KENT, ROBERT JOHN, avocat et homme politique, né en 1835 à Waterford (république d’Irlande), fils de James Kent et de Mary Carigan ; en 1866, il épousa Ellen F. Donnelly, de Harbour Grace, Terre-Neuve, et ils eurent quatre enfants ; décédé le 29 septembre 1893 à St John’s.
Avec des membres des deux côtés de l’Atlantique, la famille de Robert John Kent participait depuis longtemps au commerce entre Waterford et Terre-Neuve. James Kent avait travaillé avec son oncle Patrick Morris* à St John’s avant de retourner en Irlande. Robert fit presque certainement ses études au St John’s College de Waterford, puis partit en 1856 pour Terre-Neuve où il fut commis dans l’entreprise de son oncle John Kent*. Peut-être avait-il reçu quelque formation juridique en Irlande ; quoi qu’il en soit, il étudia le droit auprès de Hugh William Hoyles* au début des années 1860 et on l’admit au barreau de Terre-Neuve en 1864. Il s’associa ensuite à l’avocat et homme politique Joseph Ignatius Little*, frère de l’ancien premier ministre de la province, Philip Francis Little.
Étant donné ses antécédents et ses relations, il n’est pas étonnant que Robert Kent soit entré tôt en politique. À la fin des années 1860, il était partisan de la Confédération et conservateur, et la rumeur courut qu’il se présenterait en 1869 comme candidat fédéraliste dans St John’s. En fait, il ne brigua les suffrages qu’en 1873, dans la circonscription de St John’s East, et sous la bannière du parti antifédéraliste de Charles James Fox Bennett*. Son opinion sur la Confédération avait changé, déclara-t-il aux électeurs. Bennett dirigeait une coalition où se côtoyaient des libéraux catholiques (comme Kent) et ceux qui, parmi les conservateurs, n’avaient pu épouser les vues confédératrices de Frederic Bowker Terrington Carter. Cette coalition resta dans l’opposition jusqu’à la fin des années 1870 et, à mesure que les anciens conservateurs la quittaient et que Bennett devenait de plus en plus âgé et isolé, le leadership de l’opposition passa à Joseph Ignatius Little et aux libéraux. En général, le parti appuya la politique de développement économique du gouvernement de Carter et de William Vallance Whiteway*. Kent lui-même se prononça avec enthousiasme pour la construction d’un chemin de fer. En 1880, il fit d’ailleurs partie d’un comité mixte spécial de l’Assemblée qui recommanda la construction d’un chemin de fer transinsulaire.
Au début des années 1880, comme ils n’avaient aucun différend profond et s’entendaient sur les grandes lignes de la politique économique, libéraux et conservateurs s’acheminaient vers une alliance électorale. Elle fut conclue à temps pour les élections de 1882, au cours desquelles ils firent face au New Party, regroupement mal organisé et constitué surtout de marchands opposés à la politique ferroviaire de Whiteway. Kent remporta alors sa quatrième victoire consécutive dans St John’s East. Il y eut des bénéfices. La Newfoundland Railway Company le prit à titre de conseiller juridique, avec son associé Little, et la chambre d’Assemblée l’élut président. En 1883, Little accéda au poste de juge, et peu après Kent s’imposa comme chef du parti libéral. Puis la querelle interconfessionnelle qui éclata au milieu des années 1880 brisa ce qui s’annonçait comme une belle carrière politique. Une émeute qui opposa orangistes et catholiques, survenue en décembre 1883 à Harbour Grace et où cinq personnes furent tuées, précipita la crise. L’enquête puis l’arrestation de 19 catholiques inculpés de meurtre provoquèrent de fortes tensions confessionnelles qui mirent à rude épreuve le gouvernement de coalition libéral-conservateur dirigé par Whiteway. Les procès des 19 catholiques, où Whiteway représenta la couronne et Kent, la défense, montrèrent combien le gouvernement était divisé. Kent fut brillant et obtint des acquittements aux deux procès tenus en 1884–1885. L’indignation des protestants provoqua alors une polarisation des députés protestants et catholiques. L’Assemblée, malgré l’opposition de tous ses membres catholiques, adopta une motion dans laquelle elle critiquait les verdicts. Les libéraux quittèrent rapidement la coalition et Kent démissionna de la présidence de l’Assemblée en février 1885.
Même si dans les faits Kent était le chef des libéraux, sa position était loin d’être solide. En effet, le partisan catholique le plus puissant du premier ministre Whiteway, sir Ambrose Shea*, qui avait quitté le parti libéral en 1865, y revenait. Selon des articles de presse hautement partisans, Kent aurait fini par accepter que Shea dirige les libéraux aux élections qui allaient se tenir en octobre 1885. Réélu dans St John’s East, Kent quitta son siège en juin suivant. Peut-être démissionna-t-il en partie parce que, Little étant devenu juge, il était désormais seul à s’occuper de leur cabinet d’avocats. Cependant, l’explication la plus probable est qu’il fut incapable de survivre aux négociations de coulisse qui, au milieu de 1886, conduisirent à l’éclatement du parti libéral. Certains libéraux se joignirent alors au gouvernement réformiste de Robert Thorburn*, et les autres, à l’opposition dirigée par Robert Bond*, héritier politique de Whiteway.
Robert John Kent ne refit jamais de politique. Président de la Benevolent Irish Society de 1883 à 1891 et de la Law Society of Newfoundland à compter de 1888, il s’occupa de son cabinet plutôt florissant. De toute évidence, c’était un citoyen en vue et respecté. Il mourut en 1893. L’année précédente, l’incendie qui avait ravagé une très grande partie de St John’s avait détruit son cabinet. On croit que les soucis et le surcroît de travail engendrés par ce drame avaient précipité sa fin.
Supreme Court of Newfoundland (St John’s), Registry, 6 : 43–44 (testament de R. J. Kent) (mfm aux PANL).— Courier (St John’s), nov. 1869.— Evening Herald (St John’s), 30 sept. 1893.— Evening Mercury (St John’s), 16 févr. 1883.— Evening Telegram (St John’s), 11 avril 1882, 23 juill. 1884, 26 juin, 7 oct. 1885, 9 sept. 1886, 2 oct. 1893.— Patriot and Terra-Nova Herald, 11 nov. 1869, 4, 11 oct. 1873, 4 nov. 1878.— Public Ledger, 17 mai 1878, 6 avril 1880.— Centenary volume, Benevolent Irish Society of St. John’s, Newfoundland, 1806–1906 (Cork, république d’Irlande, [1906]).— Hiller, « Hist. Nfld. ».— Elinor [Kyte] Senior, « The origin and political activities of the Orange order in Newfoundland, 1863–1890 » (thèse de m.a., Memorial Univ. of Nfld., St John’s, 1959).— W. D. MacWhirter, « A political history of Newfoundland, 1865–1874 » (thèse de m.a., Memorial Univ. of Nfld., 1963).
James K. Hiller, « KENT, ROBERT JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/kent_robert_john_12F.html.
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Auteur de l'article: | James K. Hiller |
Titre de l'article: | KENT, ROBERT JOHN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
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