses. Des primevères et des marguerites bordaient l’allée du jardin, un « rosidendron » ornait le toit de ses fleurs violettes et, à l’avant, un robuste chêne montait la garde sur cette scène idyllique. Le jeune Samuel grandit sous l’influence d’une mère calme et pieuse qui, écrivit-il plus tard, « considérait la religion comme l’affaire de tous les jours ». S’aventurant rarement hors de son Cheshire natal, il fit ses études dans une école secondaire de Lostock Gralam et enrichit ses connaissances par de nombreuses lectures et des leçons particulières. Il travailla d’abord dans une mine, puis enseigna durant environ huit ans dans des écoles villageoises à Helsby et à Poynton. Le 31 juillet 1840, à Chester, il épousa une jeune femme illettrée, Mary Fryer, la fille du représentant d’une raffinerie de sel. Le couple allait avoir huit enfants. Au début des années 1850, Massey quitta sa paisible existence campagnarde pour devenir missionnaire à la Manchester City Mission, que dirigeait la Young Men’s Christian Association. En 1853, la YMCA de Montréal demanda à celle de Manchester de lui trouver un auxiliaire laïque, et c’est Massey que l’on choisit parmi 70 candidats.
La YMCA de Montréal, la première en Amérique du Nord, avait été formée en 1851. Au début, les membres se réunissaient surtout à des fins littéraires et pieuses mais, en 1852, ils avaient conclu qu’ils devaient multiplier leurs efforts de christianisation auprès des jeunes gens. Le nouveau programme prévoyait, entre autres, l’engagement d’un auxiliaire laïque, et Massey arriva en octobre 1853 pour exercer cette fonction. Au début, il œuvra surtout auprès des marins et des immigrants en été et auprès des jeunes gens et des pauvres en hiver. Il travaillait seul, avec une diligence soutenue, malgré les nombreuses rebuffades et expériences désagréables qu’il vivait. Comme le disait en 1856 le rapport de la YMCA, « peu d’hommes côto[yaient] plus de saleté, de maladie et de vice ». Avec le temps, son travail se diversifia et s’intensifia. Chaque année, il faisait des milliers de visites aux pauvres de Griffintown (Montréal), réconfortait les malades, trouvait des vêtements, de la nourriture et de l’emploi pour les nécessiteux et distribuait des brochures, dont il était souvent l’auteur, sur des sujets religieux ou autres. Il visitait hôpitaux, prisons et asiles, ouvrait des écoles du dimanche et des écoles de jour, et tenait régulièrement des réunions de tempérance. Ses tournées dans les magasins et autres lieux d’affaires, entreprises d’abord pour encourager les jeunes gens à délaisser les tavernes pour les locaux de la YMCA, lui permirent finalement d’offrir un service rudimentaire de placement pour les jeunes chômeurs. Les réunions de prières qu’il tenait dans le district le mirent en relation avec des esclaves américains réfugiés, et il aida bon nombre d’entre eux. De plus, en accueillant les navires aux quais, il allégeait la détresse de beaucoup de familles d’immigrants désorientées et pauvres. Les équipages des centaines de navires qui arrivaient chaque année en vinrent à l’appeler le « missionnaire des marins » et, en 1862, il participa à la fondation de l’Institut maritime de Montréal, qui offrait livres et brochures, loisirs, rafraîchissements, conférences et offices religieux.
Au début des années 1860, la YMCA de Montréal connut des difficultés financières. C’est probablement pour cette raison que Massey la quitta en 1864 pour travailler, avec un autre missionnaire, à la Montreal City Mission. Organisée depuis peu « selon des principes catholiques » par neuf congrégations évangéliques, cette mission visait surtout à offrir une assistance spirituelle et financière aux gens qui n’étaient membres d’aucune Église. Cependant, le soutien dont elle bénéficiait diminua rapidement et, dès 1866, une bonne partie de son œuvre dans Griffintown était accomplie par la congrégation Presbyterian Church qui, cette année-là, acheta une maison et engagea Massey pour continuer le travail missionnaire dans le district. Son succès fut tel que dès 1870 une nouvelle église de pierre, qui contenait 400 places assises et des classes d’enseignement général et biblique, s’élevait rue Inspecteur. Massey organisa aussi des écoles de jour gratuites, des soupes populaires en hiver, de l’aide pour les victimes des fréquentes inondations printanières (durant lesquelles il passait parfois des jours entiers, en bateau, à distribuer de la nourriture et autres biens de première nécessité) et, à l’intention des ouvriers, des réunions régulières de tempérance qui devinrent connues dans toute la ville. En 1866, inquiet des déplorables conditions d’hygiène qui sévissaient dans bien des quartiers de Montréal, il avait participé, sur le conseil du docteur Philip Pearsall Carpenter*, promoteur de réformes sociales, à la formation de l’Association sanitaire de Montréal, qui devait « recueillir et diffuser de l’information sur toutes les questions relatives à la santé publique, et prendre des mesures » dans ce domaine. Massey se lança dans ce travail avec son énergie coutumière : il forma des comités de district et prononça, devant eux et d’autres groupes, des conférences sur les mesures pratiques d’hygiène. L’association mena finalement à l’établissement d’un bureau de santé efficace.
En 1877, au grand regret de sa congrégation, Massey conclut que le temps était venu pour lui d’aller travailler dans l’est de Montréal. Il s’installa rue Panet, au temple méthodiste Salem, qui ne comptait même pas une douzaine de fidèles. En moins d’un an, il avait rénové l’édifice, fait passer le nombre de fidèles à plusieurs centaines, mis sur pied une école du dimanche qui accueillait plus de 150 élèves, effectué des visites dans tout l’est de la ville, lancé des réunions régulières de tempérance et commencé à travailler parmi les marins des navires qui accostaient aux quais voisins.
À cette époque, on l’appelait le révérend Samuel Massey, mais jamais il n’avait été ordonné ni nommé ministre. En 1881, quelqu’un le décrivit comme un « homme pratique, intensément dévoué », dont les positions théologiques, « libres de toute affiliation confessionnelle, [... pouvaient], jusqu’à un certain point, être qualifiées de libérales » et dont le « credo, s’il en a[vait] un, [était] « vivre sa foi par l’amour ». C’était un prédicateur « sérieux, clair et énergique » ; au moins un auditeur appréciait qu’« il s’en tien[ne] toujours à son texte et s’arrête quand il avait fini de le lire ». Vers 1884, Massey décida de régulariser sa situation et quitta le temple Salem en vue de se faire ordonner par l’Église d’Angleterre. Son respect de plus en plus grand pour l’évêque William Bennett Bond*, dont l’attitude pragmatique envers le clergé et les préoccupations pastorales étaient de nature à lui plaire, influença probablement son choix. Pendant quelques années, il exerça à l’église allemande St John, rue Saint-Dominique, tout en étudiant au Montreal Diocesan Theological College. Bond l’ordonna diacre en janvier 1888 et prêtre en décembre. À compter de ce moment et jusqu’à la fin de 1895, Massey continua d’œuvrer auprès des pauvres en qualité de titulaire de l’église St Simon, dans le district de Saint-Henri. En 1896–1897, il desservit la Richmond Square Mission, affiliée à l’église St James the Apostle ; pendant quelques années il avait été aumônier du Sixth Battalion of Infantry (Fusiliers), dont son fils était le colonel.
Samuel Massey fut peut-être le premier travailleur social urbain du Canada, au sens que l’on donne aujourd’hui à ce terme, même s’il venait d’un milieu rural traditionnel de l’Angleterre. En se remémorant son enfance idyllique, et sans doute ses pénibles missions urbaines, il fit observer en 1887 : « la condition sociale et morale de toute collectivité dépend beaucoup du caractère de ses foyers, qui à leur tour dépendent beaucoup du caractère des mères ». Inspirés par son engagement religieux et influencés par le mouvement de réforme sociale du xixe siècle, ses efforts soutenus pour améliorer les conditions sociales furent un exemple dont les effets dépassèrent de beaucoup les milieux où il travailla.
Samuel Massey est l’auteur de nombreux livres et brochures traitant de religion et d’autres sujets. Parmi ses ouvrages, on trouve : Historical sketches of the Protestant churches and ministers of Montreal (Montréal, 1885) ; « Home ; sweet home », a lecture on « our city homes, and how to make them healthy and sweet » delivered in St. John’s Church, Montreal (s.l.n.d.) ; My mother and our old English home (2e éd., Montréal, 1887) ; « Surrey Chapel » : a lecture on Rowland Hill, his times and eccentricities [...] ([Montréal, 1887]) ; The Rev. Samuel Massey’s farewell : his last sermon as rector of St. Simon’s Church, St. Henry, Montreal ; reminiscences of a long and useful ministry (Montréal, 1895). Il était un collaborateur assidu de la presse religieuse au Canada et en Angleterre.
Il existe six photographies de Massey au Musée McCord dans les Notman Photographic Arch. (79939-I–79944-I) et un portrait a été reproduit dans My mother and our old English home et dans The Rev. Samuel Massey’s farewell [...].
ANQ-M, CE1-69, 10 juin 1897.— Arch. privées, Guy Suckling (Montréal), « Samuel Massey’s book, 1810 » (bible de la famille Massey).— Cheshire Record Office (Chester, Angl.), Great Budworth, reg. of baptisms, 8 févr. 1818.— EEC, Diocese of Montreal Arch., clergy reg.— Erskine and American United Church (Montréal), American Presbyterian Church, Home Missions Committee, minutes, 1867–1877 ; Session minutes, 1877.— GRO (Londres), Reg. of marriages for the parish of St Peter’s (Chester), 31 juill. 1840.— St James the Apostle (Anglican) Church (Montréal), Parish magazine, 1896.— Montreal Young Men’s Christian Assoc., Report, 1856 ; 1859 ; 1863–1864.— Canadian Churchman, 28 janv. 1896.— Gazette (Montréal), 22 oct. 1878, 11 juin 1897.— Montreal Daily Witness, 21 juin 1862, 15 nov. 1865, 23–28 avril 1866, 22 janv., 30 mars, 8 mai, 27 juill., 31 oct. 1867, 16, 30 mai, 19 déc. 1868, 24 avril, 8 mai 1869, 10 mai, 27 déc. 1870, 2 mars 1871, 30 oct. 1873, 29 août 1877, 7 juin 1878, 1er avril 1887.— Canadian biog. dict.— Crockford’s clerical directory [...] (Londres), 1895.— H. C. Cross, One hundred years of service with youth : the story of the Montreal YMCA (Montréal, 1951).— History of the Montreal Young Men’s Christian Association [...] (Montréal, 1873).— C. H. Hopkins, History of the Y.M.C.A. in North America (New York, 1951).— Montreal Sailors’ Institute, Annual report, 1941.
Jack P. Francis, « MASSEY, SAMUEL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/massey_samuel_12F.html.
Information à utiliser pour d'autres types de référence bibliographique:
Permalien: | http://www.biographi.ca/fr/bio/massey_samuel_12F.html |
Auteur de l'article: | Jack P. Francis |
Titre de l'article: | MASSEY, SAMUEL |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
Année de la révision: | 1990 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |