KIRKWOOD, ALEXANDER, fermier, auteur et fonctionnaire, né le 17 décembre 1823 à Belfast, fils de Thomas Kirkwood et de Mary Ann McKlean ; le 10 juillet 1854, il épousa à Québec Camille Delphine Samson, puis le 6 juin 1889 à Toronto, Emily Frederica Stow ; il eut neuf fils et quatre filles ; décédé le 13 juillet 1901 à Toronto.

II existe peu de documentation sur les jeunes années d’Alexander Kirkwood. Son père, fermier de Ballymurphy dans le comté d’Antrim, appréciait certainement la valeur d’une instruction solide puisqu’il l’inscrivit à l’âge de 15 ans à la Royal Belfast Academical Institution. Kirkwood y resta de 1839 à 1841, puis, pris de passion pour la linguistique, il y retourna en 1844–1845 pour étudier les langues orientales. Plus tard au cours de sa vie, il allait traduire, pour publication, des textes français, latins et russes. Pendant ses études, il acquit aussi un vif intérêt pour les sciences naturelles, et surtout pour leurs applications pratiques. Ses opinions ressemblaient à celles que Benjamin Carrard avait exprimées en 1777 dans un ouvrage en français que Kirkwood allait traduire et publier à Toronto en 1900 sous le titre de The art of observing (a fragment).

Kirkwood espérait devenir ministre presbytérien, mais en 1846, au début de la grande famine d’Irlande, il se joignit à un groupe d’émigrants en qualité de précepteur (métier qu’il exerçait depuis qu’il avait fini ses études) et quitta Belfast pour les États-Unis. Après un bref séjour à New York, il se tourna vers l’agriculture. Il travailla dans des fermes du comté de Herkimer, dans l’État de New York, et près de Geneva. En 1852, il s’établit au Bas-Canada, dans le comté de Portneuf. Par la suite, il trouva de l’emploi chez des fermiers à « Durham Flats » et à Rivière-Saint-François. Peu après son arrivée dans la province du Canada, il posa sa candidature au bureau d’Agriculture, qui venait d’être créé. Malcolm Cameron*, le ministre, fut impressionné par les idées progressistes de ce jeune Irlandais, surtout après avoir lu de lui, dans le Canadian Agriculturist, un article sur la production du lin. Sur les instances de Cameron, le gouverneur lord Elgin [Bruce*] envoya Kirkwood en Europe en 1853 pour qu’il rédige un rapport sur la culture du lin et ses applications industrielles. L’année suivante, Kirkwood obtint un poste permanent de commis au département des Terres de la couronne. Après la Confédération, il passa au département ontarien des Terres de la couronne, à Toronto, où il devint fonctionnaire supérieur à la direction des terres. Il ne quitta ce poste que pour prendre sa retraite, le 1er octobre 1900.

C’est vers le milieu des années 1860 que Kirkwood sortit de l’anonymat de la fonction publique en faisant paraître des écrits qui visaient à promouvoir la politique haut-canadienne puis ontarienne de colonisation. En 1864 par exemple, il rédigea Flax and hemp, brochure, publiée à Toronto, dans laquelle il soutenait que l’on pouvait cultiver du lin et du chanvre dans la région encore vierge située entre la baie Géorgienne et l’Outaouais. En 1867, dans A short treatise on the milk-weed, or silk-weed, and the Canadian nettle [...], ouvrage publié à Ottawa, il signalait les applications industrielles possibles de l’asclépiade et de l’ortie du Canada, plantes indigènes que les fermiers considéraient comme de la « mauvaise herbe ». En outre, il publiait régulièrement, dans des lettres au Globe et au Week de Toronto, des commentaires sur des questions agricoles et scientifiques. Il usait parfois du pseudonyme de Neptune pour parler d’halieutique.

L’apport le plus marquant de Kirkwood à la promotion gouvernementale de l’expansion agricole reste The undeveloped lands in northern and western Ontario [...], publié en 1878 et rédigé en collaboration avec son collègue Joseph J. Murphy. Cet ouvrage, approuvé par les autorités, montre bien quelles étaient les préoccupations du gouvernement d’Oliver Mowat à la fin des années 1870, c’est-à-dire à l’époque où l’avenir de l’Ontario semblait menacé à la fois par les mouvements de sa population vers le Manitoba et par l’attrait que l’Ouest exerçait sur les immigrants britanniques. Kirkwood et Murphy tentèrent de démentir l’opinion selon laquelle « l’Ontario ne compt[ait] déjà plus de terres de colonisation ». S’appuyant sur divers rapports produits notamment par des arpenteurs et des agents des terres, ils montraient qu’il restait, dans les cantons et districts du nord de la province, des « millions d’acres » de terres de la couronne à cultiver. L’expérience allait prouver que le climat et le terrain accidenté de ces régions se prêtaient mal à l’agriculture commerciale, et qu’un avenir de misère attendait parfois les pionniers qui s’étaient laissés leurrer par des documents publicitaires de ce genre et l’offre d’une terre gratuite [V. Thomas McMurray*].

Cependant, vers 1885, même Kirkwood n’envisageait plus tout à fait ainsi l’avenir agricole du nord de l’Ontario. En effet, le mouvement de conservation qui inspira par exemple la création du parc national de Yellowstone en 1872 et de celui de Banff, en Alberta, en 1887, gagnait des adeptes en Amérique du Nord. En prenant conscience de problèmes tels que la désertification des comtés du sud de l’Ontario (dont la cause était la destruction du couvert forestier par les colons), l’appauvrissement des grandes pinèdes de la vallée de l’Outaouais, et la diminution des réserves de poisson et de gibier, Kirkwood comprit la nécessité de réserver certaines terres à des fins autres qu’agricoles. C’est pourquoi, en 1885, il recommanda au commissaire des Terres de la couronne, Timothy Blair Pardee*, de mettre sous protection les cantons du district de Nipissing où prenaient naissance les rivières Muskoka, Petawawa, Bonnechere et Madawaska pour en faire « la forêt et le parc Algonkin ». L’année suivante, afin de stimuler la discussion publique sur cette idée, il publia sous forme d’opuscule une lettre ouverte à Pardee. Robert W. Phipps, commis à la section de foresterie du département de l’Agriculture, avait été le premier à proposer, en 1884, la création d’un parc et d’une réserve forestière dans le district de Nipissing, et il l’avait fait en soulignant surtout la nécessité de ne pas épuiser la forêt et de préserver ce bassin hydrographique. À ces motifs, Kirkwood ajoutait les loisirs et la protection du gibier. Peu à peu, sa proposition gagna des appuis chez les entrepreneurs forestiers, les amateurs de chasse et de pêche, les naturalistes, les intellectuels des villes et les hommes d’affaires.

En 1892, Alexander Kirkwood se vit enfin confier la présidence d’une commission royale qui allait sélectionner les cantons où se trouverait le parc et recommander un mode d’administration approprié. Il rassembla lui-même l’abondante documentation de base dont les commissaires auraient besoin. En mai 1893, après avoir reçu le rapport de la commission, le gouvernement Mowat créait le Parc Algonquin grâce à une loi spéciale. Kirkwood doit une grande part de sa notoriété au rôle qu’il joua dans l’aménagement du premier et du plus célèbre des parcs provinciaux de l’Ontario.

Gerald Killan

L’article d’Alexander Kirkwood sur la production du lin a été publié dans le Canadian Agriculturist (Toronto), 5 (1852) : 336–337, sous le titre « On the growth and prospects of flax in the county of Port Neuf, Lower Canada ». Sa lettre à T. B. Pardee a été publiée sous le titre Algonkin, forest and park, Ontario (Toronto, 1886). De plus, il a traduit le texte de P. N. Werekha, An account of the forests of Russia and their products in comparison with the total territorial area and with the population, 1873 (Toronto, 1896).

ANQ-Q, CE1-1, 10 juill. 1854.— AO, F 644, MU 21 ; F 1011 ; RG 22, Ser. 305, no 14809 ; RG 80-5, no 1889-014478.— DCB, Biog. subject file, renseignements fournis par F. S. Kirkwood, d’Ottawa, 14 juin 1966.— Public Record Office of Northern Ireland (Belfast), SCH 524/IA, 7 (Royal Belfast Academical Institution records, album 42, II).— Globe, 1867–1901, particulièrement 15 juill. 1901.— Week, 1883–1896.— Commemorative biog. record, county York.— R. S. Lambert et A. P. Pross, Renewing natures wealth : a centennial history of the public management of lands, forests & wildlife in Ontario, 1763–1967 ([Toronto], 1967).— Ontario, Royal commission on forest reservation and national park, Papers and reports (Toronto, 1893), parus aussi dans Sessional papers, 1893, no 30 [Kirkwood a présidé cette commission et a compilé ses Papers and reports] ; Report (Toronto, 1893), publié aussi dans Ontario, Legislature, Sessional papers, 1893, no 31 ; Royal commission on forestry protection and perpetuation in Ontario, Report, 1899 (Toronto, 1900), publié également dans Sessional papers, 1898–1899, no 35 [Kirkwood était l’un des commissaires].— A. P. Pross, « The development of a forest policy : a study of the Ontario Department of Lands and Forests » (thèse de ph.d., Univ. of Toronto, 1967).— Audrey Saunders, Algonquin story ([Toronto, 1947] ; réimpr. avec cartes révisées, 1963).— Morris Zaslow, The opening of the Canadian north, 1870–1914 (Toronto, 1971).

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Gerald Killan, « KIRKWOOD, ALEXANDER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/kirkwood_alexander_13F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
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