LE CARON, JOSEPH, prêtre, récollet, premier missionnaire chez les Hurons, né aux environs de Paris vers 1586 et décédé près de Gisors en 1632.

Le père Le Caron embrassa l’état ecclésiastique et fut choisi comme aumônier et précepteur du duc d’Orléans. À la mort de ce dernier, il entra chez les Récollets et y fit profession en 1611. Quatre ans plus tard, Champlain emmenait en Nouvelle-France quatre récollets ; les pères Jamet, qui devint leur premier supérieur, et Le Caron étaient du nombre. Quittant Honfleur le 24 avril 1615, Le Caron abordait à Tadoussac le 25 mai suivant et, quelques jours plus tard, voguait avec les trafiquants de pelleteries vers le saut Saint-Louis pour y rencontrer les Hurons et tenter de les suivre en leur pays. Sûr de réaliser son projet, il redescendit à Québec pour s’y munir des objets nécessaires au culte et, vers le 23 juin, il était de nouveau à la rivière des Prairies. Le lendemain, la messe « fut chantée sur le bord de la dite rivière avec toute dévotion par le père Denis et le père Joseph ». Il manifesta alors à Champlain son projet d’aller demeurer chez les Attignaouantans (nation de l’Ours) « pour apprendre leur langue [...] et annoncer le nom de Dieu à ces sauvages ». Après un voyage dont Le Clercq nous a fait le récit, le père Le Caron s’établit à Carhagouha. Le 12 août, en présence de Champlain et des Français qui l’accompagnaient, il célébra la première messe en pays huron. Le 15 janvier 1616, Champlain, qui était revenu de son expédition militaire et avait rejoint le père Le Caron, partit avec lui visiter la nation des Pétuns ainsi que sept autres villages de leurs alliés qui les reçurent avec la plus cordiale hospitalité et avec lesquels ils se lièrent d’amitié. Quittant cette contrée le 20 mai, le père Le Caron arrivait à Québec le 11 juillet après avoir fait halte au saut Saint-Louis et à Trois-Rivières. La mission au pays des Hurons était fondée.

Le 20 juillet 1616, Champlain, en compagnie des pères Jamet et Le Caron, repassait en France. On y allait porter plainte auprès des chefs de la Compagnie des Marchands de Rouen et de Saint-Malo au sujet de la conduite de ses agents qui faisaient obstacle au travail apostolique. Cette mission accomplie, le père Le Caron, le 11 avril 1617, reprenait la mer ; il revenait à Québec avec le titre de commissaire provincial et, en remplacement du récollet Jean Dolbeau qui passait en France, il y demeura une année durant laquelle il bénit le mariage de la fille aînée de Louis Hébert, Anne, avec Étienne Jonquet. Dès le retour du père Dolbeau, l’année suivante, le père Le Caron se rendait chez les Montagnais de Tadoussac auprès desquels il resta jusqu’en 1619, accomplissant auprès d’eux le double apostolat de missionnaire et de maître d’école, ainsi qu’il le déclare lui-même : « j’ai montré l’alphabet à quelques-uns qui commencent assez bien à lire et à écrire […]. C’est ainsi que je me suis occupé à tenir école ouverte dans notre maison de Tadoussac ». En 1624, il pourra écrire, en parlant du séminaire que les Récollets avaient ouvert à Québec depuis 1620 : « Notre Séminaire serait d’une grande ressource si on avait les moyens de fournir à tout, mais vu la pauvreté du pays, nous ne saurions y nourrir qu’un petit nombre de sauvages. »

Revenu à Québec, il signait, le 18 août 1621, une pétition adressée au roi Louis XIII pour plaider la cause de la Nouvelle-France, puis retournait chez les Montagnais de Tadoussac, d’où il reviendra au mois de mai suivant afin de prendre part aux exercices spirituels de la retraite, au couvent de Notre-Dame-des-Anges. En 1623, après un second séjour chez les Montagnais, il accueillait à Québec de nouvelles recrues et formait le projet de passer en Huronie avec le père Nicolas Viel et le frère Gabriel Sagard. C’est au village de Carhagouha qu’il alla se fixer avec ses compagnons. Son séjour fut marqué d’un incident qui lui aurait coûté la vie, n’eût été l’intervention d’un grand chef huron qui le défendit. De retour à Québec en juin 1624, le père Le Caron remit au frère Sagard, qui s’apprêtait à passer en France, une relation écrite de sa main et dont Le Clercq nous a conservé de larges extraits. Cette relation constitue une étude approfondie des Amérindiens de la Nouvelle-France, de leurs mœurs et des obstacles à leur conversion. L’introduction révèle l’existence d’un second mémoire dont le manuscrit est aujourd’hui inconnu.

Rentré en France à la fin d’août 1625, le père Le Caron y était délégué par les missionnaires pour tenter un suprême effort contre la Compagnie de Montmorency, qui paralysait le développement de l’Église. À cette fin, il rédigea et fit imprimer deux écrits destinés à éclairer le Conseil du roi : le premier, de 15 pages, intitulé : Plainte de la Nouvelle France dicte Canada, à la France, sa Germaine ; le second, ayant pour titre : Avis au Roi sur la Nouvelle-France (il couvre 23 pages). Ces deux manuscrits, conservés à la Bibliothèque nationale de Paris, constituent un violent réquisitoire contre la Compagnie des Marchands et son directeur. En ce même voyage, le père Le Caron avait apporté avec lui son dictionnaire de la langue huronne et deux autres des langues algonquine et montagnaise, tous perdus aujourd’hui, qui furent offerts au roi par Le Baillif.

Sa mission terminée, le père Le Caron revenait à Québec où il s’employa de nouveau à l’évangélisation. La capitulation de 1629, en faisant de la Nouvelle-France une possession anglaise, mettait aussi un terme à son apostolat en ce pays ; le 9 septembre suivant, le père Le Caron et ses confrères récollets retournèrent en France où ils débarquèrent le 29 octobre.

Nommé supérieur du couvent de Sainte-Marguerite, près de Gisors, le père Le Caron y mourrait de la peste le 29 mars 1632, à l’âge de 46 ans, le jour même de la signature du traité de Saint-Germain-en-Laye qui rendait le Canada à la France.

Des récollets venus en Nouvelle-France, le père Le Caron fut l’un des plus remarquables, tant par sa culture que par son zèle apostolique. Il avait concouru efficacement à l’établissement de l’Église en Canada et fondé la première mission en Huronie.

Frédéric Gingras

ASQ, MSS, 200, Mortuologe des Recolets.— BN, Imprimés, LK12, 773, [Joseph Le Caron], Au Roi sur la Nouvelle-France (1626). Seul ce mémoire, d’après Marcel Trudel (V. Histoire de la Nouvelle-France, II), aurait été écrit par Le Caron. L’autre, Plainte de la Nouvelle France dicte Canada, à la France, sa Germaine [...], aurait été rédigé par le père Le Baillif, à la fin de 1621 ou au début de 1622. V. bibliographie de Georges Le Baillif.— Champlain, Œuvres (Laverdière), 495, 497s., 501s., 504, 506s., 517, 1 040s., 1 050.— Le Clercq, First establishment of the faith (Shea), I : 31 et passim ; II : 45.— Sixte Le Tac, Histoire chronologique de la Nouvelle-France ou Canada depuis sa découverte (mil cinq cents quatre) jusques en lan mil six cents trente deux, éd. Eugène Réveillaud (Paris, 1888).— Mémoire faict en 1637 pour l’affaire des Pères Recollectz [...], Découvertes et Établissements des Français (Margry), I : 3–18.— Sagard, Le grand voyage (Tross), passim ; Histoire du Canada (Tross), I-IV : passim.— The Catholic encyclopedia, an international work of reference [...] of the Catholic church, ed. C. G. Herbermann et al. (17 vol., New York, 1907–22), VI : 301. Jouve, Les Franciscains et le Canada (1615–1629).

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Frédéric Gingras, « LE CARON, JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/le_caron_joseph_1F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1966
Année de la révision:    2017
Date de consultation:    28 novembre 2024