WUGK, CHARLES-DÉSIRÉ-JOSEPH, dit Charles Sabatier, pianiste et compositeur, né à Tourcoing, département du Nord, France, le 1er décembre 1819, fils de Charles-Théophile Wugk, originaire de Saxe (République démocratique d’Allemagne), et de Sophie-Joseph Vercambre, de Tourcoing, décédé à Montréal le 22 août 1862.

De 1838 à 1840, Charles-Désiré-Joseph Wugk s’inscrivit, de façon irrégulière, au Conservatoire de Paris, à la classe préparatoire de contrepoint et de clarinette. On ne peut vérifier les allégations, avancées lors d’une apparition qu’il fit à Toronto en 1856, voulant qu’il ait remporté le premier prix d’harmonie et de piano du Conservatoire et été chef d’orchestre du Grand Opéra de Bruxelles. Mais l’affirmation selon laquelle il fut pianiste chez Marie-Louise de Bourbon, duchesse de Montpensier, est plus crédible.

Il se peut que le jeune musicien ait débarqué à Québec comme marin puis se soit rendu à Montréal dès 1848. Il est certain, cependant, qu’il vécut, à partir de 1854 environ, à Québec où sa renommée de pianiste virtuose l’avait précédé. Sabatier, pseudonyme de Wugk désormais, vécut à Québec quatre ou cinq ans, pendant lesquels il enseigna et donna des concerts en public et dans des salons. À l’occasion, il tint aussi l’orgue dans des églises. Son apparition comme artiste invité au St Lawrence Hall de Toronto en 1856 démontre qu’il ne limita pas ses occupations à une seule ville. De Québec, Sabatier déménagea à Saint-Jean-Chrysostome, près de Lévis, et fut, pendant quelque temps, organiste à l’église des Saints-Gervais-et-Protais, où il fit partie d’un cercle littéraire rassemblant autour de l’abbé Paschal Pouliot l’élite de la société locale. Puis, après avoir été professeur de musique dans un couvent de Chambly, il s’installa finalement à Montréal. Avec Paul Stevens* et Édouard Sempé, il fonda l’Artiste, « journal religieux, critique, littéraire, industriel et musical ». Cette publication parut seulement deux fois, en mai 1860. Il composa une Cantate en l’honneur de Son Altesse Royale le prince de Galles à l’occasion de son voyage au Canada dont Sempé fut le librettiste. L’œuvre fut exécutée au cours d’un concert de gala, le 24 août 1860, en présence du prince de Galles, qui applaudit « bruyamment et fréquemment » et demanda à voir la partition de Sabatier. Le compositeur dirigeait lui-même les 250 choristes de l’Union musicale de Montréal, un orchestre, ainsi qu’un groupe de solistes comptant Adelina Patti, âgée de 16 ans, qui devait atteindre la renommée internationale. La même année, fut publié le livret de cette œuvre, qui comprenait une version anglaise de Rosanna Eleanora Leprohon [Mullins*]. Des dix mouvements de musique, seulement quelques-uns furent imprimés. Un ou deux ans plus tard, Sabatier entra à l’Hôtel-Dieu de Montréal pour y subir une cure de désintoxication. Ayant rechuté, il mourut peu après d’une congestion cérébrale.

Pour son public canadien aux goûts simples, Sabatier dut personnifier l’artiste romantique. Il est plus que probable qu’il possédait suffisamment le sens du spectacle pour entretenir cette image. On admirait sa haute et belle prestance et sa virtuosité au piano tout en regardant d’un mauvais oeil sa vie de bohème et son abus de la boisson. Dans le Journal de l’Instruction publique, le nécrologue écrivait, moralisateur : « Exemple terrible d’une belle carrière brisée sans retour par une passion brutale et tyrannique ! » Une anecdote illustre bien son tempérament nerveux et violent : un jour, au cours d’une réception de bienvenue à l’hôtel Blanchard de Québec, Sabatier se saisit d’un buste en porcelaine de Napoléon III et le lança par la fenêtre sur le parvis de Notre-Dame-des-Victoires, maudissant le tyran. De fait, il se peut que sa venue au Canada soit reliée aux événements de 1848 et peut-être aussi à son mariage rompu (il laissa deux filles en France). Mais, en tant que musicien, il mérita le respect sincère de ses confrères canadiens, à la fois comme pianiste brillant et comme professeur. Calixa Lavallée* et Dominique Ducharme furent, pendant quelque temps, ses élèves.

En plus de la Cantate, Sabatier écrivit des œuvres originales pour piano, des fantaisies, pour piano également, sur des airs d’opéra d’autres compositeurs, et de la musique pour harmonie ainsi que des chants. Sur une trentaine d’œuvres dont on connaît les titres, environ 12, imprimées, ont été conservées. Sabatier en composa probablement beaucoup plus, puisque l’une d’elles, une Mazurka caprice, porte le numéro d’opus 190. Sa musique paraît être vive, légère et brillante. Notons quelques titres caractéristiques : Marche aux flambeaux, la Prière des anges, Mes derniers quadrilles, pour piano ; une Grande Marche canadienne pour orchestre et l’Alouette et la Montréalaise pour voix. Il doit son titre de gloire particulier au chant patriotique dont les paroles sont d’Octave Crémazie*, le Drapeau de Carillon, qui fut exécuté pour la première fois à Québec, le 15 mai 1858, par Édouard Gingras et le compositeur et devint par la suite fort connu des Canadiens français.

Helmut Kallmann

Archives nationales (Paris), AJ37 352X 2, p.110.— JIP ; sept. 1862.— Globe, 25 sept. 1856.— La Minerve, 9 août 1860, 26 août 1862.— Catalogue of Canadian composers, Helmut Kallmann, édit. (Toronto, 1952).— Dictionnaire biographique des musiciens canadiens (2e éd., Lachine, Québec, 1935).— Helmut Kallmann, A history of music in Canada, 1534–1914 (Toronto et Londres, 1960).— D. J. Sale, Toronto’s preconfederation music societies, 1845–1867 (thèse de m.a., University of Toronto, 1968).— N. A. Woods, The Prince of Wales in Canada and the United States (Londres, 1861).— Arthur Letondal, Un musicien oublié (Charles Waugk Sabatier), L’Action nationale (Montréal), II (1933) : 126–135.— Nazaire Levasseur, Musique et musiciens à Québec ; souvenirs d’un amateur, La Musique (Québec), 2 (1920) : 172s., 185–187, 202s.— Léo Roy, La vérité sur Sabatier, L’Action nationale, LVII (1967–1968) : 707–709.— Henri Têtu, Impressions musicales, L’Action sociale catholique (Québec), 13 mars 1915.

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Helmut Kallmann, « WUGK, CHARLES-DÉSIRÉ-JOSEPH, dit Charles Sabatier », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/wugk_charles_desire_joseph_9F.html.

Information à utiliser pour d'autres types de référence bibliographique:

Permalien: http://www.biographi.ca/fr/bio/wugk_charles_desire_joseph_9F.html
Auteur de l'article:    Helmut Kallmann
Titre de l'article:    WUGK, CHARLES-DÉSIRÉ-JOSEPH, dit Charles Sabatier
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1977
Année de la révision:    1977
Date de consultation:    28 novembre 2024