CHOMINA (Choumin), chef montagnais de la région de Tadoussac ; circa 1618–1629. Chomina était aussi connu sous plusieurs autres noms : Atic ; « Crapaut » ; Petitchouan ; « la Mer monte » ; Amiscouecan ; « Vieille robe de castor ». Les Français le nommaient « Le Cadet », à cause de sa tenue recherchée et de ses belles manières françaises, et aussi « Le Raisin », traduction de son nom montagnais, mais Le Clercq affirme que c’était à cause de son goût pour l’alcool.
Chomina lia son sort à celui des Français pendant plusieurs années (1618–1629). Champlain dit de lui : « Nous n’avons connu personne qui fût un ami aussi fidèle et serviable ». Il ajoutait que Chomina inspirait le respect, possédait l’intelligence, le jugement et un sens aigu des réalités, et qu’il était doué d’un grand courage et capable de gratitude. Bien que très lié avec les prêtres français, Chomina n’accepta jamais le christianisme.
Il « adopta », en qualité de frère, le père Joseph Le Caron, qui passa l’hiver de 1618–1619 parmi ses gens. Il donnait toute l’aide possible à ce religieux, et Chrestien Le Clercq a rapporté qu’il travailla avec ardeur pour bâtir une maison au père Le Caron et invita d’autres hommes de sa tribu à participer à l’entreprise. Le même hiver, la femme de Chomina donna naissance à un fils qu’il était décidé à appeler Père Joseph afin de manifester son affection envers le père Le Caron.
Vers le même temps, Chomina demanda au père Le Caron d’emmener un autre de ses fils, nommé Naneogauchit, alors âgé de neuf ou dix ans, pour lui apprendre à vivre comme les Récollets eux-mêmes. Sagard raconte assez longuement les mesures prises et les difficultés qui se présentèrent avant que l’enfant fût baptisé, le 23 mai 1627. Par la suite, Chomina, subissant l’influence de Français peu dévots, fit tout en son pouvoir pour éloigner son fils des Récollets. Champlain et Mme Hébert [V. Rolet], sa marraine, donnèrent à Naneogauchit le nom de Louis. Le baptême n’eut pas lieu en public comme on l’avait d’abord projeté, parce que Champlain craignait une attaque soudaine au cours de la cérémonie. Le garçon fut baptisé dans la chapelle de Notre-Dame-des-Anges par le père Le Caron. Presque tous les Français et les membres des Premières Nations assistaient à la cérémonie, mais le père de l’enfant, Chomina, était absent. On chanta le Te Deum, suivi d’un salut de deux coups de canon et de plusieurs salves de mousqueterie.
Les principaux parents, les capitaines, le clergé et les dignitaires français furent ensuite reçus à l’Habitation par Champlain. Une fête eut lieu à la maison de Mme Hébert, au cours de laquelle on consomma 56 oies sauvages, 30 canards, 20 sarcelles et quantité d’autre gibier. La plupart des Français apportèrent quelque chose : les « Messieurs de la Traicte principalement, desquels on eut deux barils de poix, un baril de galettes, 15 ou 20 livres de pruneaux, six corbillons de bled d’Inde, & quelque autre commodité, qui furent mises avec tout le reste des viandes, bled, pain, poix & pruneaux dans la grande chaudière à brasserie de la dame Hébert. » Toutefois, Louis abandonna peu après le christianisme pour retourner à ses croyances.
En 1629, Chomina fut considéré avec quelque suspicion par ses gens parce qu’il avait accusé l’un des leurs d’avoir assassiné deux Français au cap Tourmente deux ans auparavant. Champlain remit l’assassin présumé aux mains de Chomina. C’était là un geste prudent de la part des Français à cause de la rareté des vivres chez eux et de la dépendance où ils étaient à l’égard des Premières Nations pendant cette période critique, où les Anglais menaçaient la Nouvelle-France. Ce geste servait aussi à exonérer Chomina aux yeux des siens, ce à quoi Champlain tenait beaucoup, car il exigea comme condition à la libération du prisonnier que les Premières Nations acceptent la création d’un conseil présidé par Chomina. Ce conseil avait pour objet de décider et de régler des questions d’intérêt qu’elles avaient en commun avec les Français. Il comptait aussi parmi ses membres Erouachy, Batiscan, Tessouat (mort en 1636) et un autre. Les Premières Nations acceptèrent ce plan, mais Champlain doutait de la sincérité de leur porte-parole, Erouachy. On devait tenir les cérémonies d’installation du conseil à l’arrivée des navires français, qui ne vinrent pas. Lorsque Québec tomba aux mains des Anglais, il n’en fut plus question.
La distinction accordée à Chomina causa de la jalousie parmi les Premières Nations, qui le critiquaient déjà de porter des vivres à Québec à l’intention des Français tandis qu’elles-mêmes en manquaient. Cependant, l’espoir de tels honneurs en incita d’autres à donner des vivres aux Français.
Outre cette aide matérielle, Chomina tenait Champlain au courant de nombreux complots qui se tramaient au sein des Premières Nations. Avec ses frères, il passa l’hiver près de Québec et, au printemps, avec le consentement des Jésuites, il cultiva un lopin de leur terre. Son frère Ouagabemat, ou Noegabinat (que Biggar nomme Negabamat), emmena le père Le Caron à la pêche.
En mai 1629, Champlain envoya à Tadoussac le fils de Chomina, Louis, et deux Français pour demander des vivres et le passage à destination de la métropole pour certains Français de Québec. Alors que les approvisionnements diminuaient de façon alarmante à Québec, Chomina se rendit à Trois-Rivières pour demander de la farine de maïs aux Hurons qui arrivaient alors pour la traite annuelle. On lui remit quelques couteaux en vue des échanges et on lui prêta une pique, « tant on avait confiance en lui ». Pour se procurer de la poudre, son frère partit pour le pays des Etchemins avec un Français qui demeurait près de ce pays. Les basses eaux les forcèrent cependant à revenir.
Chomina et son frère furent les seuls membres de Premières Nations à offrir de prendre les armes avec les Français contre les Anglais. Selon Le Clercq, Chomina pria deux ou trois missionnaires de se retirer dans les bois, puis de se rendre dans la région de Tadoussac, plutôt que d’abandonner tout à fait le pays. Ce plan avait l’appui du père Le Caron, mais il fut rejeté par les autorités de Québec au moment où la ville dut capituler.
Champlain, Œuvres (Biggar).— Le Clercq, First establishment of the faith (Shea), I : 30–33, 132s.— Sagard, Histoire du Canada (Tross), I : 63s. ; II : 284s, 307, 498–517 ; IV : 884s., 888, 892.
Elsie McLeod Jury, « CHOMINA (Choumin) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/chomina_1F.html.
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Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1966 |
Année de la révision: | 2019 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |