LUXTON, WILLIAM FISHER, instituteur, rédacteur en chef et éditeur de journaux, homme politique et fonctionnaire, né le 12 décembre 1844 à Bampton, Devon, Angleterre ; le 4 avril 1866, il épousa Sarah Jane Edwards, du canton de Lobo, Haut-Canada, et ils eurent six fils et deux filles ; décédé le 20 mai 1907 à Winnipeg.

William Fisher Luxton arriva dans le Haut-Canada avec ses parents en 1855. Il fit ses études à St Thomas et travailla comme « garçon de ferme ». Après avoir enseigné un moment, il entreprit une carrière journalistique en lançant l’Age à Strathroy. George William Ross* acheta le journal l’année suivante ; peut-être Luxton resta-t-il à son service. Par la suite, les deux hommes dirigèrent et publièrent ensemble l’Expositor de Seaforth. Luxton fut aussi rédacteur en chef du Home Journal de Goderich, qui parut seulement de mars à mai 1871. La même année, il s’installa à Winnipeg. C’est là que, pour un salaire de 500 $ par an, il enseigna à une trentaine d’enfants dans la première école créée en vertu de l’Acte pour établir un système d’instruction, adopté en 1871. Des années plus tard, un ancien élève dirait : « nous l’aimions [...] parce qu’il rendait la matière intéressante ».

En novembre 1872, avec ses économies et un prêt de 4 000 $ de John A. Kenny, fermier ontarien à la retraite, Luxton lança le Manitoba Free Press, hebdomadaire de quatre pages d’allégeance libérale. Grâce aux libéraux qui arrivaient de plus en plus nombreux dans la province, ce journal connut un franc succès. Moins de deux ans après sa fondation, il paraissait tous les jours et comptait plus de 1 000 abonnés ; dès 1882, il n’avait plus 5 employés, mais plus de 60, et avait quitté son premier local, une cabane recouverte de papier goudron, pour « un imposant immeuble à étage ».

Porté par la vague de prospérité que connaissait alors Winnipeg, Luxton se hissa parmi les notables. Il participa à la fondation de l’Hôpital général de Winnipeg en 1872 et se présenta à la mairie en 1874 (il fut battu par Francis Evans Cornish*). Membre de la Chambre de commerce de Winnipeg, cofondateur de la Winnipeg Humane Society, il fut président de l’Agricultural Society en 1878 et en fut directeur durant dix ans. En outre, il fit partie de la section protestante du bureau d’Éducation de Manitoba et fut président du conseil scolaire de Winnipeg de 1885 à 1887.

Luxton était un homme mince et barbu, au regard pénétrant. Il avait, semble-t-il, le tempérament fougueux et l’esprit acéré ; il aimait à faire des calembours et savait flairer les bonnes histoires. Libéral irrévérencieux et d’un franc-parler, il fut député provincial de Rockwood de 1874 à 1878, puis de Winnipeg-Sud de 1886 à 1888. Dans le Canadian parliamentary companion de 1876, il affirmait que ses principaux objectifs étaient l’instauration de la prohibition, l’établissement d’un système scolaire « purement laïque » et « l’abolition du français à l’Assemblée et dans les cours de justice ». Dans les années 1880, comme bon nombre des libéraux de l’Ouest, il partit en guerre contre la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique, ce qui était non seulement s’exposer au danger, mais peut-être jouer les don Quichotte. Allié de cette compagnie, le gouvernement conservateur du Manitoba devint la cible de ses traits acérés et de ses éditoriaux mordants.

Le gouvernement libéral qui prit le pouvoir en 1888 et que dirigeait Thomas Greenway ne tarda pas non plus à subir les foudres du Free Press. Le journal ne manquait jamais de relever les indices d’erreur ou de perfidie de la part du cabinet ; par exemple, il signala le fait que celui-ci octroyait des subventions à la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique pour le prolongement de lignes secondaires tout en fermant les yeux sur la complicité qui semblait exister entre cette société et la Northern Pacific Railroad Company pour maintenir le fret artificiellement haut. Quant à la controverse qui commençait à se faire jour à propos de la question scolaire au Manitoba, Luxton, avec plus de perspicacité que de réserve, disait qu’elle était une manœuvre frauduleuse en vue de détourner l’indignation populaire vers les catholiques franco-manitobains et, ainsi, de faire oublier aux électeurs que le gouvernement Greenway avait capitulé devant les barons des chemins de fer.

Les adversaires de Luxton eurent leur revanche. Dans le cadre d’une entente arrangée par le président de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique, William Cornelius Van Horne*, en septembre 1888, après la fin brusque du boom de Winnipeg, Luxton avait accepté – ce qui n’était peut-être pas judicieux – un prêt du financier Donald Alexander Smith*. Il devait absolument rembourser le prêt en septembre 1893, mais il n’y parvint pas. Alors, Smith et ses associés de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique mirent la main sur ce trouble-fête qu’était le Free Press [VJohn Mather] ; quant à Luxton, il se trouva, rapporta-t-il dans une lettre au Winnipeg Tribune, jeté « à la rue sans un sou, sans même une heure d’avis ». Smith prit, comme rédacteur en chef, Frederick Edward Molyneux St John, anciennement du service de publicité de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique à Montréal.

Refusant de se laisser abattre, Luxton annonça dans un prospectus, à la fin de décembre 1893, qu’il lançait un autre journal, le Daily Nor’Wester. Il le vendit en 1896 et termina sa carrière journalistique au Globe de St Paul, au Minnesota. De 1901 à sa mort, il fut inspecteur de bâtiment pour le gouvernement du Manitoba. Il mourut d’apoplexie à Winnipeg.

Luxton avait été le mentor de toute une pléiade de journalistes de l’Ouest, dont William Coldwell, Frank Oliver*, Frederick Coate Wade, William Edward Maclellan, George Henry Ham, William Joseph Healy et John Wesley Dafoe*. Son cortège funèbre, qui comprenait une garde d’honneur de la Winnipeg Typographical Union, fut l’un des plus longs de l’histoire de la ville. Tant ses adversaires que ses amis rappelèrent qu’il était renommé pour son exactitude et pour l’intrépidité avec laquelle il faisait ses enquêtes. Le révérend George Bryce*, du collège de Manitoba, exprima un sentiment répandu en notant simplement que Luxton n’avait jamais trahi la vérité.

À l’automne de 1907, Winnipeg honora celui qui avait été l’un de ses premiers instituteurs en donnant le nom de William Fisher Luxton à une grande école nouvelle. Une vingtaine d’années plus tard, John Kelly Barrett*, rédacteur en chef de la Northwest Review, rappelant la campagne que Luxton avait menée dans les années 1890 pour les droits des catholiques, déclara : « il mérite l’éternelle reconnaissance de nos gens ». Luxton n’était pas le plus diplomate ni le plus prudent des hommes, mais c’était un journaliste courageux, influent et profondément attaché à la justice.

Thomas Peterson

Manitoba, Legislative Library (Winnipeg), Biog. scrapbooks.— PAM, MG 14, B33.— Northwest Review (Winnipeg), 13 avril 1929.— Telegram (Winnipeg), 21, 25 mai 1907.— Winnipeg Free Press, 9 nov. 1872, 9 janv. 1888, 25 juill. 1892, 21 mai 1907, 9 nov. 1922, 19 oct., 9, 15 nov. 1957, 16 mai, 29 août 1964.— Canadian album (Cochrane et Hopkins), 3 : 133.— CPG, 1876–1887.— J. W. Dafoe, « Early Winnipeg newspapers », Manitoba, Hist. and Scientific Soc., Papers (Winnipeg), 3e sér., no 3 ([1946–1947]) : 14–24.— Hall, Clifford Sifton.— J. A. Hilts, « The political career of Thomas Greenway » (thèse de ph.d., Univ. of Manitoba, Winnipeg, 1974).— The Luxton expulsion ! Why W. F. Luxton has been expelled from the Free Press, and despoiled of the fruits of his life’s work ([Winnipeg, 1893]), feuillet qui reproduit deux articles publiés dans le Winnipeg Tribune, du 23 et du 25 sept. 1893.— Pioneers of Manitoba (Morley et al.).

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Thomas Peterson, « LUXTON, WILLIAM FISHER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/luxton_william_fisher_13F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
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