LEBEAU, CLAUDE, aventurier et voyageur, dont les dates et lieux de naissance et de décès sont inconnus.

On ne sait que fort peu de chose de sa vie, en dehors de ce qu’il en raconta lui-même avec une certaine fantaisie. Il se disait natif de Morlon, dans le canton de Fribourg, en Suisse. Son père servait dans les Cent-Suisses de la Garde du roi de France et l’emmena dans ce pays où il fit des études de droit et fut reçu avocat au parlement de Paris le 8 août 1724. Ayant perdu sa mère, « aussi douce, dit-il, que son père était rigide », avocat sans causes, il aurait travaillé chez un procureur et se serait brouillé avec son père qui, ami de l’intendant Hocquart*, aurait décidé de le confier à celui-ci pour lui servir de secrétaire à l’intendance du Canada.

Lebeau prétend donc avoir quitté Paris le 10 avril 1729 pour se présenter à son protecteur à La Rochelle. Cependant, la réalité est assez différente. En effet, un ordre du roi du 28 mai 1728 envoyait Lebeau à Bicêtre, prison réservée aux malfaiteurs de bas étage, où il sera détenu, « sans doute pour libertinage », jusqu’à nouvel ordre « moyennant une pension de 100 livres qui y sera payée par son père. » Il fut transféré à une date inconnue à l’Hôpital Général puisque, le 29 avril 1729, le roi écrit aux administrateurs de cette institution pour leur donner ordre de remettre aux brigadiers du guet les nommés François Legrand, Jean et Antoine Tancré, Claude Lebeau et autres. Le même jour, un ordre du roi prescrit le transfert au Canada, « pour y demeurer le reste de leurs jours », de ces personnages. Le 2 mai 1729, Maurepas [Phélypeaux] écrit à Beauharnois*, intendant de la marine à Rochefort, pour lui envoyer la liste des 15 prisonniers qui devront être embarqués sur la flûte l’Éléphant. « Vous verrez, ajoute le ministre, qu’il y en a qui appartiennent à des personnes de condition et les autres sont la plupart jeunes gens de famille qui ont esté renfermez pour cause de libertinage. » C’est donc en convoi de prisonniers que Lebeau quitta Paris pour La Rochelle. Il ne put arriver à Québec le 18 juin 1729 comme il le prétend, car l’Éléphant, commandé par M. Louis-Philippe de Rigaud* de Vaudreuil, lieutenant de vaisseau, n’appareilla, après avoir embarqué les prisonniers à l’île d’Aix, que le 28 juin à 3 heures. Après une longue traversée, le navire fit naufrage le 1er septembre vers 20 heures au cap Brûlé, à environ 30 milles de Québec. Équipage et passagers furent sauvés.

Lebeau prétend avoir été nommé commis au Bureau du castor, puis premier commis des magasins du roi sur la recommandation du père Dubois*, provincial des Récollets, chez lequel il logeait. Il s’ennuya, son emploi n’étant pas assez considérable pour l’engager à rester dans le pays et, plongé dans « une mélancolie inexprimable », il chercha à s’enfuir. Ne pouvant se procurer de passeport, il vola, dit-il, de la poudre dans les magasins et partit en direction de la Nouvelle-Angleterre. Le 14 novembre 1730, l’intendant Hocquart lança contre lui un ordre d’arrestation, promettant une prime de 300# pour sa capture. Hocquart décrivait Lebeau de la façon suivante : « de petite taille, portant perruque brune, marqué au visage de petite vérole, les yeux noirs et petits, un peu enfoncés, bégayant un peu dans son parler ». Néanmoins Lebeau réussit à s’échapper, tenta d’enlever une jeune Abénaquise qui refusa de le suivre et gagna Boston d’où il s’embarqua pour la Hollande. Le 12 janvier 1731, Hocquart condamne par contumace le sieur Lebeau « pour crime d’exposition frauduleuse de fausse monnaie de carte » à être pendu et étranglé jusqu’à ce que mort s’ensuive. Ce jugement fut exécuté le lendemain, et Lebeau pendu en effigie, puisqu’il avait pris la fuite. On perd ensuite sa trace.

En 1738, parut à Amsterdam en deux volumes un ouvrage intitulé Aventures du s. CLe Beau, avocat en Parlement, ou Voyage curieux et nouveau parmi les Sauvages de lAmérique septentrionale dans lequel on trouvera une description du Canada avec une relation très particulière des anciennes coutumes, mœurs et façons de vivre des barbares qui lhabitent et de la manière dont ils se comportent aujourdhuy. L’ouvrage, qui relevait d’une littérature exotique fort à la mode depuis la seconde moitié du xviie siècle, dut avoir un certain succès puisqu’une traduction allemande en fut publiée à Francfort en 1752.

Lebeau a un certain talent d’écrivain et son livre se lit agréablement. Mais l’originalité est faible car il a fait de très larges emprunts à ses prédécesseurs. Le Journal de Trévoux publia un compte rendu fort sévère, traitant l’œuvre de roman ; il reconnut toutefois à l’auteur le mérite d’avoir brossé un tableau exact des mœurs et du caractère des Canadiens, bien que ses connaissances géographiques fussent indigentes. Les meilleurs chapitres sont ceux qui traitent des mœurs des castors et des idées religieuses des Indiens. Dans son ensemble, l’ouvrage fait plus d’honneur à l’imagination de l’auteur qu’à un esprit scientifique, assez rare, il est vrai, dans les récits de voyages de cette époque.

Étienne Taillemite

AN, O1, 72, f.201. : X1A, 9 327 ; Col., B, 53, 152, 172, 548v., 572, 573 ; Col., C11A, 51, ff.103–106, 237–239, 387s., 398, 476 ; Col., E, 265 (dossier Lebeau).— Dictionnaire historique et biographique de la Suisse (8 vol., Neufchâtel, 1921–1934), IV.— Dictionnaire géographique de la Suisse (6 vol., Neufchâtel, 1902–1910), III, article « Morlon ».— J.–E. Roy, Des fils de famille envoyés au Canada, Claude Lebeau, MSRC, 2e sér., VII (1901), sect. i : 6–33.

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Étienne Taillemite, « LEBEAU, CLAUDE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/lebeau_claude_2F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1969
Année de la révision:    1991
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