MAGUIRE, MARY ANN, dite sœur Mary Francis, membre des Sisters of Charity of Halifax, supérieure et éducatrice, née le 10 juillet 1837 à Halifax, fille de John Maguire et d’Elizabeth Meister ; décédée le 9 février 1905 au même endroit.

Mary Ann Maguire fut l’une des premières élèves de la St Mary’s Girls’ School, que les Sisters of Charity ouvrirent à Halifax peu après leur arrivée de New York en 1849 [V. Rosanna McCann*]. Dans les six premiers mois qui suivirent l’établissement de la communauté en congrégation indépendante, en 1856, dix jeunes filles de Halifax demandèrent à y être admises, dont elle-même. Le 14 juin, elle prononça ses vœux et prit le nom de sœur Mary Francis.

À l’automne, elle fut affectée en qualité d’institutrice à la deuxième école de la communauté, qui était située au sous-sol de l’église St Patrick, rue Brunswick. En 1859, elle enseignait à l’école St Mary, mais elle continuait de donner des leçons de musique à St Patrick deux fois par semaine. Comme les archives de la communauté ont été détruites dans l’incendie de la maison mère en 1951, on ignore combien de temps sœur Mary Francis travailla dans les deux écoles de Halifax. Toutefois, en 1865, elle était au Holy Family Convent de Bathurst, au Nouveau-Brunswick. Quatre ans plus tard, selon les annales du Sacred Heart Convent de Meteghan, en Nouvelle-Écosse, elle faisait partie du personnel de cet établissement. À l’automne de 1871, elle devint supérieure du couvent de Meteghan et directrice de l’école qui y était rattachée. Elle remplit cette double fonction jusqu’en 1876, année où elle fut élue supérieure de la communauté des Sisters of Charity.

Au moment de l’élection de mère Mary Francis, la communauté était solidement établie dans la vie catholique de Halifax. L’archevêque William Walsh* et son successeur, Thomas Louis Connolly*, avaient tous deux soutenu l’œuvre des religieuses. Plusieurs écoles avaient été ouvertes, à Halifax, à Dartmouth et dans l’ouest de la Nouvelle-Écosse ainsi qu’à Bathurst. À Halifax, les sœurs administraient aussi le St Joseph’s Orphanage, qui occupait des locaux temporaires en attendant les fonds nécessaires pour un immeuble permanent. En 1873, la communauté ouvrit à Rockingham, sur le bassin de Bedford, une nouvelle maison mère, Mount St Vincent, avec une école de filles.

Cependant, tous les Haligoniens n’avaient pas vu d’un bon œil le soutien que l’archevêché avait accordé aux religieuses et à leur travail. Parmi les dissidents se trouvait Michael Hannan*, que l’archevêque Walsh avait nommé supérieur général de la congrégation en 1858, et qui devait, selon la constitution des religieuses, guider la supérieure et son conseil sur les questions d’intérêt diocésain, en particulier les finances. Hannan se faisait toutefois une idée passablement différente de son rôle. Aussi tenta-t-il de rallier les sœurs à ses vues et de les monter contre la mère supérieure. Dès son accession à l’archiépiscopat, en 1859, Connolly perçut le problème et remplaça lui-même Hannan au poste de supérieur général. Cela n’empêcha pas Hannan d’être de nouveau en conflit avec les Sisters of Charity au cours de la vingtaine d’années qui suivirent : à titre de membre du conseil des commissaires d’écoles, il avait son mot à dire sur les écoles et les postes d’enseignantes où elles étaient affectées. En 1874, Connolly lui demanda de démissionner du bureau à cause de son parti pris contre la communauté. À cette occasion, les instituteurs de Halifax présentèrent à Hannan une adresse élogieuse à laquelle les sœurs ne souscrivirent pas.

Après la mort de Connolly, deux ans plus tard, c’est Hannan qui devint archevêque. Dès le début de son épiscopat, ses relations avec les religieuses furent tendues. Il se plaignait de leur manque de discipline et attribuait la division qui s’aggravait parmi elles à l’incapacité de mère Mary Francis à donner à la communauté une direction bien définie. La congrégation se consacrait de plus en plus à la formation d’éducateurs professionnels pour les écoles publiques de la province, plutôt qu’à l’aide aux pauvres et aux nécessiteux, et certaines religieuses n’étaient pas d’accord avec cette orientation. Hannan non plus. Il s’opposait, comme il l’avait toujours fait, à la tenue de l’école de Mount St Vincent, qui préparait des religieuses à une carrière dans l’enseignement, et considérait le St Joseph’s Orphanage comme une charge inutile pour le diocèse.

Une contemporaine de mère Mary Francis a laissé d’elle un portrait différent. « Bien qu’[ayant] toujours [été] de constitution fragile », a écrit sœur Mary Bernard Stuart, mère Mary Francis « était dotée d’une rare force de caractère ; elle possédait un intellect puissant, un jugement clair, et un discernement des mobiles rarement en défaut. » Avant de prendre une décision, elle faisait le tour de la question. « Elle était donc lente à se décider, mais inébranlable dans sa résolution. » Dans le conflit qui l’opposa à l’archevêque, et qui domina durant presque toute son administration, son inflexibilité amena des membres de la communauté à se ranger du côté de ce dernier.

Peu à peu, la querelle entre l’archevêque et la congrégation devint publique. Certains prêtres du diocèse se joignirent à la campagne menée contre les religieuses, et des laïques prirent parti. Mère Mary Francis consulta l’avocat de la congrégation, John Sparrow David Thompson*, qui lui conseilla de s’adresser directement à Rome. En septembre 1879, dans un long rapport au cardinal préfet de la Propagande, Giovanni Simeoni, elle exposa les difficultés qu’affrontaient les religieuses. Deux d’entre elles allèrent présenter ce document à Rome, où elles plaidèrent leur cause durant plus de six mois. Finalement, le cardinal Simeoni demanda à John Cameron, évêque d’Arichat, en Nouvelle-Écosse, de faire rapport sur la situation. Cameron avait suivi avec consternation ce qui se passait dans le diocèse voisin du sien, mais il ne s’en était pas mêlé. Il présenta une éloquente déclaration sur la controverse, et 43 éminents laïques de Halifax exprimèrent leur haute considération pour les religieuses. En avril 1880, Léon XIII, sur la recommandation de Simeoni, publia un décret qui libérait les Sisters of Charity de la tutelle de Hannan et les plaçait sous la juridiction de Cameron.

Le décret ne restaura pas l’harmonie. Il y avait beaucoup d’amertume dans la congrégation même. Quarante-quatre religieuses soutenaient mère Mary Francis ; quatorze appuyaient Mgr Hannan. Treize des dissidentes quittèrent la communauté, la plupart pour entrer dans d’autres congrégations. Certains prêtres penchèrent davantage du côté de l’archevêque, et se firent donc plus critiques à l’endroit de mère Mary Francis et de sa congrégation. En juin 1881, comme son état physique et mental déclinait, elle accepta, sur l’avis de Mgr Cameron, de démissionner avec son conseil, afin que des élections aient lieu. Sœur Mary Benedicta [Harrington*] lui succéda. Mère Mary Francis vécut encore 23 années et finit par perdre complètement la raison. Elle mourut d’une méningite cérébrale à l’âge de 67 ans.

La lutte qui opposa Michael Hannan et mère Mary Francis ne profita à personne. Pour l’archevêque, l’œuvre d’une vie consacrée à l’éducation, à l’œcuménisme et à l’avancement de l’Église à Halifax se trouva presque éclipsée par une querelle concernant son autorité. Pour les Sisters of Charity, ce fut une période de stagnation : aucune nouvelle maison n’ouvrit ses portes, aucune nouvelle tâche ne fut entreprise. Même aujourd’hui, on ne comprend pas intégralement la nature de la querelle. En 1972, l’archevêque de Halifax, James Martin Hayes, dans la préface d’une biographie de mère Mary Francis, déplorait que « les événements [survenus] près d’un siècle auparavant aient tellement altéré la relation qui aurait dû exister entre l’évêque et son clergé et les supérieures et les membres de la congrégation ». Aujourd’hui, grâce à la restauration de l’unité, les Sisters of Charity et l’Église de Halifax sont dans une période de renouveau, de réforme et d’adaptation aux exigences de l’apostolat.

Margaret Flahiff

AN, MG 26, D.— Arch. du diocèse de Bathurst, N.-B, Groupe II/1 (fonds James Rogers), mère M. Josephine à Mgr Rogers, 19 août 1865.— Archivio della Propaganda Fide (Rome), Scritture riferite nei Congressi, America settentrionale, 22 : ff.164–180, 205–208, 212–214, 425, 443–445.— Halifax County Registry of Deeds (Halifax), Deeds, 123 : f.34.— Sisters of Charity of Saint Vincent de Paul Arch. (Halifax), « Cholera on board the England » (plusieurs récits) ; Sister Mary Clare Connolly, journal, 1849–1870 (copie dactylographiée) ; Constitutions of the Sisters of Charity in the archdiocese of Halifax, 1857 ; Sacred Heart Convent (Meteghan, N.-É.), annales, 1869, et livre d’information, 1871.— William Foley, The centenary of St. Mary’s Cathedral, Halifax, N.S., 1820–1920 (Halifax, 1920).— J. B. Hanington, Every popish person : the story of Roman Catholicism in Nova Scotia and the church of Halifax, 1604–1984 (Halifax, 1984).— [M. A. McCarthy, dite] sœur Francis d’Assisi, Mother Mary Basilia McCann, first mother superior of the Halifax daughters of Blessed Elizabeth Seton, 1811–1870 (Halifax, 1968) ; A valiant mother, Mother M. Francis Maguire, 1832–1905 ; a selfless mother, Mother M. Benedicta Harrington, 1845–1895 (Halifax, 1971).— [Mary Power, dite] sœur Maura, The Sisters of Charity, Halifax (Toronto, 1956).— St Mary’s Cathedral, Centenary booklet, 1820–1920 ([Halifax, 1920 ?]).

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Margaret Flahiff, « MAGUIRE, MARY ANN, dite sœur Mary Francis », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/maguire_mary_ann_13F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
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